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20/09/2006 | FRANCE | N°06-84741

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 septembre 2006, 06-84741


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Claude,

- Y... Xavier,

- Z... DU A... Laurent,

- B... Henri,



- C... Jacques,

- LA SOCIETE CONTINENTAL AIRLINES INC,

contre l'arrêt de la chambre de l'instr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Claude,

- Y... Xavier,

- Z... DU A... Laurent,

- B... Henri,

- C... Jacques,

- LA SOCIETE CONTINENTAL AIRLINES INC,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 5 mai 2006, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'homicides et blessures involontaires, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 20 juillet 2006, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information a été ouverte le 26 juillet 2000, des chefs d'homicides et blessures involontaires, à la suite de l'accident, survenu le jour précédent à Gonesse, au cours duquel un avion supersonique Concorde s'est écrasé peu après son décollage de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle ; que le juge d'instruction a désigné un collège de trois experts le jour-même de sa saisine, puis a commis deux d'entre eux, par ordonnance du 18 mai 2005, pour procéder à une seconde expertise ;

qu'ont été mis en examen Claude X..., Xavier Y..., Laurent Z... du A..., Henri B... et Jacques C..., ainsi que la société Continental Airlines Inc ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Claude X..., Xavier Y..., Laurent Z... du A..., Henri B... et Jacques C... et sur le moyen unique de cassation proposé pour la société Continental Airlines Inc, pris de la violation des articles 157, 160, 171, 173, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale, 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer l'annulation de l'ordonnance de commission d'experts du 26 juillet 2000, du rapport d'expertise du 20 novembre 2004, du rapport d'expertise du 7 août 2005 et de la procédure subséquente ;

"aux motifs que, contrairement à ce que soutiennent les avocats de Jacques C..., Henri B..., Xavier Y..., Claude X..., Laurent Z... du A... et Kenneth D... et de Continental Airlines, l'ordonnance de commission d'experts a valablement désigné pour faire partie du collège d'experts, Jean E..., sans qu'il fût besoin que cette désignation soit spécialement motivée et que cet expert prête serment ; qu'en effet, Jean E... était, lors de sa désignation, inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Basse-Terre en qualité d'expert honoraire en aéronautique, ainsi que l'établit le procureur général par ses réquisitions du 8 mars 2006 et l'était encore en 2005 ; qu'en conséquence, le juge d'instruction, qui avait constaté l'inscription de Jean E... sur l'une des listes prévues par l'article 157 du code de procédure pénale, n'avait pas à le désigner par une ordonnance spécialement motivée et cet expert inscrit sur une liste de cour d'appel n'avait pas à prêter serment avant d'exécuter sa mission ;

que ces obligations ne s'appliquent, en effet, qu'en cas de désignation d'experts non inscrits sur les listes prévues par l'article 157 précité ;

"alors que, selon l'article 157 du code de procédure pénale, le juge d'instruction, qui désigne un expert ne figurant pas sur la liste nationale établie par le bureau de la Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d'appel, doit motiver sa décision ; qu'en application de l'article 160 du même code, l'expert ne figurant sur aucune de ces listes, ainsi désigné, est tenu de prêter serment chaque fois qu'il est commis ; que ces dispositions exigent la désignation d'un expert honoraire par une décision motivée et sa prestation de serment devant le juge d'instruction ;

que l'inobservation de ces dispositions entache de nullité l'ordonnance de désignation, l'expertise et les actes subséquents ;

qu'ayant constaté qu'à la date de sa désignation Jean E... était expert honoraire, ce dont il résultait qu'il n'était plus expert inscrit sur la liste nationale ou sur une liste dressée par une cour d'appel, la chambre de l'instruction, qui a cependant considéré qu'il était inscrit sur l'une des listes prévues par l'article 157 du code de procédure pénale, a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que Claude X..., Xavier Y..., Laurent Z... du A..., Henri B..., Jacques C... et la société Continental Airlines Inc ont demandé l'annulation de l'ordonnance du 26 juillet 2000 désignant Jean E..., Claude F... et Jacques G... comme experts et de leur rapport du 20 novembre 2004 en faisant valoir que le premier d'entre eux n'avait pas été désigné par décision motivée et n'avait pas prêté serment alors qu'il était expert honoraire au moment de sa désignation ;

