AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept juin deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Ghislaine,
- Y... André,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 27 septembre 2005, qui, dans l'information suivie contre la première, du chef d'escroquerie au préjudice d'une personne particulièrement vulnérable, et contre le second, du chef de complicité de ce délit, a déclaré sans objet l'appel des ordonnances de refus de contre-expertise rendues par le juge d'instruction ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 81, 167, 175, 186-1, 187, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble excès de pouvoirs et violation du principe du double degré de juridiction ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit sans objet les appels interjetés par Ghislaine X... et André Y... à l'encontre des deux ordonnances ayant refusé des demandes de contre-expertises ;
"aux motifs que par ordonnance du 15 juin 2005, le juge d'instruction a renvoyé Ghislaine X... et André Y... devant le tribunal correctionnel du chef respectivement d'abus de faiblesse et de complicité d'abus de faiblesse commis entre mars 1993 et septembre 2001 ; que du fait de cette ordonnance, le juge d'instruction se trouve dessaisi de la procédure, de sorte que les demandes de contre-expertises sont devenues sans objet ;
"alors, d'une part, que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel formé contre une ordonnance du juge d'instruction rejetant une demande de contre-expertise, a l'obligation de se prononcer sur le bien-fondé de l'ordonnance entreprise ; dès lors, en refusant de se prononcer sur le mérite des appels, régulièrement interjetés par Ghislaine X... et André Y... contre les deux ordonnances du juge d'instruction ayant rejeté leurs demandes de contre-expertises, que lui avait pourtant transmis son président, la chambre de l'instruction a méconnu ses pouvoirs et violé les textes et le principe susvisés ;
"alors, d'autre part, que l'ordonnance de renvoi ne rend pas caduque une saisine antérieure de la chambre de l'instruction de telle sorte que la chambre de l'instruction qui a refusé de se prononcer sur le mérite des appels régulièrement interjetés le 4 mai 2005 par Ghislaine X... et André Y... et transmis par ordonnances de son président du 14 juin 2005, au prétexte d'une ordonnance de renvoi prise le 15 juin 2005, a de nouveau méconnu ses pouvoirs et violé les textes et le principe susvisés" ;
Vu les articles 186-1 et 187 du code de procédure pénale ;
Attendu que si, selon le second de ces textes, lorsqu'il est interjeté appel notamment d'une ordonnance de rejet d'une demande de contre-expertise, le juge d'instruction peut poursuivre son information y compris jusqu'au règlement, le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel n'a pas pour effet de priver la partie appelante du droit de faire examiner son recours par la chambre de l'instruction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Ghislaine X... et André Y..., mis en examen, ont régulièrement relevé appel, le 4 mai 2005, de deux ordonnances de refus de contre-expertise rendues par le juge d'instruction ; que le président de la chambre de l'instruction a saisi la chambre de ces appels sans décider que le juge d'instruction ne devait pas poursuivre son information ; que, par ordonnance du 15 juin 2005, devenue définitive, Ghislaine X... et André Y... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel ;
Attendu que, pour déclarer sans objet les appels formés le 4 mai 2005, l'arrêt attaqué retient que le juge d'instruction se trouve dessaisi par l'effet de l'ordonnance de renvoi intervenue le 15 juin 2005 ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la chambre de l'instruction était tenue d'examiner le bien-fondé des ordonnances entreprises, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 27 septembre 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;