AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que le lien conjugal a été dissous par un jugement définitif de divorce prononcé par les juridictions algériennes et d'avoir constaté l'irrecevabilité de sa demande en séparation de corps, alors, selon le moyen, que les deux époux étant domiciliés en France, de sorte que leur nationalité algérienne commune ne suffisait pas à rattacher le litige d'une manière caractérisé à l'Algérie et que le juge n'était pas compétent pour en connaître, la cour d'appel a violé l'article 1er de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 et l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que toutes les fois que la règle française de solutions des conflits de juridiction n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi, et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux ; qu'ayant relevé que les époux étaient de nationalité algérienne, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l'action en divorce engagée par le mari en Algérie présentait un lien caractérisé avec la juridiction algérienne, de sorte que les juridictions algériennes pouvaient être compétentes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties dans les conditions prévues à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Vu l'article 1d) de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964, ensemble l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984 n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que les décisions gracieuses ou contentieuses rendues par les juridictions siégeant en Algérie ont, de plein droit, l'autorité de la chose jugée si elle ne contiennent rien de contraire à l'ordre public, et du second que les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilité lors de la dissolution du mariage ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en séparation de corps de Mme X..., l'arrêt retient que devant la juridiction algérienne, elle a été régulièrement représentée par son avocat et qu'ainsi le divorce a été prononcé par décision contradictoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les époux étaient domiciliés en France et que le jugement de divorce du tribunal de Dra El Mizane rappelait qu'en droit, et selon la Charia, la puissance conjugale était détenue par l'époux, de sorte qu'il convenait de faire droit à la demande en divorce de ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. Rabah Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille six.