Attendu que, pour écarter ces prétentions, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits aux moyens ;

Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que la chambre de l'instruction énonce que l'ordonnance désignant Jean E... comme expert n'avait pas à comporter de motivation particulière, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure ;

Que, d'une part, l'ordonnance contestée, en commettant trois experts au vu de la nature des faits et de leur complexité, mentionne qu'aucun des experts inscrits sur le ressort de la cour d'appel n'est actuellement disponible ou ne peut effectuer l'expertise dans un délai raisonnable ;

Que, d'autre part, Jean E..., expert honoraire au moment de sa désignation, n'était nullement délié du serment qu'il avait prêté lors de son inscription initiale sur la liste des experts en exercice et n'avait pas, en conséquence, à le renouveler ;

Que, dès lors, les moyens ne peuvent être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Claude X..., Xavier Y... et Laurent Z... du A..., pris de la violation des articles 156, 158, 161, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la décision du juge d'instruction confiant une nouvelle mission aux experts, le 18 mai 2005, le rapport d'expertise du 7 août 2005 et la procédure subséquente ;

"aux motifs que la demande faite aux experts désignés le 18 mai 2005 de dire si les investigations réalisées après différents incidents antérieurs étaient suffisantes et si les décisions étaient conformes aux règles aéronautiques, notamment en matière de sécurité, constituait une question d'ordre technique exigeant le recours aux connaissances d'experts en aéronautique ;

"alors que la mission ci-dessus décrite par l'arrêt, par son imprécision et sa généralité, dépasse le domaine technique et procède d'une délégation irrégulière par le juge d'instruction des pouvoirs qui relèvent de sa compétence et que, par conséquent, en refusant de procéder à l'annulation sollicitée, la chambre de l'instruction a méconnu ses pouvoirs" ;

Attendu que l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen dès lors que, comme en l'espèce, la mission d'expertise critiquée a précisé les questions techniques sur lesquelles devaient porter nécessairement les vérifications des experts ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Claude X..., Xavier Y... et Laurent Z... du A..., pris de la violation des articles 6 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 80-2, 171, 173, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la convocation par le juge d'instruction, en date des 26 et 29 août 2005, de Claude X..., Xavier Y... et Laurent Z... du A... en vue de leur interrogatoire de première comparution et la procédure subséquente ;

"aux motifs que l'avocat de Xavier Y..., Laurent Z... du A... et Claude X... conteste la validité des convocations reçues par ses clients en vue de leurs éventuelles mises en examen ; que cette convocation a été libellée pour Claude X... ainsi : "en application de l'article 80-2 du code de procédure pénale, je vous informe que j'envisage votre mise en examen. A cette fin, je vous convoque pour procéder à votre première comparution dans une information ouverte pour : - homicides involontaires - blessures involontaires ayant entraîné des ITT inférieures ou égales à 3 mois - blessures involontaires ayant entraîné des ITT supérieures à 3 mois, faits commis à Gonesse, le 25 juillet 2000, en tout cas sur le territoire national depuis temps non prescrit, faits prévus par les articles 221-6, 221-8, 221-10, 221-19, 222-44, 222-46, R. 625-2, R. 625-4 du code pénal" ; qu'il a été de plus mentionné pour Xavier Y... et Laurent Z... du A... : "crash du Concorde" ; que ces convocations permettaient aux personnes concernées, anciens membres du SFACT de la direction générale de l'aviation civile, de savoir qu'elles étaient convoquées à la suite de l'accident aérien survenu à la date indiquée dans le lieu cité ; qu'ainsi, il a été procédé dans le respect de l'article 80-2 du code de procédure pénale, les faits et leur qualification juridique ayant été portés à la connaissance des personnes convoquées ;

