AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Christophe,
- Y... Jean-Michel,
- Z... Olivia,
- A... Dominique, épouse B...,
- C... Damien,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 26 mai 2006, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de violation du secret de l'instruction et recel, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 octobre 2006 où étaient présents : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, M. Beyer, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de Me ROUVIERE et de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN et COURJON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 25 août 2006, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que des articles publiés, sous la signature des demandeurs, dans l'hebdomadaire Le Point et le quotidien L'Equipe, ayant reproduit, in extenso, certains passages des procès-verbaux, non encore transmis au juge d'instruction, de transcription d'écoutes téléphoniques pratiquées pour les besoins d'une enquête sur des faits de dopage dans le milieu du cyclisme professionnel, une information a été ouverte des chefs de violation du secret de l'instruction et recel ; que les enquêteurs ont requis les opérateurs de télécommunications de leur fournir la liste des appels téléphoniques et des télécopies échangés par Dominique B..., Damien C... et Etienne D..., journalistes au quotidien L'Equipe ; que des perquisitions ont été effectuées au siège des deux organes de presse ainsi qu'aux domiciles de Dominique B... et Damien C... ; qu'il a été procédé à l'interception des conversations téléphoniques d'un fonctionnaire de police qui est apparu être en relation avec Christophe X..., journaliste au Point ; que les demandeurs, mis en examen pour recel de violation du secret de l'instruction, ont présenté des requêtes en annulation d'actes de la procédure devant la chambre de l'instruction qui y a partiellement
fait droit ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Dominique B... et Damien C..., pris de la violation des articles articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 56-2, 109, 173 et suivants, 475, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation des actes relatifs aux perquisitions effectuées le 13 janvier 2005 au siège du journal L'Equipe, figurant aux cotes D. 1233 à D. 1240 et de tous les actes subséquents ;
"aux motifs que s'agissant des perquisitions accomplies aux sièges respectifs des journaux l'Equipe et Le Point, les exigences légales contenues à l'article 56-2 du code de procédure pénale, encadrant le déroulement d'une perquisition dans des locaux de presse sont définies avec précision ; que ces dispositions légales doivent permettre aux personnes qu'elles concernent, dirigeants d'organes de presse et journalistes, de prévoir les conséquences de leurs choix éditoriaux et de la publication d'articles litigieux ; qu'à cet égard, Dominique B..., journaliste à L'Equipe, a admis, durant l'instruction, avoir eu conscience du risque qu'elle prenait à publier "les passages des procès-verbaux litigieux", ajoutant même : "nous avons choisi de les publier .c'était pour coller au plus près des déclarations des personnes entendues dans le cadre de l'instruction" "il s'agit d'un choix que nous avons assumé" ; que Christophe X..., journaliste du Point, a déclaré que la publication reprochée d'interceptions téléphoniques constituait un élément d'information important pour leurs lecteurs ; que ces perquisitions se sont déroulées le 13 janvier 2005, soit postérieurement aux auditions du magistrat instructeur, des policiers et journalistes auteurs des articles litigieux, ainsi qu'à d'autres investigations techniques visant les policiers ; que les policiers susceptibles d'être mis en cause comme auteurs de la violation du secret de l'instruction, avaient en effet été entendus, certains dès courant février 2004, soit dès le début de l'enquête préliminaire, puis, pour les autres, en octobre et novembre 2004 ; que si, pour partie d'entre eux, ils avaient reconnu connaître certains des journalistes auteurs des articles litigieux et avoir eu des contacts avec eux sur l'affaire de dopage au sein de l'équipe Cofidis, aucun n'avait admis avoir communiqué aux journalistes les écoutes et procès-verbaux ; que ces contacts avaient été confirmés par le résultat des interceptions téléphoniques et listings des appels entrants et sortants des téléphones personnels ou professionnels utilisés par ces policiers ;
