AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. Gavino X... et son frère, Paolino X..., ont acquis, en indivision, en 1951 et 1957, deux parcelles de terrain à bâtir sises à Champ près Froges et Froges sur lesquelles ils ont, chacun, fait édifier une maison d'habitation ; qu'après avoir épousé Mme Y... en 1978, Paolino X... est décédé en 1995 en laissant un testament olographe par lequel il léguait à son frère, Gavino, la nue-propriété des immeubles qu'il possédait dans ces deux communes et à son épouse "l'usufruit de ces mêmes biens" ; que M. Gavino X... a demandé le partage de l'indivision en usufruit existant entre lui et Mme Y... ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches, tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande visant à l'octroi d'une indemnité au titre des impenses qu'elle a réalisées postérieurement au décès de son mari ;
Attendu qu'abstraction faite du grief des deux premières branches qui s'attaque à un motif surabondant, fût-il erroné, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, par motifs adoptés, a jugé que les travaux réalisés par Mme Y... postérieurement au décès de son mari n'étaient que des travaux d'entretien ce dont il s'induisait qu'ils ne constituaient pas des dépenses d'amélioration ni de conservation ouvrant droit à indemnité au titre de l'article 815-13 du Code civil ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 900, 967 et 1021 du Code civil ;
Attendu que le dernier de ces textes n'étant pas d'ordre public, il est loisible au testateur d'imposer à ses héritiers ou légataires la charge de procurer à un autre légataire la propriété entière du bien légué lorsque le testateur n'a, sur celui-ci, qu'un droit de propriété indivis et que cette volonté peut être déduite par les juges du fond de l'ensemble des dispositions testamentaires sans qu'elle eût à être expressément formulée par le disposant ;
Attendu que pour ordonner le partage de l'usufruit des biens indivis entre M. Gavino X... et Mme Y... l'arrêt attaqué retient qu'en application du testament de son mari, cette dernière bénéfice d'un usufruit de moitié sur tous les biens immobiliers situés à Champ près Froges et pas seulement sur les maisons, M. Gavino X... ayant la pleine propriété de la moitié de ces biens et la nue-propriété sur l'autre moitié ; que les parties sont en conséquence en indivision sur l'usufruit de ces biens, à hauteur de moitié pour chacune d'elles ; que le testament de Paul X... n'a pas à être interprété dès lors que l'intéressé ne pouvait disposer que des droits qu'il détenait, soit la moitié en ce qui concerne l'usufruit ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, par une interprétation du testament, quelle avait pu être la volonté du testateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a ordonné le partage de l'usufruit des biens indivis entre M. Gavino X... et Mme Y..., ordonné la conversion de l'usufruit accordé à Mme Y... en une rente viagère et décidé que cette conversion pourrait être faite en capital si Mme Y... l'acceptait, l'arrêt rendu le 21 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille six.