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28/02/2006 | FRANCE | N°03-19206

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 février 2006, 03-19206


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Gilles X... est décédé le 6 décembre 1993 laissant pour lui succéder Leïla et Yann (les consorts X...), ses deux enfants issus d'une précédente union et Mme Le Y..., sa seconde épouse avec laquelle il s'était marié le 22 avril 1985, sous le régime de la communauté universelle de biens avec clause d'attribution intégrale de celle-ci au profit du survivant des époux et qui avait engagé une procédure de divorce avant le décès de son mari survenu le 6 dé

cembre 1993 ; que le 12 novembre 1983, Gilles X... avait vendu un terrain au pri...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Gilles X... est décédé le 6 décembre 1993 laissant pour lui succéder Leïla et Yann (les consorts X...), ses deux enfants issus d'une précédente union et Mme Le Y..., sa seconde épouse avec laquelle il s'était marié le 22 avril 1985, sous le régime de la communauté universelle de biens avec clause d'attribution intégrale de celle-ci au profit du survivant des époux et qui avait engagé une procédure de divorce avant le décès de son mari survenu le 6 décembre 1993 ; que le 12 novembre 1983, Gilles X... avait vendu un terrain au prix de 70 000 francs, encaissé par lui le 23 décembre 1983 ; que le 28 décembre 1983, Mme Le Y... acquis en son nom personnel un terrain à Perros-Guirec au prix de 110 000 francs payé comptant dont 78 400 francs au moyen d'un prêt souscrit par elle et Gilles X..., le solde avec son apport personnel ; que sur ce terrain elle a fait édifier une construction à usage d'habitation ; que les consorts X... ont assigné Mme Le Y... en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Mme Le Y... et Gilles X... , leur père, et de la succession de ce dernier ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par M. Yann X... et Mme X... épouse Ferez , tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 10 juin 2003) d'avoir confirmé le jugement du 7 mars 2001, en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à ce que soit annulé le contrat de mariage passé entre leur père et Mme Marguerite Le Y... , le 28 décembre 1983, emportant adoption du régime de la communauté universelle avec clause d'attribution de celle-ci au survivant en cas de prédécès de l'un des époux, et de les avoir en conséquence déboutés de leur demande tendant à ce que Mme Le Y... réintègre à la succession de Gilles X... les sommes représentant les investissements immobiliers faits au nom de celle-ci par une remise de fond constituant une donation déguisée ;

Attendu que le principe de la liberté des conventions matrimoniales énoncé par l'article 1497 du Code civil autorise les futurs époux à adopter le régime de la communauté universelle de biens avec stipulation d'une clause d'attribution intégrale de celle-ci au profit du survivant d'eux ; que la présence d'enfants issus d'une précédente union de l'un des futurs conjoints ne peut constituer un obstacle au libre choix des époux ; que le droit au respect de la réserve héréditaire est, alors, assuré par l'action en retranchement prévue par l'article 1527 du Code civil et non par l'annulation du contrat de mariage litigieux ; que la cour d'appel n'avait pas à constater que le droit de réserve des consorts X... serait identique à celui auquel ils auraient pu prétendre en l'absence de régime matrimonial conventionnel et que la constatation faite par elle, de la nullité de la donation déguisée consentie par Gilles X... à Mme Le Y... est sans incidence sur la validité du contrat de mariage ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses quatre branches, tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :

Attendu les consorts X... font également grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du 7 mars 2001, en ce qu'il a décidé qu'en raison du régime matrimonial adopté par les époux X...-Le Y..., le bien acquis, les dettes contractées y afférentes et la créance de M. X..., consécutive à la donation déguisée entachée de nullité, ont été apportés à l'actif et au passif de la communauté universelle qu'ils ont constituée et en ce qu'il a, en conséquence, débouté les consorts X... de leur demande tendant à ce que Mme Le Y... réintègre à la succession de Gilles X... les sommes représentant les investissements immobiliers faits en son nom ;

