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20/06/2006 | FRANCE | N°05-86611

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 juin 2006, 05-86611


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Dominique, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 2 novembre 2

005, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa pla...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Dominique, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 2 novembre 2005, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte du chef de non-assistance à personne en danger ;

Vu l'article 575, alinéa 2, 1 , du code de procédure pénale ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 86, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à informer du chef de non-assistance à personne en danger dénoncé dans la plainte avec constitution de partie civile ;

"aux motifs qu'il ressort des pièces du dossier qu'à son admission à l'hôpital d'Argentan, vers 19 heures, Monique X... a fait l'objet d'un examen clinique, d'un examen sanguin et d'une auscultation cardio-pulmonaire qui n'ont pas révélé d'anomalies ;

que demeurée à jeun, selon les prescriptions du médecin qui l'a examinée, elle a été placée sous perfusion de glucose et a été conduite dans une chambre vers 22 heures ; qu'elle a elle-même débranché la perfusion et a appelé, à 23 heures, l'infirmier, M. Y... qui, sur les prescriptions du médecin, lui a fait prendre, en sa présence, un comprimé de tranxène et est demeuré dans la chambre pendant cinq minutes avant de regagner la pièce de garde et qu'entre 23 heures 05 et 23 heures 30, heure à laquelle le docteur Z... s'est rendu dans la chambre de Monique X..., celle-ci avait disparu ; qu'il est sans intérêt de rechercher si le personnel hospitalier était en nombre suffisant, s'il avait la compétence requise et s'il a usé des techniques et de la science nécessaires pour apporter une aide à Monique X..., dès lors que celle-ci a quitté sa chambre dans les minutes qui ont suivi l'intervention de M. Y..., infirmier de garde qui lui a administré le traitement prescrit par le médecin, et que la présence, dans les locaux de l'hôpital, d'un ou plusieurs autres infirmiers ou aides-soignants diplômés n'était pas susceptible d'empêcher Monique X... de mettre à exécution son projet de quitter l'hôpital, l'établissement hospitalier n'ayant pas l'obligation de maintenir dans la chambre de celle-ci ou à proximité, la présence permanente d'un membre de son personnel, étant précisé que Monique X... ne paraissait pas " manifestement en danger ", ainsi que la partie civile le soutient dans son mémoire ; que, d'une part, l'intoxication n'était pas sévère, ainsi d'ailleurs que les événements l'ont démontré puisque Monique X... a pu quitter l'hôpital par ses propres moyens, d'autre part, celle-ci avait elle-même demandé un somnifère, manifestant ainsi sa volonté de demeurer à l'hôpital, enfin les cinq hospitalisations précédentes dont elle avait fait l'objet pour la même cause, n'avaient donné lieu à aucun incident particulier et ne pouvaient laisser penser au personnel soignant que, cette fois-là, elle refuserait les soins, le médecin et l'infirmier de garde ayant indiqué, de façon concordante, qu'elle était "lucide", "tranquille", "non agitée", "sans altération de conscience", ce que Dominique X... ne conteste d'ailleurs pas dans ses écrits ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas utile à la manifestation de la vérité de faire procéder à l'audition de l'aide-soignante de garde et de l'infirmière du service des urgences, qui a vu Monique X... lors de son admission, avant qu'elle ne soit conduite dans la chambre du 2ème étage, ni à l'audition des patients qui occupaient les chambres avoisinantes ;

que les circonstances particulières dans lesquelles Monique X... a fugué de l'établissement hospitalier à l'insu du personnel soignant, telles qu'elles résultent des investigations menées, ci-dessus rappelées, permettent d'affirmer que l'établissement hospitalier ou son personnel n'a pu commettre l'infraction d'omission de porter secours dénoncée par Dominique X..., infraction qui, ainsi que l'énonce l'article 223-6 du code pénal, est constituée par le fait de " s'abstenir volontairement de prêter assistance à une personne en péril " ;

"alors que la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public et cette obligation ne cesse que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; que la chambre d'instruction qui, pour écarter l'infraction pénale d'omission de porter secours dénoncée dans la plainte avec constitution de partie civile, a énoncé, au vu des seuls éléments résultant de l'enquête préliminaire, que Monique X... ne paraissait pas manifestement en danger lors de son admission à l'hôpital, s'est prononcée par des motifs et appréciations de fait que seule une information aurait permis de faire apparaître, violant ainsi le principe précité" ;

Vu les articles 85 et 86 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ces textes, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ;

que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Dominique X... a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de non-assistance à personne en danger après que son épouse eut été retrouvée noyée non loin de l'hôpital où, la veille, elle avait été admise ; qu'il a fait valoir qu'au cours de l'enquête préliminaire ouverte sur ce décès et classée sans suite, aucune recherche n'avait été effectuée sur les conditions dans lesquelles son épouse, connue pour avoir fait de précédentes tentatives de suicide, avait pu quitter l'hôpital, qu'il ajoutait que rien ne permettait de savoir quel trajet elle avait accompli, et que tous les intervenants n'avaient pas été entendus ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-informer rendue par le juge d'instruction, l'arrêt énonce qu'il "est inutile et sans intérêt" de mener les investigations complémentaires demandées, les circonstances dans lesquelles Monique X... a fugué de l'établissement hospitalier à l'insu du personnel soignant, telles qu'elles résultent de l'enquête, permettant d'affirmer que l'établissement hospitalier ou son personnel n'a pu commettre l'infraction d'omission de porter secours ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, en l'absence de tout acte propre à l'affaire en cause et sans avoir vérifié par une information préalable la réalité des faits dénoncés dans la plainte, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, en date du 2 novembre 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-86611
Date de la décision : 20/06/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Partie civile - Plainte avec constitution - Obligation pour le juge d'informer - Refus d'informer - Conditions - Détermination.

INSTRUCTION - Ordonnances - Ordonnance de refus d'informer - Conditions - Détermination

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Arrêts - Arrêt de refus d'informer - Conditions - Faits ne pouvant comporter une poursuite ou ne pouvant admettre aucune qualification pénale

Un juge d'instruction ne peut se fonder sur les résultats d'une enquête préliminaire, pour, en l'absence de tout acte d'information propre à l'affaire en cours, refuser d'instruire.


Références :

Code de procédure pénale 85, 86

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen (chambre de l'instruction), 02 novembre 2005

A rapprocher : Chambre criminelle, 2005-01-04, Bulletin criminel 2005, n° 1, p. 1 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jui. 2006, pourvoi n°05-86611, Bull. crim. criminel 2006 N° 185 p. 662
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 185 p. 662

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Mme Palisse.
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.86611
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