AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN et COURJON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Hugues, partie civile,
contre l'arrêt n° 115 de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, chambre correctionnelle, en date du 12 mai 2005, qui, dans la procédure suivie contre Jacques Y... des chefs d'injures et diffamation publiques envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 31 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir relaxé Jacques Y... du chef d'injures publiques et diffamation publique envers un particulier, Jean-Hugues X... ;
"aux motifs que, si dans l'article Jean-Hugues X... est mis en cause ès-qualité de président du CNARM, les faits dénoncés sont liés à la politique, que ses fonctions politiques sont mises en exergue, de même que ses relations avec un sénateur-maire de la Réunion ; que l'action devait être fondée en conséquence sur les articles 31 et 33 et non 32 et 33 de la loi de 1881 ;
"alors que, dès lors que les imputations incriminées se rattachaient exclusivement et directement à la fonction qu'occupe Jean-Hugues X... comme président du Comité national d'accueil et d'action pour les réunionnais en mobilité, association dont l'objet est de promouvoir le développement, l'amélioration, l'accueil et l'insertion des jeunes réunionnais sur l'ensemble du territoire national, les injures et imputations diffamatoires formulées par les prévenus ne pouvaient être poursuivies et réprimées que sur le fondement des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, peu important que le texte incriminé cite des noms d'hommes politiques, supposés avoir toléré les activités de Jean-Hugues X..., ou que celui-ci ait par ailleurs des fonctions politiques, dont cependant il n'était nullement allégué qu'ils avaient été l'occasion des faits allégués ; qu'ainsi la cour d'appel a statué par fausse application des articles 31 et 32 de la loi de 1881, et que son arrêt doit être annulé" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la publication dans "le journal de l'île de la Réunion" daté du 20 septembre 2003, d'un article intitulé "debout, assis.." dont il estimait certains passages injurieux et d'autres diffamatoires à son égard, Jean-Hugues X... a fait citer Jacques Y..., directeur de publication et auteur de l'article, devant le tribunal correctionnel des chefs d'injures et diffamation publiques envers un particulier, au visa des articles 33, alinéa 2, et 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ; que le tribunal l'a débouté de ses demandes après avoir relaxé le prévenu au motif que les injures et imputations diffamatoires visaient la partie civile en qualité de citoyen chargé d'un mandat public et non en tant que particulier ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt retient que les imputations poursuivies mettent en exergue les fonctions politiques de Jean-Hugues X... et ses relations avec un sénateur- maire de la Réunion ; qu'il ajoute que les agissements allégués sont intégrés dans un contexte politique et que la partie civile est mise en cause en sa qualité d'élu placé à la présidence du comité d'accueil et d'action pour les réunionnais en mobilité (CNARM) ; que les juges en déduisent que les faits, objet de la poursuite, entrent dans les prévisions de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 et que les qualifications d'injures et diffamation envers un particulier ne peuvent trouver à s'appliquer ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi et alors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, au vu des éléments soumis à son contrôle, que les propos incriminés visent la partie civile en raison de sa qualité de président d'une association dépourvue de prérogatives de puissance publique et ont été exactement qualifiés par la partie poursuivante, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 12 mai 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi tant sur l'action publique que sur l'action civile,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;