AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux février deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA, MOLINIE, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Gary,
- Y... Johanna, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 25 mai 2005, qui, pour fraude fiscale, a condamné, le premier, à 18 mois d'emprisonnement, dont 12 mois avec sursis, l'un et l'autre à 30 000 euros d'amende, a ordonné des mesures de publication et d'affichage, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 34 et 37 de la Constitution, 6-3 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3 du Code pénal, 1741 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupables de s'être soustraits frauduleusement à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu de l'année 1998, et les a condamnés, Gary X... à une peine d'emprisonnement de 18 mois dont un an avec sursis, et à une amende de 30 000 euros, et Johanna X... à une amende de 30 000 euros, outre la publication et l'affichage de l'arrêt ;
"aux motifs que doivent être traités comme des revenus d'origine indéterminée les fonds encaissés sur des comptes bancaires ouverts au nom des prévenus, en l'absence de toute explication pertinente concernant leur nature et leur origine ; qu'en effet, selon l'article 170-4 du Code général des impôts, le contribuable est tenu de déclarer tous les éléments imposables ou non de son revenu global, d'où il suit que c'est à lui qu'il appartient d'apporter éventuellement la preuve que ces éléments ne constituent pas un revenu imposable ; or cette preuve ne résulte pas de l'emprunt très momentané de la somme de 350 000 livres dont il a fait état, et qui ne couvre, en tout état de cause, que moins des deux tiers des crédits non justifiés (754 171 euros) ; que l'élément matériel de l'infraction est donc constitué ; qu'enfin l'élément intentionnel de l'infraction se déduit, d'une part, de l'importance des intérêts en cause, tant en ce qui concerne l'assiette que le montant de l'impôt fraudé, et, d'autre part, du caractère mensonger des déclarations des contribuables, qui ont prétendu que leur résidence principale était à Monaco et non en France, alors que, dans le même temps, ils faisaient une déclaration contraire à leur compagnie d'assurance ;
"1) alors que toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; que, si les articles 4 A et 170 du Code général des impôts prévoient que le contribuable doit déclarer l'ensemble de ses revenus, qu'ils soient exonérés ou non, il n'est pas prévu dans le même code, l'obligation pour un contribuable de déclarer les fonds figurant sur ses crédits bancaires, dont il ne peut justifier la nature et l'origine, et qui seraient qualifiés de revenus d'origine indéterminée ;
qu'en entrant en voie de condamnation aux motifs que les époux X... n'ont pas justifié du caractère non imposable de l'intégralité de leur revenus d'origine indéterminée, la cour d'appel a violé le principe précité, et l'ensemble des textes susvisés ;
"2) alors que l'élément matériel de la fraude consiste en l'espèce à n'avoir pas déclaré dans les délais légaux les revenus d'origine indéterminée dont le caractère non imposable n'a pas été établi ; qu'il appartenait donc à la cour d'appel de rechercher si au moment où ils ont établi leur déclaration de revenus, les époux X... avaient l'intention de soustraire cette somme à l'établissement et au paiement de l'impôt ; qu'en se fondant sur le fait que les époux X... avaient menti sur le lieu de leur situation de leur résidence principale pour décider que l'élément intentionnel de l'infraction était établi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour déclarer les époux X... coupables de fraude fiscale pour s'être abstenus de déclarer la plus grande part de leurs revenus, l'arrêt retient que ceux-ci, prétendument domiciliés à Monaco alors qu'ils avaient leur résidence principale en France, n'ont pas justifié que les sommes encaissées sur leurs comptes bancaires n'étaient pas taxables ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, et dès lors qu'il appartient aux prévenus, s'ils soutiennent que des ressources d'origine indéterminée qu'ils n'ont pas déclarées à d'administration fiscale ne constituent pas des revenus imposables, d'en rapporter la preuve, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;