AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 mars 2005), que, par acte notarié du 29 janvier 1990, la société Gueydon, titulaire d'un bail portant sur un terrain nu appartenant à la société civile immobilière La Brunerie (la SCI), a consenti, avec l'accord de cette dernière, une sous-location à la société Gemina Investissements pour une période de neuf ans prenant effet à compter du 1er avril 1990 en vue de la création d'une station de lavage pour véhicules automobiles ; que, par acte du 31 mars 1990, la sous-locataire a expressément renoncé à la propriété commerciale tant envers la locataire principale qu'envers la propriétaire ;
que, par acte du 1er juillet 1994, la société Gemina Investissements a cédé son fonds de commerce à la société Espace Clean, cet acte rappelant que la société venderesse avait renoncé à la propriété commerciale ; que, par acte distinct du même jour, en présence de la SCI, la durée du contrat de sous-location a été prorogée jusqu'au 31 mars 2002, avec rappel de l'acte de renonciation du 31 mars 1990 qui a été annexé à ce second acte ; que, par acte du 17 mars 2002, la société Espace Clean a sollicité le renouvellement de bail ; que la société Gueydon et la SCI se sont opposé à cette demande et l'ont assignée en expulsion ; que, reconventionnellement, la sous-locataire a réitéré sa demande de renouvellement du bail et, subsidiairement, a réclamé paiement d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que la société Espace Clean fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1 / que sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit au renouvellement du bail ; que la société Espace Clean faisait valoir dans ses conclusions d'appel, que l'acte de renonciation de la société Gemina Investissements au renouvellement du bail commercial, qui n'avait pu être signé à la date indiquée du 31 mars 1990, l'avait sans doute été au mois de janvier 1990, concomitamment ou même antérieurement à la conclusion du bail ; que la cour d'appel, qui s'est abstenue de répondre à ce moyen, a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que, pour les mêmes raisons, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-15 du Code de commerce, ensemble les articles L. 145-14, alinéa 1 , et L. 145-32 du même Code ;
3 / que le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds effectivement exploité dans les lieux loués ; que le droit à renouvellement n'est donc acquis qu'une fois le bail entré en vigueur au sens de l'article L. 145-8 du Code du commerce, et que, par voie de conséquence, aucune renonciation au droit à renouvellement n'est possible avant l'entrée en vigueur du bail ; d'où il suit, qu'en déclarant valable la renonciation de la société Gemina Investissements, par acte sous seing privé portant la date du 31 mars 1990, à son droit à renouvellement du contrat notarié de sous-location en date du 29 janvier 1990, bien que la prise d'effet de celui-ci ait été reportée au 1er avril 1990, la cour d'appel a violé l'article L. 145-8 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le droit au renouvellement était acquis dès la conclusion du bail par le seul effet de la loi et que l'ordre public de protection, qui s'attache au statut des baux commerciaux, ne faisait pas obstacle à une renonciation librement consentie, si celle-ci était postérieure à la naissance du droit au renouvellement et ayant relevé, répondant aux conclusions, que la renonciation expresse et non équivoque de la société Gemina Investissements par acte du 31 mars 1990 était postérieure à la conclusion du contrat notarié de sous-location en date du 29 janvier 1990, peu important que sa prise d'effet ait été reportée au 1er avril 1990, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la société Espace Clean ne bénéficiait pas d'un droit au renouvellement de son contrat de sous-location à compter du 1er avril 2002 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Espace Clean aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Espace Clean à payer à la SCI la Brunerie et à la société Gueydon, ensemble, la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille six.