AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été engagé par la société Distribution Casino France le 1er septembre 1994 en qualité de chef boucher, agent de maîtrise, et affecté dans le magasin de Crozon ;
qu'ayant refusé sa mutation dans un autre magasin et ayant été licencié pour faute grave le 7 novembre 2000, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes concernant, notamment, le paiement de diverses sommes au titre d'un rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, considérant que les heures supplémentaires qu'il effectuait au-delà d'un forfait hebdomadaire de 44 heures ne pouvaient être décomptées sur une période de douze semaines consécutives en application d'un accord d'entreprise du 19 décembre 1996 et qu'en tant qu'agent de maîtrise le forfait en jours institué par un accord d'entreprise dit "Ombrelle" du 17 juin 1999 ne pouvait lui être appliqué et que les pauses payées, dont la durée était fixée par les deux accords précités à trois minutes par heure travaillée en cas de désaccord entre le collaborateur et le responsable sur les modalités de prise de ces pauses, devaient être considérées comme du temps de travail effectif ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, 15 avril 2005) rendu sur renvoi après cassation (chambre sociale, 9 juin 2004), d'avoir condamné la société Casino au paiement de certaines sommes au titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, alors, selon le moyen, que "l'accord d'entreprise Casino France du 19 décembre 1996 instituant une convention de forfait en prévoyant que "l'horaire effectué par le personnel d'encadrement ...est rémunéré sur une base forfaitaire, celle-ci comprenant les majorations pour heures supplémentaires, avec une moyenne maximale de 44 heures de travail effectif par semaine calculé sur une période quelconque de 12 semaines consécutives", viole ce texte conventionnel et les articles L. 131-1 et suivants et L. 212-2-1 du Code du travail, l'arrêt attaqué qui, pour faire droit aux demandes du salarié, considère que ces dispositions conventionnelles ne concerneraient que la durée maximale du travail et non le décompte des heures supplémentaires" ;
Mais attendu qu'en l'état de ses constatations, la cour d'appel a exactement décidé que l'accord du 19 décembre 1996 ne pouvait instaurer un décompte des heures supplémentaires sur une période de 12 semaines consécutives ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est également fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Casino au paiement de sommes au titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, alors, selon le moyen, que "l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 17 juin 1999 dit accord "Ombrelle" de Casino France ayant instauré un forfait en jours pour le personnel d'encadrement, en prévoyant que dans le cadre de ce forfait, ce personnel peut effectuer 10 heures de travail par jour, sans dépasser une moyenne de 46 heures sur une période quelconque de 12 semaines consécutives ni 48 heures au cours d'une même semaine, viole ces dispositions conventionnelles et les articles L. 131-1 et suivants du Code du travail, l'arrêt attaqué qui, à compter de l'entrée en vigueur de cet accord, opère un décompte des heures supplémentaires du salarié sur la base d'un forfait en heures de 44 heures par semaine" ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 28-I de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, "sont réputées signées sur le fondement de la présente loi les stipulations des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d'entreprise ou d'établissement conclus en application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction négociée du temps de travail et qui sont conformes aux dispositions de la présente loi" ;
Et attendu que l'accord Casino France du 17 juin 1999 dit "Ombrelle", qui a instauré un forfait en jours pour l'ensemble du personnel d'encadrement, y compris les agents de maîtrise, n'étant pas conforme à l'article L. 212-15-3 du Code du travail issu de la loi du 19 janvier 2000 qui réserve cette modalité de décompte de la durée du travail aux seuls cadres, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié était agent de maîtrise, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 212-4 du Code du travail, ensemble l'accord du 19 décembre 1996 et l'article 2 de l'accord "Ombrelle" du 17 juin 1999 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail pour la société Casino France ;
Attendu que le temps de pause s'analyse en un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité ;
Attendu que pour décider que les temps de pause prévus par les accords d'entreprise des 19 décembre 1996 et 17 juin 1999 devaient être considérés comme du temps de travail effectif, la cour d'appel énonce que "compte tenu de la modicité du temps de repos fixé à 3 minutes par heures de présence payée, il n'est pas loisible au salarié de quitter l'établissement et de vaquer à ses occupations" ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, ni la brièveté des temps de pause, ni la circonstance que les salariés ne puissent quitter l'établissement à cette occasion, ne permettent de considérer que ces temps de pause constituent un temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt a considéré les temps de pause comme du temps de travail effectif, l'arrêt rendu le 15 avril 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille six.