"alors qu'aux termes de l'article 80-2 du code de procédure pénale, dont les dispositions sont essentielles aux droits de la défense, la convocation adressée par le juge d'instruction à la personne concernée doit donner connaissance à celle-ci de chacun des faits dont ce magistrat est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée ; que, par "chacun des faits", il faut entendre, pour qu'il soit satisfait aux prescriptions de l'article 6 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, les faits précis et détaillés reprochés personnellement à chaque personne concernée ;

que les demandeurs faisaient valoir dans leur mémoire régulièrement déposé que la convocation rédigée à l'identique qui leur avait été adressée les 26 et 29 août 2005 se bornait à viser sous les qualifications d'homicides involontaires et blessures involontaires, des "faits commis à Gonesse, le 25 juillet 2000, en tout cas sur le territoire national depuis temps non couvert par la prescription (crash du Concorde)" ; qu'afin d'être en mesure de préparer efficacement leur défense, le conseil des demandeurs avait demandé au juge d'instruction, le 6 septembre 2005, de bien vouloir détailler les faits pour lesquels ils allaient être entendus et que le juge d'instruction s'était borné à faire état de ce que les faits "concernent plus particulièrement leur rôle dans le suivi de navigabilité de l'appareil Concorde au long de ces années d'exploitation commerciale" ; que ces faits étaient d'évidence imprécis et qu'en omettant de s'expliquer sur l'irrégularité des convocations adressées par le juge d'instruction aux demandeurs, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Henri B... et Jacques C..., pris de la violation des articles 6 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 80-2, 171, 173, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les convocations adressées par le juge d'instruction à Henri B... et Jacques C... en vue de leur interrogatoire de première comparution et la procédure subséquente ;

"aux motifs que l'avocat de Jacques C... et Henri B... conteste la validité des convocations reçues par ses clients en vue de leurs éventuelles mises en examen ; que ces convocations mentionnaient que ces deux personnes étaient convoquées dans le cadre d'une information pour homicides involontaires, blessures involontaires ayant entraîné des incapacités totales de travail inférieures et supérieures à 3 mois, faits commis à Gonesse, le 25 juillet 2000, (crash du Concorde) faits prévus et punis par les articles 221-6, 221-8, 221-10, 222-19, 222-44, 222-46, R. 625-2, R. 625-4 du code pénal ; qu'ainsi, il a été procédé dans le respect de l'article 80-2, alinéa 2, du code de procédure pénale qui prévoit que le juge d'instruction qui convoque par lettre recommandée une personne pour qu'il soit procédé à sa première comparution doit, dans cette lettre, donner connaissance à la personne de chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée, tout en précisant leur qualification juridique ;

"alors qu'aux termes de l'article 80-2 du code de procédure pénale, dont les dispositions sont essentielles aux droits de la défense, la convocation adressée par le juge d'instruction à la personne concernée doit donner connaissance à celle-ci de chacun des faits dont ce magistrat est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée ; que, par "chacun des faits", il faut entendre, pour qu'il soit satisfait aux prescriptions de l'article 6 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, les faits précis et détaillés reprochés personnellement à chaque personne concernée ;

que Henri B... et Jacques C... faisaient valoir dans leur mémoire régulièrement déposé que la convocation rédigée à l'identique, qui leur avait été adressée par le magistrat instructeur en vue de l'interrogatoire de première comparution, se bornait à viser sous les qualifications d'homicides involontaires et blessures involontaires, des "faits commis à Gonesse, le 25 juillet 2000, en tout cas sur le territoire national depuis temps non couvert par la prescription (crash du Concorde)" ; qu'ils relevaient que le réquisitoire ne contenait pas davantage d'éléments précis ; qu'afin d'être en mesure de préparer efficacement leur défense, leur avocat avait pourtant demandé au juge d'instruction le 6 septembre 2005 de bien vouloir détailler les faits pour lesquels ils allaient être entendus ; qu'en se bornant à énoncer que les convocations étaient régulières, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les moyens, qui se bornent à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction a écartée à bon droit, ne sauraient être accueillis ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Claude X..., Xavier Y... et Laurent Z... du A..., pris de la violation des articles 6 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 116, alinéa 2, 171, 173, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les procès-verbaux de première comparution de Claude X..., Xavier Y... et Laurent Z... du A... ainsi que la procédure subséquente ;

