AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 25 octobre 2004) et les productions, que par jugement réputé contradictoire en date du 16 juin 1999, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a condamné M. X... à verser à la société Banque nationale de Paris Nouvelle-Calédonie (la banque) la somme de 1 499 279 francs CFP en principal, cette condamnation étant assortie de l'exécution provisoire ; que, le 15 novembre 1999, la banque a signifié le jugement en copie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en application des dispositions de l'article 134-10 du décret du 7 avril 1928, à son adresse en métropole, à Saint-Laurent-du-Var, avec remise de la copie de l'acte au procureur de la République près le tribunal de première instance de Nouméa en application de l'article 134-9-2 du décret précité, à charge pour ce dernier d'adresser cet acte au procureur de la République près le tribunal du domicile de l'intéressé en métropole ; que les 25 et 30 septembre 2002, la banque, qui poursuivait l'exécution du jugement du 16 juin 1999, a fait délivrer à M. X..., domicilié alors à Saint-Martin (Guadeloupe), un commandement aux fins de saisie-vente ;
que le 11 octobre 2002, M. X... a saisi le juge de l'exécution afin qu'il soit constaté que le jugement réputé contradictoire ne lui avait pas été signifié régulièrement dans les six mois de son prononcé, de sorte qu'il était non avenu et que, par conséquent, les commandements de saisie-vente des 25 et 30 septembre 2002 et les actes subséquents devaient être annulés ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir constater le caractère non avenu du jugement réputé contradictoire du 16 juin 1999, faute de signification régulière dans les six mois de son prononcé et tendant, en conséquence, à voir annuler les actes d'exécution fondés sur ce jugement, alors, selon le moyen :
1 / que conformément à l'article 134-9 du décret du 7 avril 1928 réorganisant l'administration de la justice en Nouvelle-Calédonie, les exploits sont délivrés, pour ceux qui habitent dans la métropole, au parquet du procureur de la République près le tribunal de première instance de Nouméa, qui doit viser l'original et envoyer la copie au procureur de la République près le tribunal du domicile de l'intéressé, ce qui implique que la signification est irrégulière en l'absence de transmission de la copie de l'acte ; qu'en l'espèce il résulte de l'arrêt attaqué que la copie de l'acte de signification du jugement du 16 juin 1999 n'a pas été transmise au parquet de Grasse par le parquet de Nouméa ;
que, en décidant néanmoins que ce défaut de transmission ne pouvait entraîner la nullité de la signification, la cour d'appel a violé les articles 134-9 et 134-12 du décret du 7 avril 1928 ;
2 / que toute personne a droit à un procès équitable ; que, par ailleurs, l'article 134-9 du décret du 7 avril 1928 ne prévoit pas une protection du requérant au détriment du destinataire de l'acte ; qu'en écartant la nullité de la signification et, partant, le caractère non avenu du jugement du 16 juin 1999, au motif que le requérant ne saurait pâtir du défaut de transmission de la copie au parquet du domicile du destinataire, de sorte que la BNP dont l'huissier de justice avait fait les diligences nécessaires ne saurait encourir la caducité du jugement obtenu contre M. X..., la cour d'appel a violé les articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi que 134-9 et 134-12 du décret du 7 avril 1928 ;
Mais attendu, selon l'article 3 134-10 du décret précité, qu'en cas de remise de l'acte au parquet conformément aux dispositions de l'article 134-9, l'huissier de justice doit, au plus tard le même jour, expédier à l'intéressé habitant en métropole la copie certifiée conforme de l'acte par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que les délais courent de la remise de l'acte au parquet ; que, s'il ne résulte pas de l'avis de réception que la lettre recommandée est parvenue au destinataire, ce délai est suspendu jusqu'au jour de la remise de l'acte à l'intéressé ;
Et attendu que l'arrêt énonce que le défaut de retour effectif de l'acte une fois émargé par le destinataire, ou bien décrivant les diligences accomplies par le parquet de Grasse afin de rechercher ce dernier, ne saurait entraîner la nullité d'une signification qui a été faite dans les formes de la loi par l'huissier de justice du requérant ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la banque qui avait fait toutes les diligences qui étaient en son pouvoir pour notifier à l'intéressé le jugement, ne pouvait encourir la caducité de celui-ci du seul fait de l'absence de justification des diligences du parquet de Grasse, laquelle n'avait eu pour seul effet que de remettre en cause le point de départ du délai d'exercice des voies de recours ouvertes à M. X... ;
D'où il suit que le moyen est mal fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Guerder, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du trois mai deux mille six.