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04/07/2006 | FRANCE | N°03-16698

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 juillet 2006, 03-16698


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er juillet 2003) que le 7 juillet 2000, l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société à responsabilité limitée Les a refusé d'agréer le projet de cession des parts sociales détenues par M. X... à la société Sogexi pour un prix de 1 600 000 francs ; que la résolution selon laquelle les associés s'obligeaient dans un délai de trois mois, en cas de refus d'agrément, à acquérir ou fai

re acquérir les parts de M. X... a été adoptée, le procès-verbal indiquant toutefoi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er juillet 2003) que le 7 juillet 2000, l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société à responsabilité limitée Les a refusé d'agréer le projet de cession des parts sociales détenues par M. X... à la société Sogexi pour un prix de 1 600 000 francs ; que la résolution selon laquelle les associés s'obligeaient dans un délai de trois mois, en cas de refus d'agrément, à acquérir ou faire acquérir les parts de M. X... a été adoptée, le procès-verbal indiquant toutefois que M. X... s'était abstenu afin de bénéficier de son droit de retrait pour le cas où une expertise fixerait un prix insuffisant ; qu'après avoir obtenu en référé une prorogation du délai de trois mois prévu par l'article L. 223-14 du code de commerce, la société Les a sollicité, avec les autres associés ayant refusé l'agrément, MM. Jean-Jacques Y..., Ludovic Y... et la société SNRI (les consorts Y...), une expertise pour fixer la valeur des parts sociales cédées ; que M. X... a conclu qu'il entendait formellement conserver la faculté d'utiliser son droit de repentir, estimant que le cédant devait pouvoir renoncer à la cession si le prix fixé par l'expert désigné ne lui convenait pas ; que par ordonnance du 28 décembre 2000, le président du tribunal de commerce a accueilli cette demande ; qu'après avoir obtenu une prorogation de la durée de sa mission du 7 janvier au 26 janvier 2001, l'expert a déposé son rapport le 23 janvier 2001, fixant la valeur des parts à une certaine somme ; que M. X... a cédé ses parts le 25 janvier 2001 à la société Sogexi au prix initialement convenu, estimant que le délai de rachat ouvert aux autres associés était expiré depuis le 7 janvier 2001 ; qu'après avoir obtenu le placement sous séquestre du prix de cession des parts, la société Les et les consorts Y... ont assigné M. et Mme X... et la société Sogexi en annulation de la vente ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Les et les consorts Y... font grief à l'arrêt d'être entaché d'irrégularité en ce qui concerne les mentions relatives à la composition de la formation de la cour d'appel qui a rendu la décision alors, selon le moyen, que si l'arrêt mentionne que l'audience du 13 mai 2003 s'est tenue devant "M. Joël Christien, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties", le plumitif d'audience fait au contraire apparaître que la même audience s'est tenue devant Pierre Letouze, président, Rosine Nivelle, conseiller, Joël Christien, conseiller et Béatrice Fournier, greffier ; qu'en l'état d'une telle contradiction, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de vérifier la régularité de sa décision, en violation des articles 430, 454 et 945-1 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ne résulte aucune contradiction entre les mentions de l'arrêt selon lesquelles les débats ont eu lieu le 13 mai 2003 devant M. Christien, conseiller rapporteur, chargé de rendre compte des débats aux autres membres de la formation collégiale de la cour d'appel appelée à connaître du litige et celles figurant sur le registre d'audience indiquant la composition de cette formation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Les et les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en annulation de la cession de parts intervenue entre les consorts X... et la société Sogexi et d'avoir ordonné la mainlevée du séquestre des parts sociales alors, selon le moyen :

1 / que le cédant de parts sociales d'une société à responsabilité limitée qui s'est heurté au refus d'agrément des associés, ne peut valablement se libérer à l'égard de ces derniers de son offre de cession que s'il exerce son droit de repentir de manière claire et non équivoque avant que les associés ne donnent leur accord, serait-ce par voie de demande d'expertise judiciaire pour la détermination de prix, à la reprise des parts litigieuses ; que s'il consent, même en réservant sa décision finale d'accepter la cession, à la demande d'expertise sollicitée par les associés en vue de la détermination du prix pour le rachat de ses parts, le cédant, faute d'avoir exercé son droit de repentir avant l'acceptation des associés, ne peut plus s'opposer à la cession devenue parfaite ; qu'en retenant que le cédant, qui avait pourtant accepté la désignation d'un expert demandée par la société qui s'était engagée à racheter les parts, aurait pu réserver son droit de repentir, la cour d'appel a violé l'article L. 223-14 du code de commerce et l'article 1843-4 du code civil ;

