AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles 29, 30, 31 et 46 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que l'action civile résultant du délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à raison de l'exercice de ses fonctions ou de sa qualité ne peut être poursuivie séparément de l'action publique ; que cette prohibition d'ordre public impose au juge civil saisi d'une action de cette nature de se déclarer d'office incompétent ;
Attendu que dans son édition de mars 2001, le journal "A la Une", vendu dans l'agglomération vichyssoise a publié un article intitulé "Tous les coups sont permis " ; que M. X..., ès qualités de maire de la commune de Vichy, estimant que cet article contenait des assertions de nature mensongère portant atteinte à son honneur, à son intégrité et à sa considération ainsi qu'à ceux du personnel administratif de la mairie, a fait citer M. Y..., directeur de la publication, et la société Avenir 03-A la Une, pour les voir condamner en application tant de l'article 1382 du Code civil que de la loi du 29 juillet 1881, au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que pour condamner M. Y... à payer à M. X... des dommages et intérêts en application de l'article 1382 du Code civil, la cour d'appel a énoncé tant par motifs propres qu'adoptés que le titre de l'article litigieux "tous les coups sont permis" pour évoquer des pratiques déloyales utilisées par le maire de la ville de Vichy et les termes de "tracasseries administratives" laissant supposer qu'elles étaient le résultat d'instructions données par lui, portent atteinte à l'honneur et à la considération de celui-ci puisqu'elles sont de nature à mettre en cause l'impartialité et la probité des services de la ville qui agiraient sur l'incitation de son représentant ; que la preuve de tels faits n'étant nullement rapportée, c'est à juste titre que le tribunal a considéré établie la diffamation reprochée aux appelants et a condamné ceux-ci à réparer le préjudice subi ;
Qu'en statuant ainsi après avoir retenu que la publication des propos litigieux qui concernaient un citoyen chargé d'un mandat public, relevait des dispositions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel qui était dès lors tenue de se déclarer incompétente, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile :
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare la juridiction civile incompétente ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Condamne la commune de Vichy aux dépens afférents aux instances devant les juges du fond ainsi qu'à ceux de la présente instance ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Vichy ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille six.