"aux motifs que l'avocat de Xavier Y..., Laurent Z... du A... et Claude X... estime que le juge d'instruction n'a pas respecté à l'égard de ses clients les dispositions des articles 6 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et 116 du code de procédure pénale à l'occasion de leur interrogatoire de première comparution ; que ce grief est formulé à tort dans la mesure où les procès-verbaux de première comparution mentionnent qu'il a été donné connaissance par le juge d'instruction aux intéressés de chacun des faits dont il était saisi en vertu d'un réquisitoire introductif du 26 juillet 2000 ; qu'il a ensuite été précisé les qualifications juridiques (homicides involontaires et blessures involontaires) ainsi que les date et lieu des faits reprochés ; que l'ensemble de ces mentions établit que les dispositions légales relatives à l'information des personnes interrogées en première comparution ont été respectées par le juge d'instruction ; que, de même, les exigences d'information sur la nature et la cause des accusations portées, telles que posées par l'article 6 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ont été respectées ;

"alors qu'il résulte des dispositions susvisées que, pour préserver "l'équilibre des droits des parties", les "faits" que le juge d'instruction doit porter à la connaissance de la personne qu'il envisage de mettre en examen, et ce, dès qu'il s'est assuré de son identité, doivent être précis et détaillés et que les seules mentions ci-dessus relevées par la chambre de l'instruction ne permettaient pas à la défense d'être remplie de ses droits, ainsi que la défense l'a relevé dans son courrier du 20 octobre 2005 (DA 4133), en sorte que les procès-verbaux d'interrogatoire de première comparution devaient être annulés en application des textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Henri B... et Jacques C..., pris de la violation des articles 6 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 116, alinéa 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les mises en examen de Jacques C... et Henri B... et la procédure subséquente ;

"aux motifs que l'avocat de Jacques C... et Henri B... considère que le juge d'instruction n'a pas respecté à l'égard de ses clients les dispositions de l'article 116, alinéa 2, du code de procédure pénale ; que ce grief est formulé à tort dans la mesure où les procès-verbaux visés d'interrogatoire de première comparution mentionnent qu'il a été donné connaissance par le juge d'instruction aux intéressés de chacun des faits dont le juge d'instruction était saisi en vertu d'un réquisitoire introductif du 26 juillet 2000 ; qu'il a ensuite été précisé les qualifications juridiques (homicides involontaires et blessures involontaires) ainsi que les date et lieu des faits reprochés ; que l'ensemble de ces mentions établit bien que les dispositions légales relatives à l'information des personnes interrogées en première comparution ont été respectées par le juge d'instruction ; que, de même, les exigences d'information sur la nature et la cause des accusations portées, telles que posées par l'article 6 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ont été respectées ;

"alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 6 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 116, alinéa 2, du code de procédure pénale que, pour préserver "l'équilibre des droits des parties", les "faits" que le juge d'instruction doit porter à la connaissance de la personne qu'il envisage de mettre en examen, et ce, dès qu'il s'est assuré de son identité, doivent être précis et détaillés et que les seules mentions ci-dessus relevées par la chambre de l'instruction ne permettaient pas à la défense d'être remplie de ses droits, en sorte que les procès-verbaux d'interrogatoire de première comparution devaient être annulés en application des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que Claude X..., Xavier Y..., Laurent Z... du A..., Henri B... et Jacques C... ont soutenu que, lors de leur première comparution, ils n'avaient pas été suffisamment informés des faits qui leur étaient reprochés ;

