AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° A 04-45.441 et P 04-46.442 ;
Attendu que M. X... est employé depuis janvier 1975 par la Société de valorisation de l'environnement Onyx en qualité de conducteur de véhicule de ramassage d'ordures ménagères ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment de demandes en paiement d'une prime au titre du temps d'habillage et de déshabillage et de majorations conventionnelles de salaires pour les heures effectués de nuit ;
Sur les premier et troisième moyens du pourvoi du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi du salarié, lequel est recevable comme né de la décision attaquée :
Vu l'article L. 212-4, alinéa 3, du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une prime au titre des temps d'habillage et de déshabillage pour la période du 1er janvier 2001 au 28 février 2004, l'arrêt relève qu'il n'est pas contesté que le salarié est employé dans des conditions correspondant à celles prévues par l'article L. 212-4, alinéa 3, du code du travail comme ouvrant droit à des contreparties fixées par accord collectif ou par le contrat de travail pour le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage réalisées dans l'entreprise ; qu'en l'absence d'accord collectif dans l'établissement où il travaille, l'intéressé réclame en application de ce texte l'équivalent de la prime d'habillage et de déshabillage versée aux salariés des autres établissements de la société où des accords ont été conclus ; que, cependant, ces accords prévoient la rémunération d'un temps de travail effectif de 35 heures et le versement d'une prime dite de prise et de fin de poste pour les temps de travail non effectifs tels que ceux d'habillage et de déshabillage ; que la rémunération du salarié est calculée sur la base d'un horaire mensuel de 160,33 heures ; qu'ainsi l'intéressé, qui ne conteste pas l'application des "35 heures", n'établit pas que sa rémunération correspondrait uniquement à du temps de travail effectif ;
Attendu, cependant, que selon l'article L. 212-4, alinéa 3, du code du travail, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit financières, devant être déterminées par convention ou accord collectif ou à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que ces dispositions étaient applicables au salarié et que celui-ci ne bénéficiait pas de contrepartie pour le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, ce dont il résultait qu'il appartenait à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve de ce qu'il avait rémunéré ces temps comme du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :
Vu les articles L. 213-1-1, L. 213-2 et L. 213-4 du code du travail, ensemble l'article 3-12 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000 étendue dans sa rédaction alors en vigueur ;
Attendu que, pour condamner la société au paiement de majorations conventionnelles de salaire pour les heures effectuées de nuit durant la période du 9 mai 2001 au 31 octobre 2003, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié embauche à 5 heures du matin et à 4 heures 45 depuis le 1er octobre 2003 , énonce qu'aux termes de l'article L. 213-1-1 du code du travail, les heures de nuit peuvent être fixées par accord collectif sur une période de 9 heures consécutives entre 21 heures et 7 heures, mais comprenant en tout état de cause l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures ; qu'en l'espèce, l'article 3-12 de la convention collective applicable fixe les heures de nuit entre 21 heures et 4 heures, avec une majoration de 10 % si le travail est effectué dans le cadre du service normal, ce qui est le cas ; qu'ainsi, le salarié peut prétendre à cette majoration pour le temps de travail effectué avant 5 heures du matin ;
Attendu cependant qu'aux termes des trois premiers articles susvisés, la contrepartie dont doivent obligatoirement bénéficier les travailleurs de nuit, au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont occupés, doit être prévue sous forme de repos compensateur, à laquelle peut s'ajouter, le cas échéant, une compensation salariale ; qu'il en résulte que la définition du travail de nuit prévue par l'article L. 213-1-1 du code du travail n'a pas pour effet de modifier les conditions d'attribution de la compensation salariale du travail de nuit fixées par une convention collective ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la convention collective ne prévoyait de majoration salariale qu'entre 21 heures et 4 heures, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement d'une prime au titre des temps d'habillage et de déshabillage pour la période du 1er janvier 2001 au 28 février 2004, et en ce qu'il a condamné la société au paiement de la majoration de salaire conventionnelle pour les heures effectuées de nuit durant la période du 9 mai 2001 au 31 octobre 2003, l'arrêt rendu le 22 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;