2 / qu'en requérant la désignation d'un expert, dans les conditions prévues par l'article 1843-4 du code civil, à l'effet de déterminer le prix d'une cession de parts sociales au profit des autres associés, l'associé qui s'est heurté au refus d'agrément de cession de ses parts sociales à un tiers émet une nouvelle offre de cession et renonce à son projet initial ; que le délai imparti aux associés pour acquérir les parts litigieuses devient dès lors sans objet, de sorte que l'expiration de ce délai n'autorise pas le cédant à céder valablement ses parts à l'acquéreur originel ; qu'en se bornant à retenir que les réserves dont le cédant avait assorti la demande de désignation d'un expert empêchaient de considérer comme parfaite la cession au profit des associés, quand elle devait conclure que la demande de désignation de l'expert emportait à tout le moins renonciation au projet initial et interdisait la cession originelle à l'expiration du délai légal d'acquisition des parts, la cour d'appel a violé l'article L. 223-14 du code de commerce, et les articles 1101 et 1843-4 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que M. X... n'avait nullement manifesté la volonté de s'en remettre à l'avis de l'expert désigné, la cour d'appel a pu en déduire que les parties ne s'étaient jamais accordées sur le prix de la chose vendue et que, la vente n'étant pas devenue parfaite avant l'expiration du délai de rachat édicté par l'article L. 223-14 du code de commerce, M. X... avait retrouvé le 7 janvier 2001 la faculté de réaliser la cession de ses parts sociales à la société Sogexi ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Les et les consorts Y... fait grief à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement à payer des dommages-intérêts aux consorts X... alors, selon le moyen :

1 / que la seule demande de désignation par les associés d'un expert chargé de déterminer la valeur des parts sociales en vue de leur rachat, après le refus d'agrément notifié à l'associé cédant, n'a ni pour objet, ni pour effet d'augmenter le délai à l'intérieur duquel ils doivent procéder à l'acquisition de ces parts, mais de manifester leur accord définitif à la cession des parts litigieuses à leur profit ; que cette demande, qui vaut exécution de l'obligation de rachat imposé par l'article L. 223-14 du code de commerce, peut dès lors intervenir à tout moment avant l'expiration de ce délai ; qu'en considérant que la demande de désignation de l'expert, formée à quelques jours de l'expiration du délai, était abusive en ce qu'elle tendait à obtenir artificiellement une prorogation illicite, lorsqu'un tel effet n'était ni souhaité par les consorts Y..., ni même possible, la cour d'appel a violé l'article L. 223-14 du code de commerce et les articles 1382 et 1843-4 du code civil ;

2 / que la cassation d'un chef de dispositif s'étend à ceux qui se trouvent dans un lien d'indivisibilité avec le chef cassé ; que pour considérer comme abusive la demande de placement sous séquestre formée par les consorts Y..., la cour d'appel a estimé que ces derniers ne pouvaient ignorer que le cédant s'était explicitement réservé son droit de repentir au cas où le prix fixé par l'expert ne lui aurait pas convenu ; que la cassation du dispositif de l'arrêt ayant affirmé que le cédant pouvait librement vendre, à partir du 7 janvier 2001, les parts sociales aux conditions initiales emportera, par application de l'article 624 du nouveau code de procédure civile, la censure du chef du dispositif ayant considéré comme abusive la demande de mise sous séquestre des parts sociales ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que la demande de désignation d'expert, tardivement formée à quelques jours de l'expiration du délai de rachat des parts sociales caractérisait une manoeuvre dilatoire destinée à obtenir artificiellement une prorogation illicite du délai de rachat, les consorts Y... ayant invoqué le caractère excessif du prix demandé par le cédant dès le 4 octobre 2000 pour obtenir la prorogation du délai de rachat mais n'ayant pourtant sollicité l'organisation d'une mesure d'expertise que le 18 décembre 2000 alors que le délai prorogé expirait le 7 janvier suivant ; qu'il relève encore que, tout en ne pouvant ignorer que M. X... n'avait jamais exprimé la volonté de céder ses parts aux autres associés, ils ont sans fondement légitime contesté la cession réalisée après expiration du délai de rachat et ont ainsi abusivement obtenu le placement sous séquestre des parts sociales cédées ; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Et attendu, d'autre part, que le deuxième moyen ayant été rejeté, le moyen, qui invoque la cassation par voie de conséquence, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les, M. Jean-Jacques Y..., M. Ludovic Y... et la société SNRI aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. et Mme X... et à la société Sogexi la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-16698
Date de la décision : 04/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE - Parts - Cession - Cession à un tiers - Refus d'agrément - Demande de désignation d'expert - Tardiveté - Portée.

1° Ayant retenu qu'un associé cédant n'avait pas manifesté la volonté de s'en remettre à l'avis de l'expert chargé d'évaluer la valeur des parts, une cour d'appel a pu en déduire que les parties ne s'étaient jamais accordées sur le prix de la chose vendue et que, la vente n'étant pas devenue parfaite avant l'expiration du délai de rachat édicté par l'article L. 223-14 du code de commerce, l'associé cédant avait retrouvé au terme de ce délai la faculté de céder ses parts sociales au cessionnaire initial.

2° SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE - Parts - Cession - Cession à un tiers - Refus d'agrément - Refus du cédant de s'en remettre à l'avis de l'expert sur le prix - Portée.

2° La demande de désignation d'expert, tardivement formée à quelques jours de l'expiration du délai de rachat des parts sociales caractérise une manoeuvre dilatoire destinée à obtenir artificiellement une prorogation illicite de ce délai.


Références :

1° :
2° :
Code civil 1101, 1382, 1843
Code de commerce L223-14

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 01 juillet 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 jui. 2006, pourvoi n°03-16698, Bull. civ. 2006 IV N° 167 p. 182
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 IV N° 167 p. 182

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: M. Pietton.
Avocat(s) : SCP Gatineau, SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:03.16698
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