AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 16 d de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, ensemble l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984 n° VII, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que la décision d'une juridiction étrangère constatant une répudiation unilatérale du mari sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, que la France s'est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et donc à l'ordre public international, spécialement lorsque les deux époux sont de nationalité française ;
Attendu que M. X..., qui possède les nationalités marocaine et française, et Mme Y..., ressortissante française, se sont mariés, le 2 juillet 1966, à Toulouse ; que les époux ont vécu au Maroc ;
que, saisi par le mari, le tribunal de première instance de Casablanca, section notariale D'Ain-Chock, a rendu, le 5 décembre 1997, un acte de première répudiation révocable ; qu'à la demande du ministère public, le tribunal de grande instance de Toulouse, statuant en matière gracieuse, a ordonné la suppression de la mention de divorce sur l'acte de mariage et les actes de naissance des époux ;
Attendu que pour reconnaître la décision marocaine et ordonner sa retranscription sur les registres de l'état civil français, le tribunal de grande instance de Toulouse, statuant comme juridiction d'appel, retient que bien que les époux possèdent tous deux la nationalité française, la conception de l'ordre public international ne s'oppose pas à la transcription sur les registres de l'état civil français du jugement étranger litigieux, dès lors que le domicile commun des époux était, depuis de longues années, situé au Maroc et qu'il résulte de la production des pièces versées par M. X... que son épouse a été régulièrement convoquée à la procédure de divorce, qu'elle a constitué avocat pour les audiences et reçu signification de la décision ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement marocain consacrait la répudiation de Mme Y... par son mari et que les deux époux sont de nationalité française, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2003, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Toulouse, autrement composé ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille six.