AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Maurice,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 26 octobre 2005, qui, pour violences avec préméditation, l'a condamné à 2 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 592 du code de procédure pénale, ensemble violation des règles d'ordre public relatives à la composition des juridictions ;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la cour d'appel était composée, lors des débats du 14 septembre 2005, de : "président : M. Bessy, conseillers : Mme Zerbib, M. Baudot, assistée de Mme Hontarrede, greffier, en présence de Mme Massa, substitut de M. le procureur général ", et que l'arrêt a été prononcé à l'audience du 26 octobre 2005 par M. Bessy, président, en application de l'article 485, dernier alinéa, du code de procédure pénale ;
"alors que tout jugement doit établir, à peine de nullité, la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; qu'en se bornant à mentionner la composition de la cour d'appel lors des débats du 14 septembre 2005, et que l'arrêt avait été prononcé à l'audience publique du 26 octobre 2005 par le président, en application de l'article 485, dernier alinéa, du code de procédure pénale, sans préciser la composition de la cour d'appel lors du délibéré, l'arrêt attaqué a violé l'article 592 du code de procédure pénale" ;
Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que la cour d'appel était composée, lors des débats, du président et de deux conseillers et qu'elle a rendu sa décision après en avoir délibéré conformément à la loi ;
qu'il se déduit de ces mentions que les magistrats siégeant à l'audience des débats ont pris part au délibéré ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 15 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 et 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de violences avec préméditation suivies d'une ITT n'excédant pas 8 jours, et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs qu'en matière d'infractions commises par voie de presse, si la loi limite aux juridictions pénales, notamment d'instruction, leur pouvoir de qualification des faits, elle leur laisse la faculté de retenir aux faits poursuivis initialement sous une qualification relative à une infraction de presse une qualification définitive relative à une infraction de droit commun ; qu'en l'espèce, ni le juge d'instruction ni la chambre de l'instruction n'ont entendu faire ce choix ; qu'il ne saurait, en conséquence, être fait droit à l'opposition tirée de l'autorité de la chose jugée invoquée, à tort, par le prévenu ;
"alors que l'amnistie arrête les poursuites à partir du jour de la promulgation de la loi qui l'accorde et s'oppose à ce que les faits amnistiés reçoivent une qualification autre que celle qui leur avait été antérieurement donnée par une décision judiciaire définitive ; que, lorsque la loi d'amnistie est intervenue, après un jugement définitif, il est impossible de reprendre les faits sous une qualification nouvelle ; qu'en autorisant les parties civiles à reprendre les faits amnistiés antérieurement poursuivis du chef d'injures non publiques, sous la qualification de violences avec préméditation, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 133-9 du code pénal et l'article 15 de la loi du 6 août 2002 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'amnistie éteint l'action publique à compter du jour de la promulgation de la loi qui l'accorde et s'oppose à ce que les mêmes faits reçoivent une qualification autre que celle qui leur avait été donnée dans des poursuites clôturées par une décision définitive ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure qu'ayant été saisi de plusieurs plaintes d'habitants de la commune de Scionzier, Haute-Savoie, qui avaient reçu des lettres anonymes, le procureur de la République a requis l'ouverture d'une information du chef d'injures non publiques ; que les plaignants se sont constitués parties civiles par voie d'intervention et qu'après avoir ordonné une expertise en écritures, le juge d'instruction a mis en examen, du chef précité, Maurice X... ; que, par arrêt du 8 novembre 2002, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry a dit n'y avoir lieu à suivre contre Maurice X..., l'action publique étant éteinte par l'effet de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ; que les parties civiles ont alors fait citer Maurice X... devant le tribunal correctionnel de Bonneville du chef de violences avec préméditation ;
Attendu que, pour confirmer le jugement qui a écarté le moyen de défense du prévenu pris de l'extinction de l'action publique et le déclarer coupable, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le troisième moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 26 octobre 2005 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par les consorts Favre et Bastard ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mme Guihal, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;