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31/03/2006 | FRANCE | N°05-CRD057

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 31 mars 2006, 05-CRD057


INFIRMATION sur le recours formé par M. Nacer-Eddine X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Paris en date du 12 avril 2005 qui lui a alloué une indemnité de 24 000 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale et une somme de 600 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 12 avril 2005, le premier président de la cour d'appel de Paris a alloué à M. X... une somme de

24 000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison d'une détenti...

INFIRMATION sur le recours formé par M. Nacer-Eddine X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Paris en date du 12 avril 2005 qui lui a alloué une indemnité de 24 000 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale et une somme de 600 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 12 avril 2005, le premier président de la cour d'appel de Paris a alloué à M. X... une somme de 24 000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison d'une détention provisoire de deux ans effectuée du 9 octobre 2001 au 9 octobre 2003, mais a rejeté sa demande de réparation de son préjudice matériel ;

Attendu que M. X... a formé le 19 avril 2005 un recours contre cette décision pour obtenir l'indemnisation de son préjudice matériel et l'augmentation de l'indemnité réparatrice de son préjudice moral ;

Sur la recevabilité du recours :

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut à l'irrecevabilité du recours en faisant valoir que la copie des pièces qui lui a été transmise ne lui permet pas de s'assurer que les formalités de l'article R. 40-4 du code de procédure pénale qui imposent la remise effective de la déclaration de recours au greffe ont été respectées ;

Attendu qu'en application des articles 149 et R. 40-4 du code de procédure pénale, le recours devant la commission nationale de réparation des détentions est formé par déclaration remise par le requérant lui-même ou par son représentant au greffe de la cour d'appel dont le premier président a rendu la décision attaquée ; que M. X... a formé un recours par déclaration de son avocat, déposée au greffe le 19 avril 2005 ; que ce recours est donc recevable ;

Sur l'indemnisation du préjudice :

Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que le premier président a rejeté la demande de réparation du préjudice matériel au motif que le requérant ne rapportait pas la preuve que l'incarcération l'aurait privé de revenus professionnels directs ou de substitution ;

Attendu que M. X... soutient qu'avant son incarcération il travaillait en intérim comme électromécanicien dans la région de Nice où il résidait, qu'il avait dû mettre fin à sa mission pour comparaître à un procès contre lui prévu pendant six semaines devant le tribunal correctionnel de Paris et qu'il a subi une perte de salaire évaluée à 36 936 euros, en tout cas, une perte de chance de trouver un emploi qui doit être indemnisée au moins sur la base du SMIC soit 25 763 euros ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient que le requérant ne rapporte pas la preuve de la perte de salaire qu'il allègue mais que, s'il devait être considéré qu'il a toutefois perdu une chance de retrouver un emploi, il ne pourrait obtenir un montant égal à celui d'un salaire ;

Que le procureur général estime que l'activité exercée en intérim par le requérant pourrait lui ouvrir droit à l'indemnisation d'une éventuelle perte de chance qui devrait être appréciée au regard de la peine de cinq ans prononcée à son encontre pour autre cause ;

Attendu qu'il est établi que M. X... travaillait avant son incarcération pour le compte de la société SATT intérim en qualité d'électricien et qu'il percevait un salaire horaire de 6,56 euros ; que celui-ci a ainsi perdu durant son incarcération une chance sérieuse de retrouver un emploi qui doit être indemnisée par l'allocation d'une indemnité de 9 500 euros ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que M. X... fait valoir qu'il est marié et père de deux enfants et que sa détention a été particulièrement pénible en raison de son classement comme détenu particulièrement surveillé, de son placement à l'isolement et des brimades dont il a fait l'objet de la part des surveillants qui l'ont conduit à faire une grève de la faim pendant un mois ; que son préjudice moral est important ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient que la séparation d'avec sa famille ne résulte pas directement de la détention, que les incidents disciplinaires ne peuvent être pris en compte, que les conditions de détention qu'il a vécues, liées à l'infraction pour laquelle il était poursuivi sont identiques à celles qu'il avait connues précédemment, et que la grève de la faim est motivée par sa contestation de l'autorité pénitentiaire ;

Attendu que, selon les textes précités, seul le préjudice moral résultant de la détention peut être indemnisé ; que les éléments de préjudice invoqués par M. X... résultant du rejet de ses demandes de mise en liberté, des prolongations de sa détention, et des retards mis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement, ne peuvent être indemnisés que dans le cadre d'une procédure intentée sur le fondement de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, relatif à la réparation des dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice en cas de faute lourde ;

Attendu que compte tenu de l'âge de M. X... au moment de son incarcération (32 ans), de la durée de celle-ci (sept cent vingt-neuf jours), de l'impossibilité de revoir sa femme et ses deux jeunes enfants demeurant en Algérie, des conditions difficiles de sa détention dans quatre établissements pénitentiaires successifs, liées aux faits de terrorisme qui lui étaient reprochés, il convient de fixer à 50 000 euros l'indemnisation de son préjudice moral ;

Par ces motifs :

DECLARE recevable et ACCUEILLE le recours de M. Nacer-Eddine X... et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE les sommes de 9 500 euros (neuf mille cinq cents euros) et de 50 000 euros (cinquante mille euros) en réparation de ses préjudices matériel et moral.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 05-CRD057
Date de la décision : 31/03/2006
Sens de l'arrêt : Infirmation

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Indemnisation - Conditions - Préjudice direct - Dommage résultant du rejet de demandes de mise en liberté, de prolongations de détention et de retards mis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement (non).

ETAT - Responsabilité - Fonctionnement défectueux du service de la justice - Indemnisation - Préjudice - Préjudice moral - Dommage résultant du rejet de demandes de mise en liberté, de prolongations de détention et de retards mis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement

Les éléments de préjudice résultant du rejet des demandes de mise en liberté, des prolongations de détention, et des retards mis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement ne peuvent être indemnisés que dans le cadre d'une procédure intentée sur le fondement de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, relatif à la réparation des dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice en cas de faute lourde.


Références :

Code de procédure pénale R40-4, 149, 150
Code de l'organisation judiciaire L781-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 avril 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 31 mar. 2006, pourvoi n°05-CRD057, Bull. civ. criminel 2006 CNRD N° 6 p. 18
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2006 CNRD N° 6 p. 18

Composition du Tribunal
Président : Premier président : M. Canivet
Avocat général : Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Gueudet.
Avocat(s) : Avocats : Me Serre, Me Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.CRD057
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