AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu que les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même lorsque les exigences minimales légales ou réglementaires ont été respectées ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (3 e chambre civile, 9 décembre 2003, pourvoi n° Q 02-18.628), que M. X... a, en 1994, acquis en l'état futur d'achèvement un studio dans un immeuble édifié par la société civile immobilière Résidence du Belvédère (la SCI) ; que, se plaignant de désordres relatifs à l'isolation phonique, M. X... a assigné la SCI en réparation ;
Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient que les normes ayant été respectées, les nuisances acoustiques dénoncées par M. X... n'ont pas été "objectivées" par les différentes mesures effectuées et qu'en conséquence la preuve n'est pas rapportée du désordre allégué ;
Qu'en déduisant de la seule conformité aux normes d'isolation phonique applicables l'absence de désordre relevant de la garantie décennale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SCI Résidence du Belvédère aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la SCI Résidence du Belvédère à payer à M. X..., la somme de 2000 euros ; rejette la demande de la SCI Résidence du Belvédère ;
Dit qu'à la diligence du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le président doyen remplaçant le premier président empêché, en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille six.
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, Avocat aux Conseils, pour M. X...
MOYEN ANNEXE à l'arrêt N 544 (plénière)
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... tendant à la condamnation de la SCI RESIDENCE DU BELVEDERE, d'une part, à l'exécution des travaux nécessaires pour remédier au défaut d'isolation phonique et aux fissures infiltrantes et, d'autre part, au paiement de la somme de 30.489,80 à titre de dommages-intérêts, sur le fondement de la garantie décennale ;
AUX MOTIFS QU'à la suite de l'assignation de la SCI DU BELVEDERE et de son assureur AXA, un expert M. Y... était désigné qui déposait un rapport aux termes duquel "toutes les mesures font apparaître que le niveau sonore tant à l'intérieur du coin cuisine et séjour se situe dans les tolérances de 3 DB admises à l'article 5 du 14 juin 1969" ; que les mesures acoustiques effectuées par le cabinet OCTALE pour le compte de M. X... à la demande de son assureur, la MACIF, ont été résumées dans un rapport du 17 novembre 1994 qui indique que "le sociétaire se plaint d'une transmission anormale des bruits aériens et donc d'un défaut d'isolation acoustique. Cette réclamation ne concerne pas la transmission solidienne des bruits d'impact, le studio de M. X... étant situé sous les toitures terrasses ; des mesures acoustiques furent effectuées le 30 mars 1994 par SOCOTEC, à la demande des Nouveaux Constructeurs ; les résultats sont conformes à la réglementation en vigueur mais les essais ne furent pas réalisés dans le bloc où habite le sociétaire" ; que les conditions de mesure pouvant en fragiliser les résultats, de nouvelles mesures ont été effectuées à la demande de la compagnie AXA par M. Z... en septembre 2003 ; qu'il a été relevé que malgré la plus grande sévérité des textes régissant l'isolation acoustique depuis la construction de l'appartement litigieux soumis à la réglementation de 1969, les caractéristiques acoustiques répondaient aux exigences des nouvelles normes et par conséquent à celles de 1969, les seules à prendre en considération à raison de la date de construction ; que M. Z... précise dans un courrier en date du 9 septembre 2003 que "la conformité est partout obtenue et même largement puisque les niveaux mesurés en isolation atteignent jusqu'à 57 dBA soit 6 de plus que ce qui est exigé par la réglementation" ;
qu'il résulte de tous ces rapports que les nuisances acoustiques dénoncées par M. X... n'ont pas été objectivées par les différentes mesures effectuées et qu'en conséquence il ne saurait être imposé à la SCI DU BELVEDERE d'entreprendre des travaux inutiles au regard de la législation sur les normes acoustiques ; que la preuve n'est pas rapportée de l'existence du désordre allégué ;
ALORS QUE, D'UNE PART, les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même lorsque les exigences minimales légales et réglementaires ont été respectées ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir qu'indépendamment du respect des normes acoustiques en vigueur, les désordres d'isolation phonique rendaient l'immeuble impropre à sa destination ; que, pour débouter M. X... de sa demande en réparation des désordres et dommages-intérêts fondée sur la responsabilité décennale, la Cour d'appel s'est bornée à constater que les normes en vigueur avaient été respectées ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'elle y ait été invitée, si les nuisances acoustiques dénoncées par M. X... ne rendaient pas l'immeuble impropre à sa destination d'habitation, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ;
ALORS QUE D'AUTRE PART, M. X... faisait valoir que le studio dont il s'était porté acquéreur provenait de la division d'un ancien duplex et que cette division avait été effectuée sans mettre en oeuvre l'isolation phonique permettant à chaque partie de répondre à sa destination d'habitation ; qu'en s'abstenant de rechercher si, indépendamment des mesures prises par l'expert, nécessairement limitées dans l'espace, les nuisances acoustiques ne provenaient pas de la mauvaise isolation phonique des plafonds, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil.