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25/10/2006 | FRANCE | N°05-86557

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 octobre 2006, 05-86557


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt- cinq octobre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD et de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE RENNES,

- L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 3e chambre, en d

ate du 20 octobre 2005, qui a relaxé Laurent X... du chef de fraude fiscale et a débouté ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt- cinq octobre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD et de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE RENNES,

- L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 3e chambre, en date du 20 octobre 2005, qui a relaxé Laurent X... du chef de fraude fiscale et a débouté la partie civile de ses demandes ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts et 591 du code de procédure pénale;

Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Foussard pour l'administration des impôts, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Laurent X... des fins de la poursuite - fraude fiscale, en matière de TVA, résultant d'inexactitudes affectant les déclarations - et rejeté en conséquence les conclusions de l'administration fiscale aux fins de solidarité ;

"aux motifs que la volonté de fraude, qu'impose le délit prévu à l'article 1741 du code général des impôts, "serait incontestablement établie si, aux minorations affectant les déclarations mensuelles, correspondaient des minorations dans les comptes annuels arrêtés en fin d'exercice ; ce qui n'est pas le cas, la société ayant au contraire, ainsi qu'elle l'explique dans un courrier, non daté, mais transmettant à la recette des impôts de Redon sa déclaration de TVA du mois de mars 2000, fait apparaître sa situation débitrice au cours des mois antérieurs ; que la même position ressort d'un courrier du 19 juin 2000 proposant d'étaler le règlement de la somme de 1 751 048 francs restant due sur une période de dix- huit mois, d'un autre courrier du 27 juin suivant actualisant le décompte de la dette de TVA et de pénalités et enfin d'un courrier du 2 novembre 2000 allant dans le même sens ; que, si, au niveau du recouvrement, le procédé n'est incontestablement pas conforme aux textes applicables, les circonstances ayant entouré sa mise en oeuvre sont insuffisantes pour caractériser l'intention frauduleuse ;

de même qu'est insuffisante, à cet effet, la seule constatation des minorations dans les déclarations mensuelles alors que l'exactitude des chiffres d'affaires apparaissant dans les comptes de fin d'exercice n'est pas mise en cause ; que, par conséquent, à défaut d'existence de l'élément intentionnel nécessaire pour que le délit soit constitué, il convient, par infirmation du jugement dont appel, de prononcer la relaxe du prévenu (...)"(arrêt, p.7, 1, 2, 3 et 4) ;

"alors que, premièrement, la fraude fiscale, telle que prévue à l'article 1741 du code général des impôts, et l'omission de passation d'écritures ou la passation d'écritures inexactes ou fictives, telles que prévues à l'article 1743 du même code, constituent des infractions distinctes ; qu'en considérant que le délit de fraude fiscale n'était pas caractérisé en l'absence d'élément intentionnel, motif pris de ce que les comptes étaient correctement tenus, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

"alors que, deuxièmement, dès lors que les comptes annuels sont dressés et en tout cas approuvés par le dirigeant de l'entreprise, avant d'être soumis aux associés, la discordance entre le chiffre d'affaires figurant en comptabilité, avec inscription corrélative d'une dette à l'égard de l'administration, et le chiffre d'affaires porté à la connaissance de l'administration, au travers des déclarations fiscales, révèle à elle seule, chez le dirigeant, la conscience des inexactitudes ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

"alors que, troisièmement et en tout cas, avant d'entrer en voie de relaxe, les juges du fond devaient rechercher si, loin d'exclure l'intention délictueuse, la circonstance que les comptes aient été correctement dressés en fin d'exercice et aient mentionné le chiffre d'affaires effectivement réalisé ne révélait pas la conscience, chez le dirigeant, que les déclarations fiscales, qui mentionnaient un chiffre d'affaires inférieur, étaient inexactes ; qu'en procédant comme ils l'ont fait, les juges du fond, qui n'ont pas procédé à la recherche qui s'imposait à eux, ont entaché leur décision d'une insuffisance de motifs ;

"alors que, quatrièmement et subsidiairement, la fraude fiscale est perpétrée, en cas de dissimulations, à la date à laquelle les déclarations fiscales sont déposées ; qu'en se plaçant au 19 juin 2000, au 27 juin 2000 ou même au 2 novembre 2000, quand il leur fallait raisonner en se plaçant en 1999 ou dans les premiers mois de l'année 2000, dates auxquelles les déclarations inexactes ont été déposées, les juges du fond ont de nouveau violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Laurent X... est poursuivi en sa qualité de gérant de la société SED, ayant pour activité l'importation et la revente d'articles textiles, pour avoir frauduleusement soustrait cette société à l'établissement et au paiement partiels de la TVA, due au titre de la période du 1er janvier 1999 au 30 septembre 2000, en déposant des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires qui ne mentionnaient pas l'intégralité des opérations réalisées, dûment enregistrées dans les comptes annuels, et en affectant le montant de la taxe éludée, inscrit au passif du bilan, à la trésorerie de l'entreprise ;

Attendu que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite du chef de fraude fiscale, l'arrêt, après avoir relevé que l'élément matériel de l'infraction n'était pas contesté et résultait de l'examen comparatif des chiffres figurant sur les déclarations mensuelles et du chiffre d'affaires enregistré en comptabilité au terme de chacune des périodes considérées, retient que la volonté de frauder n'est pas établie, les minorations affectant ces déclarations mensuelles n'étant pas corroborées par des minorations dans les comptes arrêtés en fin d'exercice ; que les juges ajoutent que la société a fait apparaître sa situation débitrice dans une lettre de transmission, non datée, accompagnant la déclaration du mois de mars 2000 et a proposé, par courriers des 19 juin et 2 novembre 2000, un échelonnement de sa dette ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé la violation délibérée et réitérée des prescriptions légales faisant obligation aux assujettis à la TVA, d'une part, de déclarer mensuellement le montant total des opérations réalisées et le détail des opérations taxables, d'autre part, d'acquitter simultanément la taxe exigible, diminuée du montant de la taxe déductible, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 20 octobre 2005 ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-86557
Date de la décision : 25/10/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Dispositions communes - Fraude fiscale - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Violation délibérée et réitérée des prescriptions légales.

Les personnes assujetties à la TVA, dans le régime normal d'imposition, ont l'obligation, d'une part, de déclarer mensuellement le montant total des opérations réalisées et le détail des opérations taxables, d'autre part, d'acquitter simultanément la taxe exigible diminuée du montant de la taxe déductible. Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour relaxer du chef de fraude fiscale le dirigeant d'une société, retient que la volonté de frauder n'est pas établie après avoir relevé que l'élément matériel de l'infraction n'était pas contesté et résultait de la comparaison du chiffre d'affaires déclaré mensuellement et de celui comptabilisé dans les comptes annuels, la différence se traduisant par l'inscription d'une dette fiscale au passif du bilan et, ainsi, constaté une violation délibérée et réitérée des prescriptions légales.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code général des impôts 1741

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 20 octobre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 oct. 2006, pourvoi n°05-86557, Bull. crim. criminel 2006 N° 256 p. 924
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 256 p. 924

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: M. Rognon.
Avocat(s) : Me Foussard, Me Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.86557
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