que l'ensemble de ces investigations, qui ont visé le juge d'instruction, entendu, et les membres de la police judiciaire, représentants de l'autorité judiciaire, et qui ont consisté, pour partie d'entre elles, en des mesures secrètes faites à l'insu des intéressés, n'avait pas permis de réunir d'éléments suffisants de nature à constituer, à ce niveau de l'instruction, des indices graves ou concordants permettant des mises en examen des personnes ayant violé le secret de l'instruction et ultérieurement des charges permettant le renvoi devant la juridiction correctionnelle ; qu'ainsi, des recherches au sein des organes de presse ayant publié les informations violant le secret de l'instruction devenaient la seule mesure utile à la manifestation de la vérité ; que, s'agissant du déroulement de ces perquisitions, que les procès-verbaux, établis par les magistrats instructeurs y ayant procédé, révèlent qu'elles ont duré, au journal Le Point, de 10 heures 45 à 12 heures 15, et au journal L'Equipe, de 10 heures 20 à 12 heures 40 et que ceux-ci mentionnent qu'il a été veillé au respect des dispositions de l'article 56-2 du code de procédure pénale ; qu'au journal Le Point, il a été fait choix de saisir les ordinateurs des journalistes Christophe X... et Jean-Michel Y... afin de ne pas utiliser le serveur informatique de l'ensemble de la rédaction du journal et de ne pas en interrompre le fonctionnement ; qu'au surplus, la restitution du matériel informatique ainsi saisi a été ordonnée et effective, sur place, à l'issue des opérations ; qu'au siège du journal Le Point, après saisie des ordinateurs des journalistes Christophe X... et Jean-Michel Y... et, après extraction des disques durs desdits appareils, ont été recherchés, à partir de mots clés liés aux produits dopants, dans les fichiers et les boites de messagerie, tous éléments utiles à l'enquête ; que les opérations de perquisitions dans ces deux journaux ont été opérées rapidement, comme prévu à l'article 56-2 du code de procédure pénale, afin de veiller à ne pas porter atteinte au libre exercice de la profession de journaliste et de ne pas constituer un obstacle ou entraîner un retard injustifié à la diffusion de l'information ; que, pour ces motifs, des saisies et placements sous scellés ont été décidés au cours de ces opérations afin de permettre l'analyse ultérieure des documents saisis, dont l'examen immédiat aurait risqué de constituer ou provoquer l'atteinte ou le retard évoqués plus haut ; que dès lors, ces actes d'instruction, perquisitions, saisies et placements sous scellés, effectués en conformité avec les restrictions prévues à l'article 56-2 du code de procédure pénale, constituaient une ingérence nécessaire et proportionnée en regard des exigences relatives au respect du secret des sources journalistiques et poursuivaient un but légitime ;
qu'en conséquence, ces opérations de perquisition, ainsi que les saisies décidées durant celles-ci, ont été accomplies dans le respect des principes tirés de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme ; que les moyens de nullité invoqués en ce sens seront rejetés comme mal fondés ;
"alors que, la protection des sources journalistiques est l'une des pièces angulaires de la liberté de la presse ; que, dès lors, les perquisitions menées dans les locaux professionnels des journalistes dans le but de découvrir la source de leurs informations, constituent un acte d'une extrême gravité s'analysant en une ingérence dans leurs droits garantis par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui ne peut être tolérée dans une société démocratique que si elle est strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la perquisition menée le 13 janvier 2005 au siège social du journal L'Equipe avait pour but d'identifier les éventuels policiers auteurs de violations du secret de l'instruction relative à l'existence de dopage au sein de l'équipe Cofidis ; qu'au soutien de leur requête en annulation des pièces relatives à cette perquisition, les journalistes demandeurs invoquaient notamment le fait qu'il existait, comme cela avait été effectué après les perquisitions, d'autres moyens de rechercher des auteurs des faits poursuivis ; que dès lors, en se bornant à affirmer que les perquisitions litigieuses devenaient la seule mesure utile à la manifestation de la vérité et qu'elles avaient été pratiquées rapidement, sans rechercher si en l'absence de ces mesures, le juge d'instruction n'aurait pas été en mesure de rechercher par d'autres moyens d'investigation l'existence d'un éventuel délit de violation du secret de l'instruction, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des dispositions de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"alors que, les investigations aux fins d'identification des auteurs des faits incriminés, s'étant poursuivies après les perquisitions litigieuses opérées dans les locaux du journal L'Equipe, ainsi que dans ceux du journal Le Point, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'annuler les actes relatifs à ces opérations sans se prononcer sur l'existence et le résultat de ces investigations ultérieures dans le cadre de l'instruction ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction ne pouvait déclarer nécessaire et proportionnée l'ingérence litigieuse et qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Christophe X..., Jean-Michel Y... et Olivia Z..., pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 56-2, 109, 173, 175, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annuler les pièces du dossier d'instruction relatives aux opérations de perquisition et de saisies opérées le 13 janvier 2005 au siège du journal "Le Point" (pièces cotées D. 1233 à D. 1258, D. 1331 à D. 1342 et D. 1350 à D. 1371) et les actes subséquents ;
