AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que la contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit résulte de sa seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux oeuvres procèdent d'une rencontre fortuite ou de réminiscences résultant notamment d'une source d'inspiration commune ;
Attendu que les membres du groupe "el principe gitano" ont assigné les Gipsy Kings en contrefaçon, leur reprochant d'avoir repris dans la chanson "Djobi Djoba", créée par ce groupe en 1982, les caractéristiques de leur oeuvre "D... Oba", déposée à la Sociedad general de autores de Espana (SGAE), le 25 novembre 1979 ;
Attendu que pour rejeter l'action en contrefaçon, l'arrêt énonce qu'il n'est pas contesté que la chanson "D... Oba" n'a pas fait l'objet d'exécution publique en France entre 1979 et 1982 par les artistes du groupe "el principe gitano", que si cette oeuvre a fait l'objet d'une exploitation phonographique en 1979 et 1982, aucun document comptable ne vient démontrer que cette exploitation aurait eût lieu sur le territoire français, où résident les membres du groupe Gipsy Kings, avant le mois d'octobre 1982, date de dépôt de l'oeuvre "Djobi Djoba" à la SACEM, qu'à supposer même, comme l'atteste le producteur d'"D... Oba", que le support comportant cette oeuvre ait été commercialisé au Pays Basque français et en Catalogne française, il n'est pas établi, compte tenu du caractère restreint de cette diffusion, que les auteurs de "Djobi Djoba" en ait eu connaissance, que les similitudes entre les deux oeuvres, qui comportent des emprunts au fond commun que constitue le folklore gitan, n'est pas de nature a établir une telle connaissance ;
Qu'en fondant ainsi sa décision sur le fait qu'il n'était pas établi que les Gipsy Kings aient eu connaissance de l'oeuvre prétendument contrefaite en raison d'une diffusion restreinte sur le territoire français, alors qu'elle constatait par ailleurs que cette oeuvre avait fait l'objet d'une diffusion phonographique à plusieurs milliers d'exemplaires en 1979 et 1982, ce dont il résultait que l'accès à cette oeuvre en avait été rendu possible en raison d'une divulgation certaine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;
CASSE ET ANNULE, en ses dispositions relatives à la contrefaçon, l'arrêt rendu le 30 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille six.