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03/05/2006 | FRANCE | N°04-19504

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 mai 2006, 04-19504


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 septembre 2004), qu'à la suite des déclarations de ses filles, Caroline et Cendy, alors âgées respectivement de 9 et 17ans, M. X... a déposé une plainte contre M. Y... ; qu'une information pénale a été ouverte et que M. Y... a été mis en examen des chefs d'agressions sexuelles sur mineure de moins de 15 ans et sur mineure de plus de 15

ans et placé sous contrôle judiciaire ; qu'une ordonnance de non-lieu ayant été r...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 septembre 2004), qu'à la suite des déclarations de ses filles, Caroline et Cendy, alors âgées respectivement de 9 et 17ans, M. X... a déposé une plainte contre M. Y... ; qu'une information pénale a été ouverte et que M. Y... a été mis en examen des chefs d'agressions sexuelles sur mineure de moins de 15 ans et sur mineure de plus de 15 ans et placé sous contrôle judiciaire ; qu'une ordonnance de non-lieu ayant été rendue, M. Y... a assigné M. et Mme X..., en qualité de représentant de leur fille mineure Caroline, et Mlle Cendy X..., devenue majeure, en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi ;

Attendu que M. et Mme X... et Cendy X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer des dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / que, sauf preuve d'une intention de calomnier, il ne peut y avoir de faute à dénoncer des abus sexuels commis sur sa propre personne ; qu'en effet, en matière d'atteinte à la personne, notamment d'atteintes sexuelles, la personne qui dénonce les faits sait nécessairement si les faits sont faux (auquel cas il y a dénonciation calomnieuse) ou vrais (auquel cas il ne saurait y avoir "légèreté fautive" à dénoncer les faits) ; qu'il s'ensuit que, après avoir écarté expressément toute intention de calomnier et toute mauvaise foi de Caroline et Cendy X..., la cour d'appel ne pouvait, pour entrer en voie de condamnation, estimer que c'est par une "légèreté fautive" qu'elles avaient dénoncé les faits d'atteintes sexuelles commises sur leurs personnes, sans violer l'article 1382 du Code civil ;

2 / que, si, en matière de dénonciation calomnieuse, la fausseté des faits dénoncés résulte nécessairement de la décision de non-lieu conformément aux termes de l'article 226-10 du Code pénal, cette présomption de fausseté ne saurait jouer en matière de responsabilité quasi délictuelle de droit commun ; que, dans ce cas, il appartient au demandeur de rapporter la preuve de la fausseté des faits dénoncés, laquelle ne saurait être déduite de la seule décision de non-lieu qui a pu être rendue pour insuffisance de preuves corroborant les déclarations pas nécessairement inexactes en soi ; que, en affirmant que "le fait que les déclarations n'aient pas été reconnues exactes en démontre la légèreté fautive", la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3 / qu'en se bornant à se déterminer par le motif erroné que "le fait que les déclarations n'aient pas été reconnues exactes en démontre la légèreté fautive", sans caractériser la faute qu'auraient commise Caroline et Cendy X... en dénonçant, sans mauvaise foi et sans intention de calomnier, les atteintes sexuelles commises sur leurs personnes, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la témérité d'une plainte ou d'une dénonciation, dont les éléments constitutifs sont distincts du délit de dénonciation calomnieuse prévu par l'article 226-10 du Code pénal, est à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ;

Et attendu qu'après avoir exactement énoncé que la fausseté des faits résultait nécessairement de l'ordonnance de non-lieu et que les déclarations de Caroline et Cendy X... n'avaient pas été reconnues exactes, la cour d'appel qui retient que les propos des enfants étaient précis, ne pouvaient être imputés à une erreur d'interprétation et mettaient nominativement en cause M. Y..., a pu en déduire que ces déclarations présentaient un caractère de légèreté fautive ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres griefs du moyen dont aucun ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ; les condamne in solidum à payer à M. Y... la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Guerder, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du trois mai deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 04-19504
Date de la décision : 03/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Applications diverses - Dénonciation calomnieuse - Témérité de la plainte - Caractérisation - Nécessité.

ACTION EN JUSTICE - Exercice abusif - Faute - Dénonciation calomnieuse - Témérité de la plainte - Caractérisation - Nécessité

La témérité d'une plainte ou d'une dénonciation, dont les éléments constitutifs sont distincts du délit de dénonciation calomnieuse prévu par l'article 226-10 du code pénal, est à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur.


Références :

Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 14 septembre 2004

Sur la nécessité de caractériser la témérité de la plainte, à rapprocher : Chambre civile 2, 2004-10-07, Bulletin 2004, II, n° 450, p. 382 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 mai. 2006, pourvoi n°04-19504, Bull. civ. 2006 II N° 116 p. 110
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 II N° 116 p. 110

Composition du Tribunal
Président : M. Guerder, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: M. Grignon Dumoulin.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.19504
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