Attendu, d'une part, que c'est à bon droit que les juges du fond ont prononcé la nullité de la donation déguisée tout en constatant la portée limitée de cette nullité à raison de l'apport à la communauté universelle de l'actif et du passif liés à cette opération lequel a anéanti les effets de cette donation ; d'autre part, qu'après avoir indiqué, dans leurs écritures d'appel, qu'ils n'avaient pas engagé l'action en retranchement prévue par l'article 1527, alinéa 2, du Code civil, les consorts X... ont sollicité la réintégration de l'intégralité de cette donation à la succession de leur père ; qu'ils ne peuvent donc reprocher aux juges du fond de n'avoir pas statué sur une action dont non seulement ils ne les avaient pas saisis mais qu'en outre, ils avaient expressément écartée ; que non fondé en ses trois premières branches et irrecevable en sa quatrième branche, le moyen ne peut qu'être rejeté ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi, pris en ses deux branches, tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :

Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 7 mars 2001 en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 792 du Code Civil ;

Attendu que la simulation n'emporte pas présomption de recel à l'égard du successible gratifié par une libéralité déguisée, lequel ne peut être frappé des peines du recel que lorsqu'est apportée la preuve de son intention frauduleuse, élément constitutif de ce délit civil ; que la cour d'appel ayant relevé, par une décision motivée, que les faits reprochés à Mme Le Y..., s'ils démontraient l'existence de points de discussion quant à la qualification des faits et des droits de chacun, en a souverainement déduit qu'ils ne caractérisaient pas une volonté de dissimulation d'un élément de l'actif à partager ni une fraude destinée à rompre l'égalité dans le partage ou à modifier la vocation héréditaire de l'un ou de l'autre ; qu'ayant ainsi fondé sa décision sur l'absence d'élément intentionnel de nature à caractériser le recel, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;

Sur le quatrième moyen du même pourvoi, tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :

Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du 7 mars 2001 disant que Mme Le Y... est redevable d'une indemnité d'occupation de l'immeuble de Perros-Guirec depuis le 17 février 1994 tout en la réformant de ce chef, et fixant à 2 400,50 euros le montant de l'indemnité due à celle-ci, outre intérêts au taux légal ;

Attendu que, sans encourir les griefs du moyen, la cour d'appel a confirmé le jugement qui lui était déféré en ce qu'il avait statué sur le principe d'une indemnité due par Mme Le Y... à raison de l'occupation de l'immeuble de Perros-Guirec, sans réévaluer le montant de cette indemnité alors que celui-ci n'avait pas été déterminé dans le jugement entrepris et qu'il n'était pas établi qu'il avait été évalué ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le cinquième moyen du même pourvoi, tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :

Attendu que les consorts X... font enfin grief à l'arrêt de s'être borné à confirmer le jugement du 7 mars 2001 ;

Attendu que sous couvert d'un grief de défaut de réponse à conclusions, le moyen critique une omission de statuer sur un chef de demande ; que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de Mme Le Y..., pris en ses deux branches tel qu'exposé au mémoire en demande et annexé au présent arrêt :

Attendu que Mme Le Y... fait grief à l'arrêt d'avoir qualifié de donation déguisée la remise de fonds que Gilles X... lui avait fait le 28 décembre 1983 en vue de l'acquisition d'un terrain sis à Perros-Guirec et d'avoir dit que cette donation était entachée de nullité ;

Attendu que la nullité des donations déguisées édictée par l'article 1099 du Code civil dans sa rédaction alors applicable ne s'applique aux donations antérieures au mariage qu'autant qu'elles ont été faites en prévision de l'union ; que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a, d'une part, souverainement estimé que ce choix de Gilles X... avait été fait en prévision de son mariage avec Marguerite Le Y... ; et, d'autre part, retenu que l'acte du 28 décembre 1983 contenait, quant à l'origine des deniers ayant constitué l'apport personnel de Mme Le Y..., une déclaration mensongère ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE tant le pourvoi formé à titre principal par les consorts X... que le pourvoi incident de Mme Le Y... , épouse Z... ;

Laisse aux consorts X... et à Mme Le Y..., épouse Z... la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les deux demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 03-19206
Date de la décision : 28/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° REGIMES MATRIMONIAUX - Contrat de mariage - Demande en annulation - Exclusion - Cas - Respect de la réserve héréditaire assuré par l'action en retranchement.

