AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 13 octobre 2005, qui, dans la procédure suivie contre Jean X... du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré qui aurait déclaré Jean X... seul responsable de l'accident mortel faisant l'objet des poursuites ;
"aux motifs que l'enquête a permis d'établir qu'au moment des faits, Carole Y... était arrêtée sur la chaussée puisqu'elle venait elle-même de percuter légèrement le véhicule Kangoo rouge qui la précédait ; Jean X... soutient que cet arrêt résultant d'un défaut de maîtrise constitue une faute qui a contribué à l'accident ; cependant, il convient de rappeler que le jour des faits, à l'approche du rond-point, la circulation était dense et fortement ralentie alors que la chaussée était humide ; Carole Y..., dans le flot de véhicules ralentis a heurté le véhicule qui la précédait, lequel s'était lui-même arrêté : "il y a eu un fort ralentissement dû à la présence de nombreux véhicules (...) J'ai freiné, je me suis arrêtée (...) Au moment où le véhicule devant repartait, j'ai senti un choc à l'arrière de ma voiture" ; il doit donc être retenu que Carole Y... a commis un défaut de maîtrise ; cependant cette faute qui peut lui être reprochée par Mme Z... n'a eu aucun lien causal avec le fait d'être percuté par Jean X... et n'a pas contribué à la réalisation de son propre préjudice ; en effet, le flux automobile était ralenti, voire stoppé comme le confirme Mme Z... ;
l'immobilisation du véhicule de Carole Y... sur la chaussée pouvait tout aussi bien résulter de l'importance du trafic que d'un accrochage bénin ; Jean X... se devait d'anticiper au vu de cette circulation qui, même en dehors de la faute de conduite de Carole Y..., se trouvait très ralentie voire arrêtée ; en conséquence, Jean X... ne démontre pas en quoi l'immobilisation sur la chaussée du véhicule de Carole Y... où son ralentissement brutal serait imputable à son conducteur en ayant pu jouer un rôle causal dans l'accident, il convient de confirmer le jugement déféré qui a retenu l'entière responsabilité de Jean X...";
"alors que la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ayant contribué à la réalisation de son préjudice, doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'auteur du dommage, qu'en l'espèce où la cour a elle-même reconnu que la victime aurait heurté le véhicule qui la précédait juste avant d'être à son tour percutée par l'automobile du prévenu, les juges du fonds, qui ont justement déduit de cette circonstance la réalité d'une faute constitutive d'un défaut de maîtrise de la victime, ont violé les articles 1er , 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, en refusant d'en tenir compte pour limiter le droit à indemnisation de ses ayants droit sous prétexte que le prévenu devait anticiper cette immobilisation du véhicule qui le précédait en raison du ralentissement de la circulation" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, à l'approche d'un rond-point, le véhicule conduit par Carole Y..., arrêté sur la chaussée après avoir légèrement heurté une automobile le précédant, a été percuté à l'arrière par celui conduit par Jean X..., et a été projeté sur la voie de circulation inverse au moment de l'arrivée d'un ensemble routier ; que Carole Y... est décédée des suites de ses blessures ; que Jean X..., déclaré coupable d'homicide involontaire, a interjeté appel des seules dispositions civiles du jugement ;
Attendu que, pour refuser de limiter l'indemnisation des dommages subis par Carole Y..., l'arrêt relève que le défaut de maîtrise imputable à la victime n'a joué aucun rôle causal dans la survenance de l'accident et n'a donc pas contribué à la réalisation de son propre préjudice ; que les juges ajoutent que Jean X... aurait dû adapter sa conduite au ralentissement de la circulation qu'il avait constaté ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que la faute imputée à la victime n'a pas contribué à la réalisation de son préjudice, et abstraction faite de l'appréciation surabondante portée sur le comportement fautif de l'autre conducteur impliqué dans l'accident, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté :
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Delbano conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède, Mmes Radenne, Ract-Madoux conseillers de la chambre, Mme Guihal, M. Chaumont conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;