"aux motifs que s'agissant des perquisitions accomplies aux sièges respectifs des journaux L'Equipe et Le Point, les exigences légales contenues à l'article 56-2 du code de procédure pénale, encadrant le déroulement d'une perquisition dans des locaux de presse sont définies avec précision ; que ces dispositions légales doivent permettre aux personnes qu'elles concernent, dirigeants d'organes de presse et journalistes, de prévoir les conséquences de leurs choix éditoriaux et de la publication d'articles litigieux ; qu'à cet égard, Dominique B..., journaliste à L'Equipe, a admis, durant l'instruction, avoir eu conscience du risque qu'elle prenait à publier "les passages des procès-verbaux litigieux", ajoutant même : "nous avons choisi de les publier .c'était pour coller au plus près des déclarations des personnes entendues dans le cadre de l'instruction" "il s'agit d'un choix que nous avons assumé" ; que Christophe X..., journaliste du Point, a déclaré que la publication reprochée d'interceptions téléphoniques constituait un élément d'information important pour leurs lecteurs ; que ces perquisitions se sont déroulées le 13 janvier 2005, soit postérieurement aux auditions du magistrat instructeur, des policiers et journalistes auteurs des articles litigieux, ainsi qu'à d'autres investigations techniques visant les policiers ; que les policiers susceptibles d'être mis en cause comme auteurs de la violation du secret de l'instruction, avaient en effet été entendus, certains dès courant février 2004, soit dès le début de l'enquête préliminaire, puis, pour les autres, en octobre et novembre 2004 ; que si, pour partie d'entre eux, ils avaient reconnu connaître certains des journalistes auteurs des articles litigieux et avoir eu des contacts avec eux sur l'affaire de dopage au sein de l'équipe Cofidis, aucun n'avait admis avoir communiqué aux journalistes les écoutes et procès-verbaux ; que ces contacts avaient été confirmés par le résultat des interceptions téléphoniques et listings des appels entrants et
sortants des téléphones personnels ou professionnels utilisés par ces policiers ;
que l'ensemble de ces investigations, qui ont visé le juge d'instruction, entendu, et les membres de la police judiciaire, représentants de l'autorité judiciaire, et qui ont consisté, pour partie d'entre elles, en des mesures secrètes faites à l'insu des intéressés, n'avait pas permis de réunir d'éléments suffisants de nature à constituer, à ce niveau de l'instruction, des indices graves ou concordants permettant des mises en examen des personnes ayant violé le secret de l'instruction et ultérieurement des charges permettant le renvoi devant la juridiction correctionnelle ; qu'ainsi, des recherches au sein des organes de presse ayant publié les informations violant le secret de l'instruction devenaient la seule mesure utile à la manifestation de la vérité ; que, s'agissant du déroulement de ces perquisitions, que les procès-verbaux, établis par les magistrats instructeurs y ayant procédé, révèlent qu'elles ont duré, au journal Le Point, de 10 heures 45 à 12 heures 15, et au journal L'Equipe, de 10 heures 20 à 12 heures 40 et que ceux-ci mentionnent qu'il a été veillé au respect des dispositions de l'article 56-2 du code de procédure pénale ; qu'au journal Le Point, il a été fait choix de saisir les ordinateurs des journalistes Christophe X... et Jean-Michel Y... afin de ne pas utiliser le serveur informatique de l'ensemble de la rédaction du journal et de ne pas en interrompre le fonctionnement ; qu'au surplus, la restitution du matériel informatique ainsi saisi a été ordonnée et effective, sur place, à l'issue des opérations ; qu'au siège du journal Le Point, après saisie des ordinateurs des journalistes Christophe X... et Jean-Michel Y... et, après extraction des disques durs desdits appareils, ont été recherchés, à partir de mots clés liés aux produits dopants, dans les fichiers et les boîtes de messagerie, tous éléments utiles à l'enquête ; que les opérations de perquisitions dans ces deux journaux ont été opérées rapidement, comme