AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;
Attendu que, selon ce texte, les huissiers de justice peuvent procéder à la requête des particuliers à des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; qu'il en résulte qu'ils ne peuvent procéder à des auditions, si ce n'est à seule fin d'éclairer leurs constatations ;
Attendu que dix-huit salariés de la société La Fonte ardennaise se sont mis en grève le 3 octobre 2002 sur le site de l'usine de Haybe-sur-Meuse ; que l'employeur a saisi le juge des référés pour que soit ordonnée la libération des accès à l'usine et l'expulsion des opposants et de leur véhicules ;
Attendu que pour rejeter la demande formée par les salariés d'écarter les procès-verbaux établis par l'huissier requis par la société, la cour d'appel énonce que l'interdiction faite à celui-ci de faire entendre des témoins ne consiste qu'à proscrire la commission par une juridiction d'un huissier de justice aux fins de réaliser une véritable enquête, mais qu'une telle mesure ne vise nullement à faire défense à l'huissier de recueillir autrement toute forme de renseignements ou d'explications de la part des personnes qu'il est amené à rencontrer à la faveur des constatations matérielles qu'il est au contraire habilité à effectuer tant sur requête, qu'en vertu d'un mandat judiciaire, de sorte qu'aucune nullité ni autre irrégularité n'a pu en l'occurrence entacher l'ensemble des procès-verbaux à tort querellés par les appelants ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté que l'huissier avait procédé à des auditions de grévistes qui n'avaient pas pour seule fin d'éclairer ses constatations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches du premier moyen, ni sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société anonyme La Fonte ardennaise aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne également à payer la somme globale de 2 500 euros aux 18 demandeurs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille six.