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28/03/2006 | FRANCE | N°05-82143

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2006, 05-82143


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant su

r les pourvois formés par :

- de X... Henri,

- Y... Eugène,

- Z... Joseph,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit mars deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- de X... Henri,

- Y... Eugène,

- Z... Joseph,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4ème section, en date du 24 mars 2005, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant leur contestation de recevabilité de la constitution de partie civile du syndicat agricole Organisation des producteurs de grains ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Laugier et Caston pour Henri de X..., et pris de la violation des articles L. 411-11 du Code du travail, 2, 3, 87, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté Henri de X... de sa contestation de la recevabilité de la constitution de partie civile de la société Organisation des producteurs de grains ;

"aux motifs qu'aux termes du rapport de la Cour des comptes à l'origine de la plainte avec constitution de partie civile de la société Organisation des producteurs de grains, les taxes parafiscales perçues, en application de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 "dans un intérêt économique ou social", prélevées comme en matière fiscale moyennant l'exercice de prérogatives de puissance publique, au profit des personnes morales de droit privé, ainsi que leurs produits financiers ne peuvent venir accroître les bénéfices distribués aux actionnaires ; qu'en l'occurrence, la taxe de financement des actions du secteur céréalier perçue par l'Institut technique des céréales et des fourrages et la société Unigrains pour la mise en oeuvre d'un "programme quinquennal d'actions concernant directement ou indirectement au développement des débouchés des céréales" était comptablement séparée de l'activité bancaire exercée par la société Unigrains pour le compte de ses actionnaires, les ressources parafiscales inemployées à l'objectif ci-dessus devant être normalement reversées à l'Etat ; qu'il s'ensuit que toute affectation du montant de la taxe contraire à son objet porte nécessairement et directement atteinte à l'intérêt de cette profession, représentée par la société Organisation des producteurs de grains, quand bien même ce détournement constituerait par ailleurs une autre infraction pénale que ladite organisation n'a pas qualité à poursuivre ; que, par conséquent, la plainte avec constitution de partie civile de la société Organisation des producteurs de grains, représentative des intérêts des producteurs de grains, ayant saisi le juge d'instruction des faits de détournement au préjudice des céréaliers assujettis à la taxe parafiscale, prélevée pour le développement de leur activité, était recevable, quelles que soient les qualifications retenues par le ministère public et le juge d'instruction et les développements ultérieurs de l'information ;

"1 ) alors que les syndicats professionnels ne peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile que relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que le préjudice doit être porté par les infractions poursuivies ; qu'en envisageant le préjudice qui serait subi par l'intérêt collectif des producteurs de grains, représentés par la société Organisation des producteurs de grains, et ce indépendamment de la qualification pénale des faits litigieux, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2 ) alors que, (subsidiairement), les syndicats professionnels ne peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile que relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;

qu'en toute hypothèse, en décidant que la société Organisation des Producteurs de Grains justifiait d'un préjudice qui serait porté à l'intérêt collectif de la profession qu'elle défend, à savoir les producteurs de grains, au titre d'un prétendu détournement de la taxe de financement des actions du secteur céréalier versée par ces producteurs, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Defrenois et Levis pour Eugène Y..., pris de la violation des articles L. 411-11 du Code du travail, L. 241-3, 4 , du Code de commerce, 314-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de rejet de requête en irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'Organisation des producteurs de grains (OPG), syndicat agricole, et a déclaré recevable la plainte avec constitution de partie civile de l'OPG ;

"aux motifs qu'aux termes du rapport de la Cour des comptes à lorigine de la plainte avec constitution de partie civile de l'OPG, les taxes parafiscales perçues, en application de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 "dans un intérêt économique ou social", prélevées comme en matière fiscale moyennant l'exercice de prérogatives de puissance publique, au profit des personnes morales de droit privé, ainsi que leurs produits financiers ne peuvent venir accroître les bénéfices distribués aux actionnaires ; qu'en l'occurrence, la FASC perçue par l'association ITCF et la société financière Unigrains pour la mise en oeuvre d'un "programme quinquennal d'actions concernant directement ou indirectement au débouché des céréales" était comptablement séparée de l'activité bancaire exercée par Unigrains pour le compte de ses actionnaires, les ressources parafiscales inemployées à l'objectif ci-dessus devant normalement être reversées à l'Etat ; qu'il s'ensuit que toute affectation du montant de la taxe contraire à son objet porte nécessairement atteinte à l'intérêt de cette profession, représentée par l'OPG, quand bien même ce détournement constituerait, par ailleurs, une autre infraction pénale que ladite organisation n'a pas qualité à poursuivre ; que, par conséquent, la plainte avec constitution de partie civile de l'OPG représentative de leurs intérêts, ayant saisi le juge d'instruction des faits de détournement au préjudice des céréaliers assujettis à la taxe parafiscale FASC, prélevée pour le développement de leur activité, était recevable, quelles que soient les qualifications retenues par le ministère public et le juge d'instruction ;