Attendu que, pour refuser de faire droit à ces demandes, la chambre de l'instruction retient que le juge d'instruction a donné connaissance aux intéressés de chacun des faits dont il était saisi en vertu d'un réquisitoire introductif du 26 juillet 2000 et qu'il en a précisé la date, le lieu et la qualification juridique ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas les griefs des moyens, lesquels doivent, dès lors, être écartés ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Claude X..., pris de la violation des articles 6 3 a) de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 226-1 et 222-19 du code pénal, préliminaire, 80-1, 116, 171, 173, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la mise en examen de Claude X... ;

"aux motifs que la Cour peut tirer du dossier les éléments d'appréciation sur la valeur des indices réunis à l'encontre des mis en examen et sur le mérite des griefs soulevés par la défense ; que les rapports d'expertise judiciaire ont relevé des carences du suivi de navigabilité du Concorde pendant le temps de son exploitation commerciale ; qu'il convient de relever que, si le déroulement de l'accident de Gonesse, notamment l'ouverture massive du réservoir de carburant et l'incendie qui s'est déclaré, est sans commune mesure avec les incidents antérieurs, certains phénomènes constatés à la suite de la catastrophe s'étaient déjà produits ; qu'il en est notamment ainsi de l'éclatement d'un pneumatique lors du décollage au passage sur des débris présents sur la piste ; qu'il en est de même des perforations multiples de l'intrados par des morceaux de pneumatiques et des morceaux métalliques en provenance du train d'atterrissage ; que Claude X... a été en poste à la direction générale de l'aviation civile de 1966 à 1994, qu'il a notamment été sous-directeur technique à la direction des transports aériens du SFACT (service de la formation aéronautique et du contrôle technique) de 1984 à 1989, puis chef du SFACT de 1989 à 1994 ; qu'en qualité de sous-directeur, il avait donc comme compétence le traitement de l'ensemble des questions de sécurité ; que, lorsqu'il

est devenu chef du service en 1989, il est aussi devenu responsable des questions relatives à la compétence des personnes navigantes ; qu'au cours de son interrogatoire de première comparution, Claude X... évoque les réactions à certains incidents ; qu'à propos de l'incident de Washington en 1979, son avocat fait valoir que les mesures prises conjointement par les autorités de certification françaises et britanniques avaient été efficaces dans la mesure où il n'y avait plus eu d'éclatement double de pneumatique et que les éclatements simples avaient été moins nombreux ; qu'en ce qui concerne le renforcement de l'intrados de la voiture, une note aérospatiale de MM. H... et I... mentionnait que la situation actuelle est acceptable et ne nécessite aucune modification et paraît avoir été entérinée par les autorités, dont Claude X... ; que Claude X... a eu connaissance au cours des années des incidents successifs, notamment ceux de 1979, de 1985 et de 1993, d'éclatements des pneumatiques du Concorde et des dommages subséquents causés aux réservoirs et à l'intrados de l'appareil ; qu'il apparaît avoir suivi de près les suites de l'incident de 1979 mais ne paraît pas s'être préoccupé des suites des incidents de 1985 et de 1993 ; que Claude X..., responsable des questions de sécurité à la direction générale de l'aviation civile, pendant la période au cours de laquelle l'ensemble des incidents précités se sont produits, avait une connaissance exhaustive du dossier des incidents du Concorde pour la période considérée ; qu'il n'a pas pris, après ceux-ci, des initiatives de nature à prévenir les conséquences de l'éclatement d'un pneumatique du Concorde en matière d'incendie des réservoirs et de perforation de l'intrados alors qu'il avait connaissance de ces incidents répétés, des éléments techniques mettant en évidence les risques et du fait que les mesures techniques successivement prises n'avaient pas empêché la répétition d'incidents de même nature ; que cette abstention peut avoir été à l'origine indirecte de l'accident du Concorde du 25 juillet 2000 dans la mesure où l'aéronef n'a pas reçu toutes les modifications techniques susceptibles d'être, au vu des incidents subis, utiles, et qui auraient prévenu l'accident du 25 juillet 2000 ; qu'il existait ainsi, à l'encontre de Claude X..., lors de son interrogatoire de première comparution, des indices graves ou concordants qu'il ait commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ;