1° REGIMES MATRIMONIAUX - Avantages matrimoniaux - Présence d'enfants d'un premier lit - Avantage excédant la quotité disponible entre époux - Sanction - Action en retranchement 1° REGIMES MATRIMONIAUX - Avantages matrimoniaux - Présence d'enfants d'un premier lit - Avantage excédant la quotité disponible entre époux - Sanction - Action en annulation du contrat de mariage (non).

1° Une cour d'appel n'a pas à constater que le droit de réserve des enfants d'une première union est identique à celui auquel ils auraient pu prétendre en l'absence de régime matrimonial conventionnel et que la nullité de la donation déguisée consentie par le défunt à sa seconde épouse est sans incidence sur la validité du contrat de mariage, alors que le principe de la liberté des conventions matrimoniales énoncé par l'article 1497 du code civil autorise les futurs époux à adopter le régime de la communauté universelle de biens avec stipulation d'une clause d'attribution intégrale de celle-ci au profit du survivant, que la présence d'enfants issus d'une précédente union de l'un des futurs conjoints ne peut constituer un obstacle au libre choix des époux et que le droit au respect de la réserve héréditaire est alors assuré par l'action en retranchement prévue par l'article 1527 du code civil et non par l'annulation du contrat de mariage litigieux.

2° DONATION - Donation entre époux - Présence d'enfants d'un premier lit - Avantage excédant la quotité disponible entre époux - Modification ultérieure du régime matrimonial - Portée.

2° C'est à bon droit que les juges du fond, à qui les enfants d'une précédente union, qui n'ont pas engagé l'action en retranchement prévue par l'article 1527, alinéa 2, du code civil et ont sollicité la réintégration de l'intégralité de la donation à la succession de leur père, ne peuvent reprocher de ne pas avoir statué sur une action dont non seulement ils n'étaient pas saisis mais en outre qu'ils avaient expressément écartée, ont prononcé la nullité d'une donation déguisée, tout en constatant sa portée limitée à raison de l'apport à la communauté universelle de l'actif et du passif liés à cette opération lequel a anéanti les effets de la donation.

3° SUCCESSION - Recel - Définition - Donation déguisée - Intention frauduleuse - Preuve - Nécessité.

3° Justifie légalement sa décision, fondée sur l'absence d'élément intentionnel de nature à caractériser le recel, la cour d'appel qui, la simulation n'emportant pas présomption de recel à l'égard du susceptible gratifié par une libéralité déguisée, lequel ne peut être frappé des peines du recel que lorsqu'est apportée la preuve de son intention frauduleuse, élément constitutif de ce délit civil, relève que les faits reprochés à la seconde épouse, s'ils démontrent l'existence de points de discussion quant à la qualification des faits et des droits de chacun, a souverainement déduit qu'ils ne caractérisent pas une volonté de dissimulation d'un élément de l'actif à partager ni une fraude destinée à rompre l'égalité du partage ou à modifier la vocation héréditaire de l'un ou de l'autre.


Références :

1° :
2° :
3° :
Code civil 1497, 1527
Code civil 1527
Code civil 792

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 juin 2003

Sur le n° 3 : Sur la nécessité de l'élément intentionnel en présence d'une donation déguisée, dans le même sens que : Chambre civile 1, 1986-06-03, Bulletin 1986, I, n° 155, p. 155 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 fév. 2006, pourvoi n°03-19206, Bull. civ. 2006 I N° 127 p. 116
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 127 p. 116

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Rapporteur ?: M. Rivière.
Avocat(s) : Me Rouvière, SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:03.19206
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