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10/05/2006 | FRANCE | N°05-15707

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 mai 2006, 05-15707


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que le lien conjugal a été dissous par un jugement définitif de divorce prononcé par les juridictions algériennes et d'avoir constaté l'irrecevabilité de sa demande en séparation de corps, alors, selon le moyen, que les deux époux étant domiciliés en France, de sorte que leur nationalité algérienne commune ne suffisait pas à rattacher le litige d'une manière caractéri

sé à l'Algérie et que le juge n'était pas compétent pour en connaître, la cour d'appel...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que le lien conjugal a été dissous par un jugement définitif de divorce prononcé par les juridictions algériennes et d'avoir constaté l'irrecevabilité de sa demande en séparation de corps, alors, selon le moyen, que les deux époux étant domiciliés en France, de sorte que leur nationalité algérienne commune ne suffisait pas à rattacher le litige d'une manière caractérisé à l'Algérie et que le juge n'était pas compétent pour en connaître, la cour d'appel a violé l'article 1er de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 et l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que toutes les fois que la règle française de solutions des conflits de juridiction n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi, et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux ; qu'ayant relevé que les époux étaient de nationalité algérienne, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l'action en divorce engagée par le mari en Algérie présentait un lien caractérisé avec la juridiction algérienne, de sorte que les juridictions algériennes pouvaient être compétentes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties dans les conditions prévues à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Vu l'article 1d) de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964, ensemble l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984 n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que les décisions gracieuses ou contentieuses rendues par les juridictions siégeant en Algérie ont, de plein droit, l'autorité de la chose jugée si elle ne contiennent rien de contraire à l'ordre public, et du second que les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilité lors de la dissolution du mariage ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en séparation de corps de Mme X..., l'arrêt retient que devant la juridiction algérienne, elle a été régulièrement représentée par son avocat et qu'ainsi le divorce a été prononcé par décision contradictoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les époux étaient domiciliés en France et que le jugement de divorce du tribunal de Dra El Mizane rappelait qu'en droit, et selon la Charia, la puissance conjugale était détenue par l'époux, de sorte qu'il convenait de faire droit à la demande en divorce de ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. Rabah Y... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 05-15707
Date de la décision : 10/05/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Conditions - Compétence du tribunal étranger - Cas - Litige se rattachant d'une manière caractérisée au pays du juge saisi - Portée.

1° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention franco-algérienne du 27 août 1964 - Article 1er - Reconnaissance de plein droit - Conditions - Compétence du tribunal étranger - Litige se rattachant d'une manière caractérisée au pays du juge saisi - Portée.

1° Toutes les fois que la règle française de solutions des conflits de juridiction n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi, et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux. Une cour d'appel qui relève que des époux sont de nationalité algérienne, en déduit à bon droit que l'action en divorce engagée par le mari en Algérie présente un lien caractérisé avec la juridiction algérienne de sorte que les juridictions algériennes peuvent être compétentes.

2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Principe d'égalité des époux - Atteinte - Caractérisation - Cas - Jugement de divorce rappelant que la puissance conjugale est détenue par l'époux.

2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance ou exequatur - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Ordre public de proximité - Applications diverses 2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier protocole additionnel - Article 5 - Egalité entre époux - Egalité des époux lors de la dissolution du mariage - Garantie - Reconnaissance - Effets - Etendue - Refus d'admettre l'effet international d'une décision étrangère contraire au principe d'égalité des époux 2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention franco-algérienne du 27 août 1964 - Article 1er - Reconnaissance de plein droit - Conditions - Absence de contrariété à l'ordre public international - Caractérisation - Défaut - Applications diverses.

2° Viole l'article 1 d de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 et l'article 5 du Protocole du 22 novembre 1984 n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, une cour d'appel qui déclare irrecevable une demande en séparation de corps de l'épouse au motif que devant la juridiction algérienne, elle a été régulièrement représentée par son avocat et qu'ainsi le divorce a été prononcé par décision contradictoire, alors que les époux étaient domiciliés en France et que le jugement de divorce du tribunal algérien rappelait qu'en droit et selon la Charia, la puissance conjugale était détenue par l'époux, de sorte qu'il convenait de faire droit à la demande en divorce de ce dernier.


Références :

1° :
2° :
Convention franco-algérienne du 27 août 1964 art. 1
Nouveau code de procédure civile 1070
Protocole VII du 22 novembre 1984 art. 5 à la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 10 mai 2004

Sur le n° 1 : Dans le même sens que : Chambre civile 1, 2006-03-28, Bulletin 2006, I, n° 177, p. 155 (rejet)

arrêt cité. Sur le n° 2 : Sur l'ordre public de proximité, dans le même sens que : Chambre civile 1, 2005-10-25, Bulletin 2005, I, n° 379, p. 316 (cassation), et les arrêts cités. Sur le principe d'égalité des époux, dans le même sens que : Chambre civile 1, 2004-02-17, Bulletin 2004, I, n° 48, p. 39 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 mai. 2006, pourvoi n°05-15707, Bull. civ. 2006 I N° 225 p. 197
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 225 p. 197

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Sainte-Rose.
Rapporteur ?: Mme Gorce.
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.15707
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