"1 ) alors que la chambre de l'instruction, qui constatait expressément que les éléments relevés à la suite de l'accident qui a eu lieu lors du décollage du Concorde, le 25 juillet 2000, (ouverture massive du réservoir, plusieurs perforations de l'intrados, détérioration des pneus) rappelaient l'événement survenu à Washington, le 14 juin 1979, et que Claude X... paraissait avoir suivi de près les suites de l'incident de 1979, ne pouvait, sans se contredire, faire état de ce que celui-ci n'avait pas pris des initiatives de nature à prévenir les conséquences de l'éclatement d'un pneumatique du Concorde en matière d'incendie des réservoirs et de perforation de l'intrados, abstention susceptible prétendument d'avoir été à l'origine indirecte de l'accident du 25 juillet 2000 et constitutive en tant que telle d'une faute caractérisée au sens de l'article 121-3 du code pénal ;

"2 ) alors qu'il se déduit des dispositions de l'article 121-3 du code pénal que seule une faute personnelle, appréciée notamment au regard des "pouvoirs" dont la personne physique concernée disposait lors de l'accident, est susceptible de justifier sa mise en examen pour faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; que, dans son mémoire régulièrement déposé, Claude X... faisait valoir que, selon le règlement de certification applicable à Concorde (TSS Standard n° 02), les actions correctives à rendre obligatoires et les délais de mise en conformité devaient être convenus entre les autorités de certification françaises et britanniques et qu'il ne pouvait en conséquence être tenu pour pénalement responsable des éventuelles insuffisances dans le suivi technique de Concorde, lesquelles ne pouvaient être imputées qu'aux autorités françaises et britanniques agissant collectivement et qu'en refusant de prononcer la nullité de la mise en examen du demandeur sans avoir préalablement répondu à ce chef péremptoire de ses conclusions, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;

"3 ) alors que, dans son mémoire régulièrement déposé, Claude X... faisait valoir, en s'appuyant sur les conclusions du rapport des experts déposé le 20 novembre 2004, qu'au moment de sa mise en examen, rien ne permettait en l'état de l'information d'affirmer que le décès ou les atteintes corporelles des victimes aient été causés par une quelconque faute de sa part, la cause directe et suffisante de l'accident étant la présence d'une lamelle métallique sur la piste et qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la présence de la lamelle métallique n'était pas le seul fait en relation avec le décès ou les blessures des victimes, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu que les pièces de la procédure et les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir analysé les éléments de l'information, a procédé, sans insuffisance ni contradiction, au contrôle de l'existence d'indices concordants de participation de Claude X... à la commission des délits d'homicides et blessures involontaires dont le juge d'instruction a été saisi ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Chanet, M. Pelletier, Mmes Ponroy, Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Charpenel ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-84741
Date de la décision : 20/09/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Expertise - Expert - Serment - Expert honoraire - Nécessité (non).

EXPERTISE - Expert - Serment - Expert honoraire - Nécessité (non)

Un expert honoraire n'étant nullement délié du serment qu'il a prêté lors de son inscription initiale sur la liste des experts en exercice n'a pas à le renouveler chaque fois qu'il est commis.


Références :

Code de procédure pénale 160, 171, 173, 206, 591, 593
Loi 71-498 du 29 juin 1971 art. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre de l'instruction), 05 mai 2006

En sens contraire : Chambre criminelle, 1979-07-25, Bulletin criminel 1979, n° 253 (2), p. 683 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 sep. 2006, pourvoi n°06-84741, Bull. crim. criminel 2006 N° 232 p. 821
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 232 p. 821

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: M. Arnould.
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.84741
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