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24/01/2006 | FRANCE | N°05-82519

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 janvier 2006, 05-82519


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean,

contre l'arrêt de la cour dappel de NIMES, ch

ambre correctionnelle, en date du 4 mars 2005, qui, pour rétention par employeur agricole...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean,

contre l'arrêt de la cour dappel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 4 mars 2005, qui, pour rétention par employeur agricole de cotisations ouvrières précomptées, l'a condamné à 1 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 725-21, L. 741-20 du Code rural, L. 621-24, L. 621-40 du Code de commerce, 122-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Marie X... coupable de rétention indue de cotisation ouvrière précomptée et l'a condamné à une amende de 1 000 euros ;

"aux motifs qu'en ce qui concerne la matérialité des faits, Jean-Marie X... a reconnu dès les débats de première instance avoir retenu les cotisations ouvrières précomptées sur les salaires bruts des employés alors qu'il résulte de l'article L. 741-20, alinéa 2, du Code rural que la contribution du salarié est précomptée sur la rémunération de l'assuré lors du paiement de celle-ci, le salarié ne pouvant s'opposer à ce prélèvement et le paiement des salaires opéré sous déduction de la cotisation ouvrière valant acquit de cette cotisation à l'égard du salarié de la part de l'employeur ;

qu'il en découle que la cotisation salariale précomptée constitue une créance de la Mutualité sociale agricole du Gard sur le salarié que l'employeur a pour mandat de reverser à cet organisme ; que cette cotisation ne constitue donc pas une créance de cet organisme social sur l'employeur et à ce titre ne fait pas l'objet de l'interdiction de règlement en matière de procédure collective, qu'il s'agisse d'un redressement judiciaire à titre personnel de l'employeur ou de celui d'une société que le prévenu représente ; que l'appelant ne peut, dans ces conditions, arguer des dispositions de l'article L. 626-8 du Code de commerce ou de l'interdiction de régler toutes les créances nées antérieurement à l'ouverture d'une telle procédure édictée par l'article L. 621-24 dudit code ; qu'aucun ordre de la loi ne peut être invoqué pas plus d'ailleurs qu'une prétendue interdiction de payer censée émaner du représentant des créanciers ; qu'à cet égard, les premiers juges ont, sans dénaturer les termes du courrier adressé le 11/07/2003 par Me Torelli, relevé qu'au contraire il avait été indiqué à Jean-Marie X... que le délit pénal était effectivement constitué et que rien n'empêchait la MSA de poursuivre au pénal et que l'élément intentionnel du délit de rétention de précompte a été exactement caractérisé par les premiers juges, lesquels ont successivement constaté : - que Jean-Marie X... avait reconnu à l'audience avoir indûment retenu les cotisations ouvrières alors qu'il avait mandat de les reverser à la MSA, - que l'intéressé n'avait tenu aucun compte de l'avertissement par le représentant des créanciers " (arrêt attaqué, p. 4, in fine à p. 5, al. 4) ;

"alors que les dispositions relatives à l'exigibilité des cotisations ouvrières précomptées ne peuvent prévaloir sur celles de la loi du 25 janvier 1985 qui interdisent de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire ; qu'en retenant que les créances de cotisations salariales ne feraient pas l'objet de l'interdiction légale des paiements prévue par l'article L. 621-24 du Code de commerce, sous prétexte qu'elles seraient précomptées sur les salaires des employés, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ;

"alors, en outre, que Me Torelli rappelait à Jean-Marie X..., dans sa lettre du 11 juillet 2003, que " l'ouverture du redressement judiciaire implique effectivement pour tous les créanciers, quelle que soit la nature de la créance, l'interdiction de règlement des dettes nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective " et s'il reconnaissait, par ailleurs, qu'en raison d'un conflit de textes, le délit de rétention de cotisation invoqué par la MSA n'en était pas moins constitué et que rien n'empêchait celle-ci d'agir au pénal, il précisait qu'une telle action " ne pourra aboutir à un règlement préférentiel que seul le juge commissaire peut autoriser " et " qu'il conviendrait de rappeler à la MSA l'interdiction qui (lui) est faite par le Code de commerce d'opérer un tel règlement " ; qu'en retenant que la lettre du représentant des créanciers du 11 juillet 2003 ne faisait pas état d'une interdiction de payer mais donnait, au contraire, un avertissement à Jean-Marie X... dont celui-ci n'aurait pas tenu compte, la cour d'appel a dénaturé la lettre de Me Torelli du 11 juillet 2003" ;

Vu les articles L. 621-24 du Code de commerce et 122-4 du Code pénal ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par jugement du 24 janvier 2003, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de Jean-Marie X... et des quatre sociétés qu'il dirigeait ; que Jean-Marie X... a été poursuivi pour avoir retenu indûment les cotisations ouvrières précomptées sur les salaires, pour la période du quatrième trimestre 2002 exigibles postérieurement au jugement d'ouverture, infraction prévue par les articles L. 725-21 et L. 741-20 du Code rural et réprimée par les articles 314-1 et 314- 10 du Code pénal ;

Attendu que, pour condamner le prévenu, après avoir écarté son argumentation soutenant que l'article L. 621-24 du Code de commerce lui interdisait de payer toute dette née antérieurement au jugement d'ouverture de redressement judiciaire, l'arrêt énonce que les cotisations précomptées constituent des créances de la Mutualité sociale agricole sur les salariés, et non pas sur l'employeur, de sorte que leur versement par celui- ci échappe à l'interdiction ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'orgarnisation judiciaire ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 4 mars 2005 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la société Dexia Banque privée France, de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, MM. Farge, Palisse, Le Corroller, Castagnède, Mme Ract-Madoux conseillers de la chambre, Mme Guihal, M. Delbano conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-82519
Date de la décision : 24/01/2006
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Causes d'irresponsabilité ou d'atténuation - Ordre ou autorisation de la loi ou du règlement - Interdiction de paiement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire - Domaine d'application - Rétention par un employeur agricole de cotisations ouvrières précomptées.

SECURITE SOCIALE - Infractions - Rétention par un employeur agricole de cotisations ouvrières précomptées - Causes d'irresponsabilité ou d'atténuation - Ordre ou autorisation de la loi ou du règlement - Jugement de redressement judiciaire - Interdiction de paiement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture

Méconnaît le sens et la portée des articles L. 621-24 du Code de commerce et 122-4 du Code pénal, la cour d'appel qui, pour condamner le prévenu qui avait retenu les cotisations ouvrières agricoles précomptées sur les salaires, exigibles postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire des sociétés qu'il dirigeait, énonce que ces cotisations constituent des créances de la Mutualité sociale agricole sur les salariés, et non sur l'employeur, de sorte que leur versement par celui-ci échappe à l'interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture.


Références :

Code de commerce L621-24
Code pénal 122-4, 314-1, 314-10
Code rural L725-21, L741-20

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 04 mars 2005

Dans le même sens que : Chambre criminelle, 2006-01-24, Bulletin criminel 2006, n° 24, p. 94 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 jan. 2006, pourvoi n°05-82519, Bull. crim. criminel 2006 N° 23 p. 91
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 23 p. 91

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Chaumont.
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Vincent et Ohl.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.82519
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