"1 - alors que la recevabilité de l'action civile requiert que soit établie l'existence d'un dommage résultant d'une infraction ; qu'en se bornant à énoncer que l'affectation du montant de la taxe contraire à son objet porte nécessairement atteinte à l'intérêt de la profession représentée par l'OPG sans avoir qualifié l'infraction pénale qui aurait causé le dommage, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2 - alors que les syndicats professionnels ne peuvent se constituer partie civile que relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ;

qu'en considérant que l'affectation du montant d'une taxe contraire à son objet porterait nécessairement atteinte à l'intérêt de la profession représentée par l'OPG quand le préjudice résultant d'un tel détournement, s'il était avéré, ne se distinguerait pas du préjudice indirect porté individuellement aux producteurs de céréales ayant payé, sans contrepartie, la taxe parafiscale, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Joseph Z..., pris de la violation des articles L. 411-11 du Code du travail, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de rejet de requête en irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'Organisation des producteurs de grains (OPG), syndicat agricole, et a déclaré recevable la plainte avec constitution de partie civile de l'OPG ;

"aux motifs qu'aux termes du rapport de la Cour des comptes à l'origine de la plainte avec constitution de partie civile de l'OPG, les taxes parafiscales perçues, en application de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, "dans un intérêt économique ou social", prélevées comme en matière fiscale, moyennant l'exercice des prérogatives de puissance publique, au profit des personnes morales de droit privé, ainsi que leurs produits financiers, ne peuvent venir accroître les bénéfices distribués aux actionnaires ; qu'en l'occurrence la FASC perçue par l'association ITCF et la société financière Unigrains pour la mise en oeuvre d'un "programme quinquennal d'actions concernant directement ou indirectement le développement des débouchés des céréales" était comptablement séparée de l'activité bancaire exercée par Unigrains pour le compte de ses actionnaires, les ressources parafiscales inemployées à l'objectif ci-dessus devant être normalement reversées à l'Etat ; qu'il s'ensuit que toute affectation du montant de la taxe contraire à son objet porte nécessairement et directement atteinte à l'intérêt de cette profession représentée par l'OPG, quand bien même ce détournement constituerait par ailleurs une autre infraction pénale que ladite organisation n'a pas qualité à poursuivre ; que, dès lors, la plainte avec constitution de partie civile de l'OPG représentative de leurs intérêts, ayant saisi le juge d'instruction des faits de détournement au préjudice des céréaliers assujettis à la taxe parafiscale FASC prélevée pour le développement de leur activité, était recevable, quelles que soient les qualifications retenues par le ministère public et le juge d'instruction, et les développements ultérieurs de l'information ;

"alors, d'une part, que, selon l'article 2 du Code de procédure pénale, la constitution de partie civile suppose un dommage causé par un crime, un délit ou une contravention ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l'OPG, que toute affectation du montant de la taxe parafiscale FASC contraire à son objet portait nécessairement atteinte à l'intérêt de la profession représentée par l'OPG, sans préciser en quoi une telle affectation de la taxe était susceptible de constituer une infraction pénale commise à l'égard de l'OPG, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé ;

"alors, d'autre part, que, conformément à l'article L. 411-11 du Code du travail, les syndicats professionnels peuvent exercer l'action civile devant la juridiction pénale relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que l'OPG, syndicat professionnel, n'ayant aucune vocation à recevoir les sommes litigieuses, ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice direct, étant précisé que le préjudice indirect qui pourrait résulter d'une éventuelle affectation contraire à son objet de la taxe parafiscale, et qui serait porté à l'intérêt collectif de la profession des producteurs céréaliers représentée par l'OPG, ne se distingue pas du préjudice, lui-même indirect, susceptible d'être subi individuellement par les producteurs de céréales du fait du paiement sans contrepartie de la taxe parafiscale ; qu'il s'ensuit que la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'Organisation des producteurs de grains (OPG), syndicat agricole, a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, en dénonçant, notamment, des opérations accomplies par la société Unigrains et l'association "Institut technique des céréales et des fourrages" (ITCF), pour détourner le produit de la taxe parafiscale destinée au financement des actions du secteur céréalier (FASC) obligatoirement retenue à la source sur les ventes des producteurs de grains ;

Attendu que trois des personnes mises en examen ont contesté le recevabilité de cette constitution de partie civile en soutenant que les faits dénoncés ne sont susceptibles de porter préjudice qu'à la société Unigrains ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction rejetant cette contestation, l'arrêt retient, notamment, que l'affectation, au profit des actionnaires de la société financière Unigrains, de la taxe parafiscale perçue par cette société et par l'association ITCF pour la mise en oeuvre d'un programme d'actions concernant le développement des débouchés des céréales est contraire à son objet et porte nécessairement atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par l'OPG ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard des articles 2 du Code de procédure pénale et L. 411-11 du Code du travail ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Recevabilité - Syndicat - Intérêt collectif de la profession - Syndicat agricole - Détournement du produit de la taxe parafiscale destinée au financement des actions du secteur céréalier.

SYNDICAT - Action civile - Intérêt collectif de la profession - Syndicat agricole - Détournement du produit de la taxe parafiscale destinée au financement des actions du secteur céréalier

Un syndicat agricole, qui est chargé de défendre les intérêts de la profession qu'il représente, est recevable à se constituer partie civile en cas de détournement du produit de la taxe parafiscale destinée au financement des actions du secteur céréalier.


Références :

Code de procédure pénale 2
Code du travail L411-11

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre de l'instruction), 24 mars 2005

A rapprocher : Chambre criminelle, 2001-03-21, Bulletin criminel 2001, n° 77 (2), p. 254 (rejet).


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 28 mar. 2006, pourvoi n°05-82143, Bull. crim. criminel 2006 N° 86 p. 330
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 86 p. 330
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Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: Mme Anzani.
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Laugier et Caston, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 28/03/2006
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05-82143
Numéro NOR : JURITEXT000007070071 ?
Numéro d'affaire : 05-82143
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2006-03-28;05.82143 ?
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