AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° B 04-12598 et n° C 04-12599 ;
Donne acte à M. X..., désigné en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire simplifié de la société Blue Sea, de son intervention ;
Donne acte à la société Blue Sea, assistée de M. X... ès qualités, de ce qu'elle se désiste du premier moyen de cassation invoqué à l'appui du pourvoi n° C 04-12.599 formé à l'encontre de l'arrêt n° 03-08.043 du 26 février 2004 rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 26 février 2004, n° 02/16.742 rendu au fond, et n° 03/08.043, rendu en matière de référé), que la commune de Marseille, propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la société Blue Sea, a, par acte du 25 février 2000, donné congé à cette dernière avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction, puis l'a assignée pour faire déclarer valable le congé et en fixation de cette indemnité ; qu'un jugement du 4 juillet 2002, frappé d'appel, a accueilli ces demandes et a ordonné, avec exécution provisoire, la consignation de l'indemnité d'éviction entre les mains d'un séquestre ; qu'après avoir consigné les fonds le 9 août 2002 et dénoncé cette consignation à la locataire par exploit d'huissier de justice du 14 août 2002, la commune de Marseille l'a assignée devant le juge des référés en expulsion et en paiement de la pénalité de 1 % par jour de retard prévue par l'article L. 145-30 du Code de commerce ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° B 04-12.598 :
Vu les articles L. 145-28, L. 145-29 et L. 145-30 du Code de commerce ;
Attendu qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que, jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ; qu'en cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d'usage qui suit l'expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l'indemnité entre les mains du locataire lui-même ou, éventuellement, d'un séquestre ; qu'en cas de non-remise des clés à la date fixée et après mise en demeure, le séquestre retient 1 % par jour de retard sur le montant de l'indemnité et restitue cette retenue au bailleur sur sa seule quittance ;
Attendu que, pour dire que la pénalité de 1 % par jour de retard a commencé à courir à compter du 22 novembre 2002, l'arrêt retient qu'aucune disposition du décret du 30 septembre 1953, aujourd'hui codifié, n'interdit d'assortir le versement de l'indemnité d'éviction de l'exécution provisoire, que celle-ci n'est pas incompatible avec le droit au maintien dans les lieux du locataire jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction tel que défini par l'article L. 145-28 du Code de commerce dès lors que l'indemnité allouée par le tribunal a été versée entre les mains d'un séquestre pour être remise au locataire dans les conditions fixées par l'article L. 145-29 du Code de commerce et que cette consignation des fonds entre les mains du séquestre vaut paiement au sens des articles L. 145-29 et L. 145-30 du même Code ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la pénalité de 1 % ne peut commencer à courir tant que n'a pas été fixé par une décision passée en force de chose jugée, le montant de l'indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi n° C 04-12.599 :
Vu l'article 625, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l'arrêt n° 02-16.742 entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt n° 03-08.043 qui en est la suite ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté que la pénalité de retard de 1 % par jour avait commencé à courir à compter du 22 novembre 2002, l'arrêt n° 02/16.742 rendu le 26 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Constate l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt n° 03/08.043 rendu le 26 février 2004 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la commune de Marseille aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la commune de Marseille à payer à la société Blue Sea, assistée de M. X..., ès qualités, la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de la commune de Marseille ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé et de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille six.