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20/06/2006 | FRANCE | N°05-80776

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 juin 2006, 05-80776


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nadia, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12e chambre, en date du 21 janvier 2005, qui, pour vol, l'a con

damnée à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nadia, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12e chambre, en date du 21 janvier 2005, qui, pour vol, l'a condamnée à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, ainsi que des articles 311 et suivants du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un plaideur (Nadia X..., la demanderesse) coupable de vol commis au préjudice de son avocate (Me Z...) portant sur le dossier de divorce le concernant ;

"aux motifs propres et adoptés que la prévenue avait reconnu devant les enquêteurs que, après une altercation avec son avocat, elle était partie du cabinet en emportant le dossier de procédure de divorce et avait refusé de le restituer comme elle s'y était engagée ; que la prévenue, qui s'était dessaisie des pièces en les confiant à son avocat pour les besoins de la défense, n'avait pu les reprendre sans l'autorisation de l'avocate ; que la thèse de la prévenue selon laquelle cette dernière les lui aurait remises volontairement sous l'effet de la colère, y compris les correspondances confidentielles contenues dans tout dossier d'avocat, n'était pas crédible et se trouvait contredite par les éléments de la procédure ; qu'en emportant le dossier sans l'accord de son légitime détenteur et avec la volonté manifeste de se l'approprier, la prévenue s'était rendue coupable de vol de sorte qu'il y avait lieu de confirmer la déclaration de culpabilité et la peine prononcée ;

"alors que le propriétaire mandant qui met fin au contrat de mandat ne commet aucune soustraction frauduleuse de la chose d'autrui lorsqu'il reprend le dossier précédemment confié au mandataire, dossier dont il est toujours demeuré propriétaire ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que la prévenue s'était provisoirement dessaisie des pièces de procédure en les confiant à son nouvel avocat pour les besoins de sa défense et avoir observé que ce dernier en était ainsi devenu le légitime détenteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en déclarant que la demanderesse s'était rendue coupable de vol en emportant son dossier sans l'autorisation de son avocat, mandataire dont elle venait pourtant de mettre fin à la mission de représentation ;

"alors que, en outre, le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ni par des considérations abstraites et de portée générale ; qu'en l'occurrence, la cour d'appel ne pouvait donc ériger en postulat que le dossier litigieux comprenait des "correspondances confidentielles contenues dans tout dossier d'avocat", sans indiquer les éléments qui auraient pu emporter sa conviction ;

"alors que, en tout état de cause, la bonne foi exclut la volonté d'appropriation de sorte qu'en se bornant à déduire l'intention frauduleuse de la seule appréhension par le plaideur des documents constitutifs de son dossier de divorce, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Nadia X..., épouse Y..., a été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel par le ministère public sous la prévention d'avoir, le 12 septembre 2002, frauduleusement soustrait le dossier professionnel concernant sa procédure de divorce, au préjudice de Stéphanie Z..., épouse A..., avocate ; que le tribunal a dit la prévention établie et a prononcé sur les intérêts civils ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt retient que Nadia X..., épouse Y..., qui s'est dessaisie de documents se trouvant en sa possession et les a confiés à son avocate pour les besoins de sa défense, ne pouvait les reprendre sans son autorisation ;

que les juges ajoutent qu'en emportant le dossier, sans l'accord de son légitime détenteur et avec la volonté manifeste de se l'approprier, la prévenue a commis le délit de vol ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de Nadia X..., épouse Y..., qui invoquait les dispositions, alors applicables, de l'article 157 du décret du 27 novembre 1991 prescrivant à l'avocat, chargé d'un mandat ad litem, de restituer sans délai les pièces dont il est dépositaire lorsque l'affaire est terminée ou qu'il en est déchargé, ni rechercher quelles pièces appartenant à l'avocat avaient pu être frauduleusement soustraites par la prévenue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 21 janvier 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mme Palisse, M. Beauvais, Mme Radenne conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-80776
Date de la décision : 20/06/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

VOL - Eléments constitutifs - Elément légal - Soustraction frauduleuse - Définition - Dossier d'un avocat - Conclusions fondées sur l'article 157 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 - Défaut de réponse - Portée.

VOL - Eléments constitutifs - Elément légal - Chose d'autrui - Dossier d'un avocat - Pièces appartenant à l'avocat - Recherche nécessaire

Ne justifie pas sa décision la cour d'appel qui, pour dire coupable de vol un prévenu qui, se trouvant en désaccord avec son avocat, s'était emparé du dossier de cet avocat relatif à une procédure le concernant, retient que le dossier a été repris, sans l'accord de son légitime détenteur et avec une volonté manifeste d'appropriation, sans répondre aux conclusions du prévenu qui invoquaient les dispositions, alors applicables, de l'article 157 du décret du 27 novembre 1991 prescrivant à l'avocat chargé d'un mandat ad litem, de restituer sans délai les pièces dont il est dépositaire lorsque l'affaire est terminée ou qu'il en est déchargé, ni rechercher quelles pièces appartenant à l'avocat avaient pu être frauduleusement soustraites.


Références :

Code pénal 311 et suivants
Décret 91-1197 du 27 novembre 1991 art. 157

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 janvier 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jui. 2006, pourvoi n°05-80776, Bull. crim. criminel 2006 N° 190 p. 678
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 190 p. 678

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Mme Guirimand.
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.80776
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