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12/07/2006 | FRANCE | N°06-82931

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 juillet 2006, 06-82931


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze juillet deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Ali,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 14 mars 2006, qui, dans l'inf

ormation suivie contre lui des chefs, notamment, de tentatives de meurtres, association...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze juillet deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Ali,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 14 mars 2006, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de tentatives de meurtres, association de malfaiteurs, vol avec arme, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 mai 2006, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'au cours d'une information suivie des chefs, notamment, de tentatives de meurtres, vol avec arme et association de malfaiteurs, les enquêteurs, après autorisation du juge des libertés et de la détention, statuant en application de l'article 706-58 du code de procédure pénale, ont recueilli, les 4 novembre 2003 et 30 novembre 2004, les déclarations de deux témoins sans faire apparaître leurs identités dans la procédure ;

que, le 1er mars 2005, le juge d'instruction a, dans les mêmes conditions, entendu un troisième témoin anonyme ; qu'Ali X..., mis en cause par les trois témoins entendus selon cette procédure, mis en examen le 27 avril 2005, a demandé au président de la chambre de l'instruction, le 29 avril 2005, d'ordonner que l'identité de ces trois témoins soit révélée ; que ce magistrat a rejeté cette demande par ordonnance du 27 septembre 2005 ; que, par requête du 26 octobre 2005, Ali X... a demandé à la chambre de l'instruction de prononcer l'annulation de l'audition du témoin anonyme recueillie le 1er mars 2005 au motif qu'il était plausible que la personne entendue ait commis une infraction dès lors qu'elle disait avoir recueilli des informations alors qu'elle se trouvait en détention et qu'ainsi son audition ne répondait pas aux conditions posées par les articles 706- 57 et 706-58 du code de procédure pénale ; que, par mémoire déposé le 28 décembre 2005, il a demandé à la chambre de l'instruction d'annuler les auditions effectuées les 4 novembre 2003 et 30 novembre 2004 au motif que les ordonnances du juge des libertés et de la détention les autorisant ne mentionnaient pas qu'il n'existait aucune raison plausible de soupçonner que les personnes entendues aient commis une infraction ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 706-57, 706-58, 706-60, 173, 593 du code de procédure pénale, excès de pouvoir, violation des principes relatifs à l'autorité de chose jugée, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer l'annulation d'auditions de témoins anonymes, effectuées sous le régime des articles 706-58 et suivants du code de procédure pénale, annulation fondée par le mis en examen sur la circonstance notamment que le témoin, entendu le 1er mars 2005, alors qu'il était emprisonné, ne répondait pas à une condition de l'article 706-57 selon laquelle un tel témoin ne peut bénéficier de l'anonymat que s'il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'il a commis une infraction ;

"aux motifs que la demande du 29 avril 2005, formulée auprès du président de la chambre de l'instruction, faisait déjà état de cet élément ; qu'il n'a pas été retenu par le président ; que le moyen a donc déjà été tranché ;

"alors, d'une part, que la requête du 29 avril 2005, formulée sur le fondement de l'article 706-60, alinéa 2, du code de procédure pénale devant le président de la chambre de l'instruction avait pour but, conformément aux dispositions de ce texte, d'obtenir la levée de l'anonymat et la confrontation avec les témoins ; que la décision prise par le président sur cette demande, qui au demeurant n'aborde pas la question de la validité de la procédure, n'a aucune autorité de chose jugée en ce qui concerne la validité des auditions, que la requête n'avait ni pour objet ni pour effet de contester, et que l'ordonnance n'a pas tranchée ; que dès lors, saisie ultérieurement d'une requête en nullité des mêmes actes, fondée sur l'article 173 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction, à qui ne s'opposait aucune autorité de chose jugée, avait non seulement le pouvoir mais également le devoir de trancher la question qui lui était soumise, et de dire si les auditions contestées étaient conformes aux dispositions de l'article 706-57 du code de procédure pénale dont la violation était invoquée ; que la chambre de l'instruction a ainsi méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;

"alors, d'autre part, qu'aux termes des articles 706-57 et 706-58 du code de procédure pénale, ne peut être entendue sous le bénéfice de l'anonymat organisé par l'article 706-58 qu'une personne à l'encontre de laquelle il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elle a commis une infraction ; que ne répond pas à cette exigence la personne entendue alors qu'elle est sous écrou (quel qu'en soit le motif) ; que, dès lors, en refusant d'annuler l'audition critiquée, en date du 1er mars 2005, émanant d'un témoin anonyme faisant état de renseignements recueillis pendant sa détention, la chambre de l'instruction a violé les textes précités par refus d'application" ;

Attendu que, pour rejeter la requête en annulation de l'audition de témoin anonyme réalisée par le juge d'instruction, le 1er mars 2005, l'arrêt énonce que cette demande se fonde sur la situation d'incarcération de la personne entendue et que cet élément a déjà été évoqué dans la requête rejetée par le président de la chambre de l'instruction ;

Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Qu'en effet, les raisons invoquées au soutien d'une contestation fondée sur les dispositions de l'article 706-60, alinéa 2, du code de procédure pénale ne peuvent être à nouveau présentées devant la chambre de l'instruction, saisie, sur le fondement de l'article 173 du même code, d'une requête en nullité du procès-verbal d'audition ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 173, 174, 706-57, 706-58, 706-60 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe relatif à l'autorité de chose jugée, défaut de motifs, manque de base légale, violation du droit de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a jugé que le "mémoire ampliatif" du 28 décembre 2005 était une requête autonome, et l'a déclaré irrecevable pour non respect du délai de six mois de l'article 173-1 du code de procédure pénale ;

