AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Monique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2006, qui, pour menaces de mort, l'a condamnée à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 300 euros d'amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-17, 222-44, 222-45 du code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en tant que le texte institue un droit au procès équitable, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monique X... coupable de menaces de mort et lui a infligé des sanctions pénales ;
"aux motifs que, " Monique X... conteste l'infraction de menaces de mort ; qu 'elle soutient que l'expertise en écriture diligentée à la demande du procureur de la République et qui l'incrimine formellement n'est pas probante au regard des conclusions de l'expertise en écriture qu'elle a elle-même diligentée et qui la mettrait hors de cause ; qu'en l'état de la procédure, il convient de remarquer que la graphologue, désignée par le procureur de la République, a spécialement prêté serment d'accomplir sa mission en son honneur et en sa conscience et rien ne permet de mettre en doute ni son indépendance, ni son impartialité, ni sa compétence ; qu'à l'inverse, la praticienne missionnée par Monique X... ne peut être regardée comme impartiale ; que, dans ces conditions, les conclusions de l'expert désigné par le procureur de la République ont été retenues à bon droit par le premier juge ; qu'au vu de cette expertise et de tous les autres éléments du dossier, le premier juge a exactement analysé les faits qui lui étaient soumis et en a justement déduit que Monique X... devait être déclarée coupable du délit visé à la prévention énoncée dans le jugement contesté auquel il est expressément fait référence ; que cette décision doit donc être confirmée sur la déclaration de culpabilité " ;
"alors que, premièrement, en matière pénale, l'expertise n'est pas contradictoire, le seul moyen pour un prévenu, qui se voit imputé un écrit, de se défendre face à une expertise graphologique qui lui est opposée par le ministère public, est de solliciter le concours d'un graphologue ; qu'il est dès lors exclu que l'expertise ainsi sollicitée puisse être écartée au seul motif que le praticien mandaté par le prévenu ne peut être regardé comme impartial ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
"alors que, deuxièmement, lorsqu'un prévenu est poursuivi sur la base d'une expertise graphologique, non contradictoire, sollicitée par le ministère public, les juges du fond sont tenus, dès lors que le prévenu produit de son côté une expertise graphologique, d'analyser les deux expertises, de les rapprocher et de dire si une condamnation peut intervenir eu égard aux conclusions du graphologue sollicité par le prévenu, sur la base de l'expertise sollicitée par le parquet ; qu'en s'abstenant de procéder à cette opération pour se borner à énoncer qu'on ne pouvait mettre en doute l'indépendance, l'impartialité ou la compétence de l'expert par le parquet, les juges du fond ont de nouveau violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour déclarer Monique X... coupable de menaces de mort matérialisées par un écrit, l'arrêt attaqué énonce que la "praticienne missionnée" par Monique X... et qui la mettait hors de cause ne pouvant être regardée comme impartiale, les conclusions de l'expert désigné par le procureur de la République qui l'incriminent formellement ont été à bon droit retenues par les premiers juges ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la prévenue et en se bornant à affirmer la partialité de l'analyse d'écriture diligentée à sa demande sans dire en quoi celle-ci était techniquement discutable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 9 janvier 2006, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;