prévu à l'article 56-2 du code de procédure pénale, afin de veiller à ne pas porter atteinte au libre exercice de la profession de journaliste et de ne pas constituer un obstacle ou entraîner un retard injustifié à la diffusion de l'information ; que pour ces motifs, des saisies et placements sous scellés ont été décidés au cours de ces opérations afin de permettre l'analyse ultérieure des documents saisis, dont l'examen immédiat aurait risqué de constituer ou provoquer l'atteinte ou le retard évoqué plus haut ; que dès lors, ces actes d'instruction, perquisitions, saisies et placements sous scellés, effectués en conformité avec les restrictions prévues à l'article 56-2 du code de procédure pénale, constituaient une ingérence nécessaire et proportionnée en regard des exigences relatives au respect du secret des sources journalistiques et poursuivaient un but légitime ;
qu'en conséquence, ces opérations de perquisition, ainsi que les saisies décidées durant celles-ci, ont été accomplies dans le respect des principes tirés de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme ; que les moyens de nullité invoqués en ce sens seront rejetés comme mal fondés ;
"alors, d'une part, que la protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ; que dès lors, les perquisitions, menées dans les locaux professionnels des journalistes dans le but de découvrir la source de leurs informations, constituent un acte d'une extrême gravité s'analysant en une ingérence dans leurs droits garantis par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui ne peut être tolérée dans une société démocratique que si elle est strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la perquisition menée le 13 janvier 2005 au siège social du journal "Le Point" avait pour but d'identifier les éventuels policiers auteurs de violation du secret de l'instruction relative à l'existence de dopage au sein de l'équipe Cofidis ; qu'au soutien de leur requête en annulation des pièces relatives à cette perquisition, les journalistes demandeurs invoquaient l'absence de nécessité de cette mesure, qui ne constituait qu'un biais facile pour rechercher les auteurs du délit principal de violation du secret de l'instruction, alors que d'autres mesures non-attentatoires à la liberté de la presse auraient pu être mises en oeuvre par les autorités poursuivantes - et l'avaient d'ailleurs été postérieurement, les investigations s'étant poursuivies jusqu'en avril 2005 - pour rechercher d'abord l'existence d'éventuelles violations du secret de l'instruction, avant celle d'un éventuel recel de cette violation ; que dès lors, en se bornant à affirmer que les recherches au sein des organes de presse ayant publié les informations violant le secret de l'instruction devenaient la seule mesure utile à la manifestation de la vérité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en l'absence des perquisitions et saisies litigieuses, le juge d'instruction n'aurait pas été en mesure de rechercher par d'autres moyens d'investigations, d'abord, l'existence d'éventuels délits de violation du secret de l'instruction commis par les policiers et, ensuite seulement, celle d'un recel commis par les journalistes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"alors, d'autre part, que dans leur requête en annulation, Christophe X... et Jean-Michel Y... rappelaient que la réquisition du juge d'instruction fondant la perquisition et la saisie de leurs ordinateurs professionnels effectuées dans l'enceinte du siège du journal "Le Point", le 13 janvier 2005, octroyait aux policiers de la brigade d'enquêtes sur les fraudes aux technologies de l'information (BEFTI) les plus larges pouvoirs d'investigations, puisqu'elle avait pour objet de "rechercher dans la messagerie ou dans les différents fichiers, y compris ceux qui auraient été effacés, tout document de nature à nous permettre d'identifier l'origine des fuites ayant conduit à l'article du 22 janvier 2004 dans l'affaire Cofidis" et que ces policiers reconnaissaient eux-mêmes que "l'exploitation de ces deux machines n'apportant aucun élément probant", elles avaient été saisies "afin d'être étudiées plus exhaustivement dans nos locaux dans le cadre de la présente délégation" ; que les demandeurs dénonçaient l'atteinte très grave et disproportionnée, eu égard à l'intérêt prépondérant de la défense de la liberté de la presse dans une société démocratique, ainsi portée à la confidentialité des sources journalistiques, par la consultation, la saisie et l'analyse exhaustive dans les locaux de la BEFTI, c'est-à-dire hors leur présence, du contenu confidentiel des disques durs de leurs ordinateurs professionnels ; que dès lors, en déclarant nécessaire et proportionnée l'ingérence litigieuse, au motif, impropre à la justifier