AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses première et troisième branches :
Vu les articles L. 321-1, L. 321-1-3 , L. 321-4-1, L. 212-5-3 du code du travail, et l'article 8-3 de l'avenant n° 80 du 14 janvier 2000 à la convention collective du commerce à prédominance alimentaire, alors applicables ;
Attendu que la société Aldi Marché dont le siège social est à Ennery (Moselle) exploite 66 magasins à prédominance alimentaire et un entrepôt ; qu'à l'occasion de la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du temps de travail, elle a engagé, en février 2001, une procédure d'information consultation du comité d'entreprise sur un projet de modification des contrats de travail des agents de maîtrise, employés comme chefs de magasins et chefs d'entrepôts, permettant de les faire accéder à la qualification de cadres avec le forfait annuel en heures prévu par l'article 8-3 de l'avenant n° 80 du 14 janvier 2000 à la convention collective du commerce à prédominance alimentaire ainsi que sur un projet de plan social ; que 3 syndicats et le comité d'entreprise, intervenant volontaire, ont saisi le tribunal de grande instance de demandes tendant notamment à voir constater que la modification des contrats de travail envisagée n'était pas conforme aux dispositions de cet article 8-3 et que le projet de plan social ne comportait pas de justification économique ;
Attendu que pour débouter les syndicats et le comité d'entreprise de leurs demandes, l'arrêt attaqué retient d'une part que la prétention des demandeurs selon laquelle l'employeur aurait du réduire à 35 heures hebdomadaire le temps de travail de ses agents de maîtrise sans changer corrélativement leurs conditions d'emploi n'est pas raisonnable, la société justifiant de ce que l'adoption d'une telle solution l'aurait conduite à renchérir considérablement le prix de ses produits et à affaiblir d'une manière excessive ses capacités commerciales, d'autre part, que les appelants ne peuvent prétendre que les chefs de magasin ou chefs d'entrepôts auraient été abusés en acceptant cette modification, dès lors que leur salaire n'aurait que faiblement augmenté et que leurs conditions d'emploi demeureraient identiques, une immense majorité de chefs de magasins et de chefs d'entrepôts ayant accepté une telle modification et enfin que les autres griefs ne sont pas établis ;
Attendu cependant qu'en l'absence d'accord de réduction du temps de travail, la proposition unilatérale de l'employeur de modifier le contrat de travail de plus de 10 personnes dans une même période de 30 jours, à l'occasion de la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail entre dans les prévisions des articles L. 321-1-3 du Code du travail alors applicable et que la procédure de consultation du comité d'entreprise sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi n'est licite que si les modifications proposées sont conformes aux dispositions légales ou conventionnelles applicables ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il résultait de ses propres constatations que la proposition de modification avait pour objet d'écarter la réduction du temps de travail pour les salariés qui l'accepteraient, sans rechercher si les modifications proposées étaient conformes aux dispositions de l'article 8-3 de l'avenant du 14 avril 2000 sus visé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Aldi Marché aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Aldi Marché à payer aux quatre demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille six.