AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de Me FOUSSARD et de Me BROUCHOT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE CONSEIL GENERAL DU DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 7 mars 2005, qui, dans la procédure suivie contre Houcine X..., du chef de diffamation publique envers une administration publique, a prononcé la nullité de la poursuite ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, 30, 47, 48 et 50 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a prononcé la nullité des poursuites et débouté le conseil général du département des Alpes-Maritimes de ses demandes ;
"aux motifs que, "par application de l'article 29 de la loi du 31 juillet 1991, le conseil général des Alpes-Maritimes a transformé le foyer départemental de l'enfance des Alpes-Maritimes en établissement public départemental ; que les poursuites, irrévocablement fixées par l'acte introductif d'instance, nonobstant le visa erroné dans l'ordonnance de renvoi de l'article 32, alinéa 1, qui incrimine le délit de diffamation publique envers un particulier, portent sur le délit de diffamation publique envers une administration publique prévu par l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 47 et 48, dernier alinéa, de ladite loi que, par dérogation à l'article 85 du Code de procédure pénale, la poursuite du chef du délit prévu par l'article 30 de la loi sur la presse ne peut être exercée que par le ministère public ; que la plainte avec constitution de partie civile, qui est irrecevable, ne peut mettre en mouvement l'action publique ; que le réquisitoire du procureur de la République, qui se contente de requérir, sur l'ordonnance de soit-communiqué "une information contre X sur les faits considérés", ne répond manifestement pas aux exigences d'articulation et de qualification des faits posées par l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 dont il appartient aux juges d'assurer le respect, au besoin d'office ; que ces insuffisances ne peuvent être réparées par la plainte, elle-même irrecevable et par conséquent dépourvue d'effet juridique" ;
"alors que, si, aux termes de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, le réquisitoire doit, à peine de nullité des poursuites, articuler et qualifier les faits reprochés à la personne poursuivie, les omissions du réquisitoire peuvent être supplées par les mentions de la plainte avec constitution de partie civile ; qu'à cet égard, peu importe que la plainte ne puisse pas mettre l'action publique en mouvement, dès lors que le prévenu, à la lecture combinée du réquisitoire et de la plainte, est suffisamment informé de la nature et de la cause des faits qui lui sont reprochés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la diffusion d'une lettre à en-tête d'un "collectif d'éducateurs anciens et nouveaux et de chefs de service travaillant au foyer de l'enfance public des Alpes-Maritimes ", dénonçant l'existence de dysfonctionnements et d'actes de maltraitance sur certains enfants, le conseil général des Alpes-Maritimes a porté plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation envers une administration publique, au visa de l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881 ; que, renvoyé devant le tribunal correctionnel, le prévenu a été relaxé ; que la partie civile et le ministère public ont interjeté appel ;
Attendu que, pour relever d'office la nullité de la poursuite, l'arrêt énonce qu'en cas de plainte pour diffamation envers une admnistration publique, prévue par l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881, seul le ministère public peut exercer l'action publique de ce chef en application de l'article 48 de ladite loi ; que les juges retiennent que le réquisitoire introductif du procureur de la République, qui se borne à demander qu'il soit informé "sur les faits considérés" sans les articuler ni les qualifier, ne satisfait pas aux exigences de l'article 50 de la loi sur la presse ; qu'ils ajoutent que ces insuffisances ne peuvent être réparées par la plainte elle-même irrecevable et par conséquent dépourvue d'effet juridique ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, le réquisitoire introductif pris en application de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ne peut se combiner avec la plainte assortie d'une constitution de partie civile répondant aux exigences dudit article que lorsque la partie civile a qualité pour mettre en mouvement l'action publique ;
Que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, M. Valat conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;