légalement, que les perquisitions et saisies dénoncées avaient été pratiquées rapidement afin de veiller à ne pas porter atteinte au libre exercice de la profession de journaliste et de ne pas entraîner un retard injustifié à la diffusion de l'information, sans constater que ces actes d'investigation étaient seuls susceptibles en l'absence de tout autre élément permettant la manifestation de la vérité, d'aider à la recherche des auteurs des faits poursuivis, la cour d'appel a violé l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Dominique B... et Damien C..., pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 56-2, 109, 173 et suivants, 475, 591, 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation des actes relatifs à la saisie et mise sous scellés des listings d'appels téléphoniques (cotes D. 1315 à D. 1327), de Dominique B... et de Damien C... et Etienne D..., journalistes au journal L'Equipe ;
"aux motifs que Dominique B..., Damien C... et Etienne D..., journalistes à L'Equipe, avaient été entendus les 7 et 9 octobre 2004 ; qu'au cours de leurs auditions respectives, ils avaient fourni l'indication des numéros de téléphones et télécopies qu'ils utilisaient respectivement au journal ; que, sur réquisition adressée courant décembre 2004 à l'opérateur France Télécom, les enquêteurs ont obtenu le listing des appels émis et reçus sur ces lignes entre le 29 mars et le 8 avril 2004 ; que les éléments obtenus en réponse à ces réquisitions ont fait l'objet de placements sous scellés ; que, par ces diligences à l'égard de ces journalistes, les enquêteurs et le magistrat instructeur cherchaient à savoir quelles avaient été les personnes qui avaient violé le secret de l'information et qui avaient ainsi permis la rédaction des articles parus les 9 et 10 avril 2004 ; que la saisie et le placement sous scellés de ces listings d'appels téléphoniques sur la période précédant immédiatement les articles litigieux est intervenue le 15 décembre 2004 soit postérieurement à leurs auditions ; qu'à cette date, les enquêteurs avaient accompli d'autres investigations et recherches s'étant avérées insuffisantes pour permettre la manifestation de la vérité ;
qu'il en était ainsi des auditions du juge d'instruction et des policiers, des auditions d'autres journalistes, des réquisitions et interceptions téléphoniques visant des policiers ; que, dès lors, le caractère partiellement infructueux de tous ces actes d'enquête rendait nécessaire de poursuivre les diligences en accomplissant les actes contestés ; que les saisies et placement sous scellés ainsi opérés poursuivaient un but légitime ; que, visant des journalistes de L'Equipe qui avaient publié des articles citant in extenso des extraits de procès-verbaux ou pièces de procédures, ces recherches étaient nécessaires, adaptées au but recherché et constituaient une ingérence proportionnée au regard des exigences relatives au respect des sources d'information ; qu'en conséquence, le moyen de nullité invoqué sera rejeté sur ce point comme mal fondé ;
"1 ) alors que, les journalistes entendus par les enquêteurs, ayant refusé de donner les noms de leurs sources, la chambre de l'instruction a violé les dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme en affirmant que les saisies et placements sous scellés poursuivaient un but légitime ;
"2 ) alors que, la chambre de l'instruction ne pouvait considérer, sans violer l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, que la saisie et le placement sous scellés des listings des appels téléphoniques des deux journalistes du journal L'Equipe étaient nécessaires, adaptés au but recherché et constituaient une ingérence proportionnée au regard des exigences relatives au respect des sources d'information, dès lors qu'elle ne constate pas qu'une telle mesure s'est révélée efficace et qu'elle constituait la seule mesure utile à la manifestation de la vérité, l'arrêt se bornant à une référence à l'état de l'instruction avant cette mesure et sans prendre en compte la nécessité d'investigations ultérieures" ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Dominique B... et Damien C..., pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 56-2, 109, 173 et suivants, 475, 591, 596 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation des actes relatifs aux perquisitions effectuées aux domiciles de Dominique B... et de Damien C..., figurant aux cotes D. 1297 à D. 1307 et de tous actes subséquents ;