"aux motifs que ce mémoire, présenté au-delà du délai de six mois, demande l'annulation d'auditions des 4 novembre 2003 et 30 novembre 2004, demande non visée dans la requête en nullité présentée dans le délai qui ne visait qu'une audition du 1er mars 2005 ; que cette deuxième requête, distincte, est donc irrecevable ;

qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de article 174, alinéa 1, du code de procédure pénale, visant à soulever d'office des moyens de nullité, dès lors que le mis en examen a contesté, dans sa requête du 29 avril 2005 (en levée d'anonymat), le recours à la procédure du témoin anonyme et que sa demande n'a pas prospéré ;

"alors, d'une part, que la requête du 29 avril 2005, formulée sur le fondement de l'article 706-60, alinéa 2, du code de procédure pénale devant le président de la chambre de l'instruction avait pour but, conformément aux dispositions de ce texte, d'obtenir la levée de l'anonymat et la confrontation avec les témoins ; que la décision prise par le président sur cette demande, qui, au demeurant, n'aborde pas la question de la validité de la procédure, n'a aucune autorité de chose jugée en ce qui concerne la validité des auditions, que la requête n'avait ni pour objet ni pour effet de contester, et que l'ordonnance n'a pas tranchée ; que, dès lors, saisie ultérieurement d'une requête en nullité des mêmes actes, fondée sur l'article 173 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction, à qui ne s'opposait aucune autorité de chose jugée, avait le pouvoir, sur le fondement de l'article 174, alinéa 1, du code de procédure pénale de vérifier la nullité des actes de la procédure qui lui était soumise et de prononcer la nullité des auditions litigieuses ; que la chambre de l'instruction a ainsi méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;

"alors, d'autre part, que la validité de témoignages anonymes est subordonnée à la constatation expresse de ce que les témoins, entendus sur ce régime exorbitant du droit commun, répondent aux exigences légales ; qu'en l'absence de toute mention faisant état de ce que les témoins, entendus en 2003 et 2004, répondaient aux conditions de l'article 706-57 du code de procédure pénale, et notamment ne pouvaient être soupçonnés d'avoir commis une infraction, leurs témoignages devaient être annulés par la chambre de l'instruction, qui a ainsi méconnu les droits de la défense" ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande d'annulation des témoignages anonymes recueillis les 4 novembre 2003 et 30 novembre 2004, présentée par mémoire déposé le 28 décembre 2005, l'arrêt retient que ce mémoire doit s'analyser comme une requête distincte de celle du 26 octobre 2005 et qu'elle a été déposée hors délai ;

Attendu qu'en cet état, les griefs du moyen ne sont pas encourus ;

Que le demandeur qui, en application de l'article 173-1 du code de procédure pénale, n'est plus recevable à faire état de moyens pris de la nullité de la procédure qu'il n'a pas soulevés en temps utile devant la chambre de l'instruction, ne saurait être admis à invoquer, devant la Cour de cassation, de tels moyens pour faire grief à la chambre de l'instruction de ne pas avoir annulé d'office certains actes de la procédure en vertu du pouvoir qu'elle tient de l'article 206 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Rognon, Mmes Guirimand, Radenne conseillers de la chambre, M. Soulard conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-82931
Date de la décision : 12/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Demande de la personne mise en examen - Procès-verbal d'audition d'un témoin sans révélation de son identité - Moyen de nullité précédemment invoqué au soutien d'une contestation fondée sur l'article 706-60, alinéa 2, du code de procédure pénale - Effet.

INSTRUCTION - Témoin - Protection - Recueil des déclarations d'un témoin sans révélation de son identité - Procès-verbal d'audition - Requête en nullité devant la chambre de l'instruction - Moyen de nullité précédemment invoqué au soutien d'une contestation fondée sur l'article 706-60, alinéa 2, du code de procédure pénale - Effet

INSTRUCTION - Nullités - Chambre de l'instruction - Saisine - Saisine par le juge d'instruction, le procureur de la République ou l'une des parties - Requête de l'une des parties - Requête aux fins d'annulation d'un procès-verbal d'audition d'un témoin sans révélation de son identité - Moyen de nullité précédemment invoqué au soutien d'une contestation fondée sur l'article 706-60, alinéa 2, du code de procédure pénale - Effet

Les raisons invoquées pour contester, en application de l'article 706-60, alinéa 2, du code de procédure pénale, le recours à la procédure de recueil des déclarations d'un témoin sans révélation de son identité ne peuvent être à nouveau présentées devant la chambre de l'instruction, saisie, sur le fondement de l'article 173 du même code, d'une requête en nullité du procès-verbal d'audition de ce témoin. Justifie dès lors sa décision la chambre de l'instruction qui, pour rejeter la requête en annulation d'une audition de témoin anonyme, présentée sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale, retient que cette requête est recevable mais que l'argument selon lequel le témoin, qui avait eu connaissance de certains éléments en détention, ne pouvait être entendu selon cette procédure, les articles 706-57 et 706-58 dudit code exigeant qu'il n'existe aucune raison plausible de soupçonner que le témoin ait commis une infraction, a été soumis au président de la chambre saisi antérieurement, en application de l'article 706-60 du même code, d'une requête tendant à lever l'anonymat du témoin et écarté.


Références :

Code de procédure pénale 173, 706-57, 706-58, 706-60

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (chambre de l'instruction), 14 mars 2006

A rapprocher : Chambre criminelle, 2006-02-15, Bulletin criminel 2006, n° 44, p. 171 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 jui. 2006, pourvoi n°06-82931, Bull. crim. criminel 2006 N° 201 p. 715
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 201 p. 715

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: M. Valat.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.82931
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