La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/09/2006 | FRANCE | N°05-86853

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 septembre 2006, 05-86853


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Francis, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 27 octobre 20

05, qui, dans la procédure suivie contre Allen Y..., du chef de diffamation publique en...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Francis, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 27 octobre 2005, qui, dans la procédure suivie contre Allen Y..., du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, 32, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la partie civile, Francis X..., de ses demandes tendant à voir constater l'existence de la diffamation, et à être indemnisé du préjudice qu'il a subi de ce fait ;

"aux motifs que " ( ) l'association des termes "coupables" et "disparition", rattachés de façon non sérieusement contestable à Francis X..., ne saurait constituer l'imputation d'un fait suffisamment précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de l'intéressé, aucun des éléments de l'article, visés dans la citation, ne permettant de supposer qu'il s'agirait, ainsi que le soutient la partie civile, d'une infraction de nature criminelle, Jean-Pascal Z..., dit JPK, ayant disparu sans qu'à ce jour il soit acquis qu'il soit décédé ni, a fortiori, que soient connues les conditions dans lesquelles il serait mort : suicide, accident, meurtre ou assassinat ; que l'extrait d'une lettre lue dans le cadre d'une audience judiciaire par l'avocat d'une partie n'apporte aucune précision supplémentaire susceptible de faire porter sur la partie civile le soupçon qu'elle aurait joué un rôle dans la réalisation d'une infraction pénale dont aucun élément de l'article ne permet ni de supposer ni d'affirmer l'existence ; qu'en l'absence des éléments constitutifs du délit de diffamation publique visé par la citation, la partie civile sera déboutée de ses demandes " ;

"alors, d'une part, que constitue une diffamation l'allégation ou l'imputation d'un fait précis et déterminé portant atteinte à l'honneur et à la considération, même si l'imputation est présentée par voie d'insinuation ; que, tel est le cas de l'imputation de s'être rendu coupable, de quelque façon que ce soit, de la disparition effective d'un individu, ce, même s'il est simplement suggéré que ce fait est susceptible de revêtir une qualification pénale ; qu'en effet, la nature du fait imputé est indifférente et il n'est même pas nécessaire qu'il soit pénalement punissable, pourvu qu'il s'agisse d'un reproche portant sur un certain comportement de la personne visée dans l'article, susceptible de la déconsidérer, de nuire à sa réputation, de l'atteindre dans son honneur ; que, en écrivant que Francis X... serait le " vrai coupable " de la " disparition " inexpliquée de JPK, Allen Y... a tenu un propos diffamatoire, nonobstant même toute connotation pénale, ou même criminelle, du rôle " fautif " imputé à Francis X... (coupable) dans la disparition de JPK ; que, en déclarant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que, même si aucune qualification pénale n'était expressément visée et si les conditions mêmes de la disparition de JPK n'étaient pas élucidées, l'association des termes "vrais coupables " et " disparition " était sans aucun doute de nature à évoquer, dans l'esprit du public, la commission de faits pénalement répréhensibles en lien avec une disparition constitutive d'une affaire judiciaire en cours, dans un contexte politico-passionnel, évoqué dans le reste de l'article comme particulièrement tendu ; que, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pu donner une base légale à sa décision ;

"alors, en outre, qu'en tout état de cause, la publication d'un article désignant Francis X... comme " vrai coupable " de la disparition de l'ex-ami de sa compagne A..., en insinuant clairement que Francis X... serait, fût-ce moralement, responsable de sa disparition inexpliquée, constitue nécessairement une atteinte, sinon à son honneur, du moins à sa considération, puisque cela suppose qu'il ait eu quelque chose à se reprocher dans cette étrange disparition ; que la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations à cet égard ;

"alors, enfin, que l'article, qui affirmait d'emblée que Francis X... serait " coupable " de la disparition de JPK, et même le "vrai coupable ", en se prévalant d'allégations tenues dans le cadre d'une information judiciaire, couverte par le secret de l'instruction, et en procédant à une présentation tendancieuse d'imputations insinuant que Francis X... était mêlé à la disparition de JPK, voire qu'il en était le responsable, fait précis, portant atteinte à son honneur et à sa considération, était constitutif d'une diffamation à son encontre ; que, en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que, selon ce texte, toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de la personne visée constitue une diffamation ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la parution dans l'Hebdo du 15 novembre 2004 d'un article intitulé "Les vrais coupables de la disparition de JPK" contenant notamment les propos suivants : "Ainsi la justice pourrait bien ressortir du dossier une lettre du Docteur Pierre B..., compagnon de la mère de Jean-Pascal, qui avait été lue à la barre par Maître C..., défenseur du GIP. Lettre dans laquelle le médecin n'hésitait pas à affirmer que " les vrais coupables de la disparition de Jean-Pascal sont A... et Francis X... ". " Un Francis X... qui, étrangement, est resté muet au cours de cette affaire D...
E.... Pourtant tout le monde sait bien qu'avant sa disparition JPK vivait des moments plus que difficiles, sa compagne A... l'ayant quitté pour vivre avec celui qui allait devenir quelques années plus tard ministre du gouvernement Temaru ; si A..., dans un premier temps, a trouvé odieux que les amis de Temaru ressortent cette histoire de la disparition de JPK pour en faire une affaire politique afin d'attaquer Gaston F..., Francis X... ne s'est aucunement manifesté. Lui, peut-être, savait qu'il n'avait aucun intérêt à s'exposer médiatiquement pour raconter ce qu'il savait de cette affaire, laissant ainsi libre champ à des coups tordus contre son adversaire politique", Francis X... a fait citer Allen Y..., directeur de la publication, devant la juridiction correctionnelle du chef de diffamation envers un particulier ;

Attendu que, pour dire que ces propos n'étaient pas diffamatoires et en conséquence débouter la partie civile, l'arrêt énonce que l'association des termes "coupables" et "disparition" ne constitue pas l'imputation d'un fait suffisamment précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération du plaignant, aucun des éléments de l'article ne permettant de supposer qu'il s'agirait d'une infraction criminelle ; que les juges ajoutent que l'extrait d'une lettre lue au cours d'une audience par un avocat n'apporte aucune précision supplémentaire susceptible de faire peser sur la partie civile le soupçon qu'elle aurait joué un rôle dans la réalisation d'une infraction pénale dont aucun élément ne permet de supposer ni d'affirmer l'existence ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les propos incriminés dont il appartient à la Cour de cassation de contrôler le sens et la portée, imputent à Francis X... d'avoir joué un rôle fautif dans la disparition, en l'état inexpliquée, de Jean-Pascal Z..., d'en être, au moins, moralement responsable et d'avoir tu ce qu'il savait, facilitant ainsi la réalisation de manoeuvres déloyales contre un adversaire politique, faits de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Papeete, en date du 27 octobre 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-86853
Date de la décision : 05/09/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, 27 octobre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 sep. 2006, pourvoi n°05-86853


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.86853
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award