"aux motifs que des termes de l'article 56-2 précité, il ressort que les conditions du déroulement des perquisitions qui y sont visées ne sont applicables que dans des locaux d'entreprises de presse ou de communication audiovisuelle comprenant les bureaux professionnels dont y disposent les journalistes ; que ces exigences ne s'appliquent pas aux mêmes investigations opérées aux domiciles personnels de ces derniers, qu'ils soient salariés ou collaborateurs occasionnels ; que par ailleurs, les perquisitions opérées aux domiciles de Damien C... et Dominique B... l'ont été alors que l'information se trouvait dans le même état d'avancement qu'avant la perquisition au siège de L'Equipe ;
qu'ainsi, ces perquisitions constituaient une ingérence nécessaire et proportionnée au regard des exigences relatives au respect des sources journalistiques et poursuivaient un but légitime ; qu'en conséquence, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées sera sur ce point rejeté comme mal fondé ;
"alors que, les perquisitions opérées le 13 janvier 2005 aux domiciles respectifs de Dominique B... et de Damien C... ayant pour but la recherche d'éléments recueillis par les journalistes dans l'exercice de leur profession, les règles spécifiques et protectrices en matière de presse devaient être appliquées et respectées, ce qui avait pour conséquence que ces opérations relevaient du seul office du juge et ce quand bien même les intéressés auraient bénéficié de bureaux dans les locaux de l'entreprise de presse dont ils dépendent ; que dès lors, en affirmant le contraire et en refusant d'annuler les actes relatifs à ces perquisitions, la chambre de l'Instruction a violé les dispositions de l'article 56-2 du code de procédure pénale ;
"alors que, subsidiairement, l'arrêt viole l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il considère que ces perquisitions constituaient une ingérence nécessaire et proportionnée au regard des exigences relatives au respect des sources journalistiques et poursuivaient un but légitime, dès lors que d'autres mesures avaient été menées ultérieurement" ;
Sur le second moyen de cassation, proposé pour Christophe X..., Jean-Michel Y... et Olivia Z..., pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 56-2, 109, 173, 175, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annuler la pièce du dossier d'instruction cotée D. 621, relative à l'interception et à la retranscription, le 30 octobre 2004, d'une conversation téléphonique entre Christophe X... et le fonctionnaire de police Thierry E... ;
"aux motifs que la pièce D. 621 dont l'annulation est sollicitée, résulte de l'exécution de la commission rogatoire du 5 octobre 2004 ordonnant le placement sous surveillance technique de la ligne téléphonique du policier Thierry E... ; que cette mesure visait à vérifier si, parmi les policiers ayant participé à l'enquête relative au dopage au sein de l'équipe Cofidis, certains n'étaient pas susceptibles d'être les auteurs de la violation du secret de l'instruction dénoncée par le magistrat instructeur lui-même ;
qu'ainsi, plusieurs autres policiers ont fait l'objet des mêmes mesures de surveillances techniques ; que ces mesures n'avaient pas à être accompagnées de précautions relatives au respect des sources journalistiques, même si de leurs exécutions, des conversations, comme celle interceptée entre le policier Thierry E... et le journaliste Christophe X..., sont apparus ;
qu'en conséquence, la requête en annulation formulée sur ce point sera rejetée comme mal fondée ;
"alors que, l'interception de conversations téléphoniques entre un journaliste et un policier - fût-elle le résultat de la surveillance de la ligne téléphonique de ce dernier - dans le but d'établir l'éventuelle violation par ce policier du secret de l'instruction, s'analyse en une ingérence attentatoire à la protection des sources journalistiques qui ne peut être justifiée que si elle est strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi ;
que dès lors, en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si, en l'espèce, l'interception et la retranscription le 30 octobre 2004, d'une conversation entre le journaliste Christophe X... et le policier Thierry E..., ayant pour objet de d'identifier ce dernier comme la source d'information du journaliste et l'auteur de la violation du secret de l'instruction poursuivie, pouvait se concilier avec les exigences de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, au motif inopérant que cette interception avait été faite dans le cadre de la commission rogatoire plaçant sous surveillance technique la ligne téléphonique de ce policier et de plusieurs autres susceptibles d'être les auteurs de la violation du secret de l'instruction recherchée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour refuser de prononcer l'annulation des perquisitions et saisies réalisées au siège du Point et de L'Equipe, l'arrêt relève qu'en l'espèce, l'ingérence de l'autorité publique, au regard des droits, essentiels dans une société démocratique, à la liberté d'expression et à la protection des sources d'information