AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 143-2 du Code de commerce ;
Attendu que le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions ; que le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification ; que la résiliation amiable du bail ne devient définitive qu'un mois après la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 25 novembre 2003), que, par acte du 3 février 1995, la société civile immobilière Les chênes Rouges (la SCI), propriétaire de locaux à usage commercial sur lesquels elle avait consenti un bail à la société Catef, a délivré à cette dernière un commandement de payer une certaine somme à titre d'arriéré de loyer ;
que la société Catef a formé opposition à ce commandement et a assigné la SCI pour en obtenir l'annulation ; que la SCI a demandé reconventionnellement que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire et ordonné l'expulsion de la société Catef ; qu'un jugement du 20 février 1997, confirmé par un arrêt du 27 septembre 1999, a accueilli la demande reconventionnelle de la SCI ; que la société de droit luxembourgeois Gelied, qui avait consenti à la société Catef diverses avances de fonds garanties par deux nantissements inscrits sur le fonds de commerce de cette société les 18 avril 1995 et 26 mars 1997, a assigné la SCI en paiement de dommages-intérêts, lui reprochant d'avoir commis une faute en s'abstenant de lui notifier la procédure de résiliation judiciaire du bail ;
Attendu que, pour débouter la société Gelied de sa demande, l'arrêt retient que le commandement de payer délivré à la société Catef le 3 février 1995, qui rappelait la clause résolutoire insérée au bail, impartissait au preneur un délai d'un mois pour se libérer de sa dette locative, que la résiliation d'un bail par le jeu d'une clause de résiliation de plein droit étant assimilable à une résiliation amiable, il résulte de l'article 14 de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 143-2 du Code de commerce, que relèvent de la catégorie des créanciers inscrits, au sens de l'alinéa 2 de ce texte, les créanciers ayant inscrit un nantissement antérieurement à la date à laquelle la résiliation est devenue effective par l'expiration du délai imparti au débiteur et que c'est donc à juste titre que le premier juge, après avoir constaté que les nantissements ont été inscrits par la société Gelied postérieurement au 3 mars 1995, a retenu que cette société, qui ne peut se prévaloir de la protection instituée par le texte susvisé, invoque en vain l'absence de notification de la résiliation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur qui entend poursuivre en justice la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire doit notifier sa demande à tous les créanciers inscrits à la date de celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne la SCI Les Chênes rouges aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCI Les Chênes rouges à payer à la société Gelied la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille six.