AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de Me JACOUPY, et de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Claude,
- X... Claudine,
- Y... Dany, agissant tant en son nom personnel
qu'en qualité d'héritier de Bruna Z..., épouse Y...,
- Y... Hervé, agissant en qualité d'héritier de
Bruna Z..., épouse Y...,
- Y... Jacky, agissant en qualité d'héritier de
Bruna Z..., épouse Y...,
- Y... Jacques,
- Y... Lionel,
- Y... Odile, épouse A..., agissant en qualité
d'héritière de Bruna Z..., épouse Y...,
- B... Marthe, épouse X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 10 octobre 2005, qui, dans la procédure suivie contre Peter C... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Peter C... responsable, à hauteur de 50 % seulement, du préjudice subi par les parties civiles ;
"aux motifs que le 4 octobre 2003, Peter C... qui circulait sur le CD 937 dans le sens Saint-Quentin - Peronne a, au niveau de sa propriété, tourné à gauche dans le but de rentrer chez lui au moment où survenait une motocyclette pilotée par Olivier Y... qui n'a pu éviter le choc et est décédé des suites de ses blessures ; que le tribunal a retenu une part de responsabilité à la charge de la victime, opposable à ses ayants droit, de 50 % ; que cette limitation ne peut se fonder, bien que le tribunal ne l'ait pas indiqué, que sur le rapport d'expertise réalisé en cours d'enquête faisant apparaître la vitesse excessive du motocycliste de 193 km/h ;
que les parties civiles contestent cette conclusion, estimant que le niveau de tours minute pris en compte par l'expert peut résulter d'un surrégime ou d'une crispation sur le levier de vitesse ; que toutefois le calcul de l'expert ne se heurte à aucune incohérence ou impossibilité et que l'excès de vitesse qui résulte de son rapport est corroboré par les témoignages recueillis par la gendarmerie ; qu'à supposer que le calcul de l'expert soit excessif, il est manifeste que la victime conduisait à une vitesse bien supérieure à celle de 90 km/h autorisée au lieu de l'accident ; que le refus de priorité par Peter C... étant établi et l'expert ayant précisé que même à 90 km/h la moto n'aurait pu éviter le véhicule automobile, la faute d'excès de vitesse commise par Olivier Y... ne peut être exonératrice de responsabilité, ce que Peter C... ne soutient au demeurant pas, n'ayant pas relevé appel ; qu'il n'en demeure pas moins qu'à une vitesse normale le choc aurait été moins violent et les conséquences dommageables moindres ;
"alors, d'une part, que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ;
que la faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur du véhicule impliqué dans l'accident ; qu'ainsi, en se fondant, pour apprécier si le motocycliste avait commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, sur le comportement de l'automobiliste, la cour d'appel a violé les articles précités ;
"alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui constatait que même à 90 km/h la moto n'aurait pu éviter le véhicule automobile, ne pouvait, sans méconnaître les conséquences de ses propres constatations, décider que la faute commise par la victime avait justement conduit le tribunal à limiter le droit à réparation des consorts Y... de 50 %" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la motocyclette pilotée par Olivier Y... a été heurtée par l'automobile conduite par Peter C..., qui arrivait en sens inverse et qui a traversé la route pour entrer dans une propriété privée ; qu'Oliver Y... a été mortellement blessé ;
Attendu que, pour confirmer le jugement qui, après avoir déclaré Peter C... coupable d'homicide involontaire, a limité à la moitié l'indemnisation des proches d'Olivier Y..., victimes par ricochet, l'arrêt statuant sur le seul appel des parties civiles, énonce qu'à supposer exagérée l'appréciation de l'expert, selon laquelle la motocyclette circulait à 193 kilomètres/heure, il est manifeste que cette vitesse était bien supérieure à celle de 90 kilomètres/heure autorisée à l'endroit de l'accident ; que les juges ajoutent que cette faute ne peut exonérer Peter C... de sa responsabilité, ce que celui-ci ne demande d'ailleurs pas, et que, même si l'expert a précisé que le respect de la limitation n'aurait pas permis d'éviter le choc, une vitesse normale l'aurait rendu moins violent et en aurait réduit les conséquences ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que le conducteur victime a commis une faute, qui a contribué à la réalisation de son dommage et abstraction faite de l'appréciation surabondante portée sur le comportement fautif de l'autre conducteur impliqué dans l'accident, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Castagnède, Mmes Radenne, Ract-Madoux conseillers de la chambre, Mme Guihal, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;