des journalistes, était motivée par des faits de violation du secret de l'instruction et de recel du même délit, compromettant le déroulement de l'enquête ; que les juges ajoutent que ces perquisitions, opérées conformément aux prescriptions de l'article 56-2 du code de procédure pénale, n'ont été décidées qu'après que des investigations longues et approfondies eurent été réalisées en vain, et qu'elles ont été effectuées rapidement dans des conditions propres à éviter une atteinte au libre exercice de la profession de journaliste et un retard injustifié à la diffusion de l'information ; qu'ils précisent enfin que certains des mis en examen ont déclaré avoir eu conscience des risques attachés à la publication litigieuse ;
Attendu que, pour refuser de prononcer la nullité des perquisitions réalisées aux domiciles de Dominique B... et Damien C..., l'arrêt énonce, à bon droit, que les dispositions prévues par l'article 56-2 du code de procédure pénale ne s'appliquent pas à la perquisition du domicile personnel du journaliste, qu'il soit salarié ou collaborateur occasionnel ; que les juges ajoutent qu'en l'état des investigations alors accomplies, ces actes constituaient une ingérence nécessaire et proportionnée au regard des exigences relatives au respect des sources journalistiques ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annuler la saisie des relevés des numéros de téléphone et de télécopies utilisés par Dominique B..., Damien C... et Etienne D... dans les jours précédant la parution des articles en cause, l'arrêt énonce que ces réquisitions n'ont été adressées qu'après que le juge d'instruction et les policiers eurent, en vue de découvrir les auteurs des violations du secret de l'instruction ayant permis la publication des articles de presse des 9 et 10 avril 2004, procédé à l'audition des journalistes et des fonctionnaires de police ainsi qu'à des interceptions téléphoniques visant ces derniers, toutes investigations s'étant avérées insuffisantes pour permettre la manifestation de la vérité ; que les juges relèvent encore que le caractère partiellement infructueux de ces actes d'enquête rendait nécessaire la poursuite des diligences par l'accomplissement des actes contestés ;
qu'ils en concluent que les saisies et placement sous scellés ainsi opérés étaient également proportionnés au but légitime recherché ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du procès-verbal de transcription d'une conversation téléphonique entre Christophe X... et un fonctionnaire de police dont la ligne était sous écoute, l'arrêt énonce que l'interception des conversations de ce fonctionnaire, comme celles de plusieurs autres enquêteurs, avait pour objet de vérifier si des policiers ayant participé à l'enquête relative à l'emploi de substances dopantes pouvaient avoir violé le secret de l'instruction ; qu'ils précisent que ces opérations ne sont soumises à aucune disposition particulière ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, desquels il résulte que l'ingérence était nécessaire et proportionnée au but légitime visé, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard des exigences de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Que, d'une part, l'accomplissement d'actes d'instruction postérieurement aux perquisitions diligentées n'implique pas que ces dernières n'aient pas été indispensables au moment où elles ont été effectuées ;
Que, d'autre part, la nécessité et la proportionnalité d'un acte sont indépendantes de son résultat ;
Qu'en outre, aucune disposition n'impose de rechercher l'auteur de l'infraction de violation du secret de l'instruction avant de tenter d'identifier les auteurs d'un éventuel recel ;
Que, par ailleurs, les mesures critiquées, qui ont pour fondement des dispositions légales accessibles et prévisibles, ont été mises en oeuvre en raison de la divulgation du contenu, devant légalement demeurer secret, de pièces issues d'une information en cours et constituent des mesures justifiées tant par les impératifs d'intérêt public de protection des droits d'autrui, au nombre desquels figure la présomption d'innocence, que par la préservation d'informations confidentielles ainsi que par la nécessité de se prémunir contre des agissements de nature à entraver la manifestation de la vérité ;
Qu'enfin, le droit reconnu à un journaliste de ne pas révéler l'origine de ses informations n'interdit pas de retranscrire la conversation qu'il peut avoir avec une personne dont la ligne téléphonique fait l'objet d'une surveillance lorsque, comme en l'espèce, la mesure est nécessaire à la recherche d'une infraction et proportionnée au but à atteindre ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente octobre deux mille six ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;