LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué, que le 23 décembre 2004, un protocole d'accord préélectoral fixant un cadre national aux élections professionnelles devant se tenir dans chacun des établissements de la société Dalkia France a été signé avec les organisations syndicales CFE-CGC, CGT, CGT-FO, CFDT, CFTC, UNSA ; que ce protocole prévoit le nombre des sièges de délégués du personnel et membres des comités d'établissement et le découpage de l'entreprise en cinq régions et notamment la reconnaissance d'un établissement désigné sous le nom de "Dalkia Atlantique" qui regroupe les deux anciens établissements distincts "Centre-Atlantique" et "Sud-Ouest" ; qu'un protocole préélectoral signé au niveau de l'établissement "Dalkia Atlantique" prévoit que le scrutin se déroulera en deux bureaux de vote distincts, l'un à Bruges en Gironde pour le personnel affecté à l'ancien établissement "Sud-Ouest", l'autre à Saint-Avertin en Indre-et-Loire pour le personnel affecté à l'ancien établissement "Centre Atlantique", le premier étant désigné bureau centralisateur ; que, par un premier avenant, la date des élections a été reportée en attente de la décision sur la représentativité contestée du syndicat CGT-E ; qu'un deuxième avenant du 11 mai 2005 a procédé à une refonte du protocole préélectoral ; qu'un troisième avenant du 31 mai 2005 a reporté la date des élections du 6 au 14 juin 2005 en raison d'un mouvement de grève survenu au centre de tri de La Poste à Bègles dans le courant de la semaine ; qu'enfin, un quatrième avenant du 14 juin 2005 a été signé à la clôture du scrutin pour admettre le décompte des suffrages parvenus dans des enveloppes non signées ; que le syndicat CGT-E et M. X... ont saisi les tribunaux d'instance de Tours et de Bordeaux en annulation du premier tour de ces élections le 27 juin 2005 ; que le tribunal d'instance de Tours s'est dessaisi pour celui de Bordeaux en raison de la litispendance ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que le syndicat CGT-E et M. X... font grief au jugement attaqué de les avoir déboutés de leur demande d'annulation des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'établissement du deuxième collège et des membres du comité d'établissement issus du troisième collège, alors, selon le moyen, qu'en cas de vote par correspondance, la signature de l'électeur sur l'enveloppe extérieure, renfermant celle contenant le bulletin de vote, est une formalité substantielle qui a pour objet d'assurer la sincérité des opérations électorales ; qu'il s'agit d'une irrégularité qui, par nature, emporte l'annulation du scrutin ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté la prise en compte par les bureaux de vote d'enveloppes dépourvues de signature ;
qu'en décidant de n'annuler que la partie des élections litigieuses pour laquelle la prise en compte de ces votes avait eu une incidence sur le quorum, le tribunal a violé l'article L. 433-9 du code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance, après avoir relevé le nombre, constaté par huissier, d'enveloppes extérieures non émargées par l'électeur et retenu que seuls les résultats de l'élection des membres suppléants du comité d'établissement issus du deuxième collège avaient été atteints par la prise en compte de votes contenus dans ces enveloppes extérieures non émargées, a pu décider de limiter l'annulation prononcée, à ce scrutin ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que le syndicat CGT-E et M. X... font grief au jugement attaqué de les avoir déboutés de leur demande d'annulation de l'ensemble des opérations électorales pour irrégularité du protocole préélectoral, alors, selon le moyen, qu'il n'y a lieu de procéder à la généralisation du vote par correspondance qu'en raison de circonstances exceptionnelles ; qu'en l'espèce pour rejeter la demande d'annulation des élections litigieuse le tribunal a retenu que l'employeur avait été tenu de recourir à un vote par correspondance puisque le protocole préélectoral l'avait prévu ; qu'en statuant ainsi sans rechercher s'il existait en l'espèce des circonstances exceptionnelles de nature à justifier ce choix, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 423-13 et L. 433-9 du code du travail ;
Mais attendu que, comme le fait valoir le mémoire en défense de la société, le syndicat qui a présenté des candidats aux élections est présumé avoir adhéré au protocole préélectoral les organisant et n'est pas recevable à en contester la validité ; que, par ce motif substitué, la décision se trouve légalement justifiée sur ce point ;
Mais, sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 411-11, R. 423-3 du code du travail et 31 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer le syndicat CGT-E et M. X... forclos et dépourvus d'intérêt à agir et en conséquence irrecevables en leur demande d'annulation du premier tour des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'établissement issus du premier collège et des délégués du personnel issus du troisième collègue, le tribunal d'instance retient, d'une part que la demande d'annulation de l'avenant signé le 14 juin 2005 qui a permis la prise en compte des votes par correspondance parvenus dans des enveloppes dépourvues d'émargement, n'a été présentée qu'à l'audience de renvoi du 15 septembre 2005, soit au delà du délai de quinze jours visé à l'article R. 423-3 du code du travail et, d'autre part, que le syndicat non représentatif sur le plan national et au niveau de l'établissement ne pouvait pas présenter de candidats au premier tour des deux scrutins en cause et n'a aucun intérêt à contester les résultats du premier tour des deux scrutins pour le premier collège dans la mesure où il a pu présenter des candidats au second tour et obtenir des élus qu'il en est de même pour l'élection au second tour des délégués du personnel issus du troisième collège ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, seule la recevabilité de la demande d'annulation de l'élection est soumise au délai de forclusion de quinze jours et non pas les moyens avancés à l'appui de cette prétention et que, d'autre part, la régularité des élections professionnelles mettant en jeu l'intérêt collectif de la profession, tout syndicat , même non représentatif dans l'entreprise qui y a des adhérents peut en demander la nullité, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions déclarant le syndicat CGT-E et M. X... irrecevables en leur demande d'annulation des élections du premier collège des délégués du personnel et membres du comité d'établissement et des délégués du personnel issus du troisième collège, le jugement rendu le 27 octobre 2005, entre les parties, par le tribunal d'instance de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Libourne ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne les défendeurs à payer à M. X... et au syndicat CGT-E et Dalkia France la somme globale de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille six.