AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de Me Le PRADO, de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER et de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA COMPAGNIE LES MUTUELLES DU MANS
ASSURANCES IARD , partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 2004, qui, dans la procédure suivie contre Michel X... du chef d'homicides involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, de l'article 1382 du Code civil, des articles L. 221-1, R. 211-3 du Code des assurances, des articles 388-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a condamné Les Mutuelles du Mans Assurances Iard à garantir Michel X... des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de l'action civile exercée par les victimes par ricochet de l'accident de la circulation dont il a été reconnu civilement responsable ;
"aux motifs que " les premiers juges ont évalué le préjudice moral et matériel de Simone Y..., Mylène Y..., Elisabeth Y..., Lucas Z... de façon correcte en tenant compte des dépenses effectivement exposées à l'occasion du décès de la victime et des souffrances morales supportées par ses filles et son petit fils en fonction de leurs âges respectifs, de la communauté de vie qui existait entre eux et des liens affectifs qui les unissaient comme en témoignent leurs réactions lors de l'accident telles qu'elles ont été consignées dans le procès-verbal de gendarmerie ;
que leur décision sera confirmée ; qu'au regard de la gravité des faits, il apparaît que les dommages-intérêts accordés à la Ligue contre la violence routière sont insuffisants au regard des objectifs poursuivis par cet organisme qui doit puiser dans ces ressources les moyens de les réaliser et de poursuivre sa mission de lutter contre les comportements dangereux des conducteurs terrestres à moteur ; qu'il sera alloué à la Ligue contre le violence routière la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'en application des dispositions des articles 1 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, l'indemnisation des victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 ; selon l'article L. 211-1 du Code des assurances pris en application de la loi susvisée, toute personne dont la responsabilité civile peut être engagée en raison des dommages subis par des tiers dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué doit, pour faire circuler ce véhicule, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité ; que les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée ci-dessus doivent également couvrir la responsabilité de toute personne ayant la garde ou la conduite même non autorisée ; qu'il est constant que le véhicule impliqué conduit par Michel X... , salarié de la société Allo Bernard Ricou Taxi, avait été mis à la disposition de cette société par la SA Garage Fraisse, assurée par la société Abeille Assurances aux droits de qui vient la société Aviva, conformément à un contrat de remplacement en cas de panne du véhicule dont elle était propriétaire ; qu'il avait été livré à la SA Garage Fraisse en vertu d'un contrat de location par la société Morison qui le détenait en exécution d'un contrat de financement consenti par la société Finalion ; que cette transmission du véhicule a des utilisateurs différents n'a entraîné aucune modification de la situation du véhicule au regard de l'obligation d'assurance qui était respectée au moment de l'accident par le contrat de responsabilité automobile souscrit par la société Morison auprès des Mutuelles du Mans Assurances Iard ; que cette assurance est demeurée en vigueur sans avoir été suspendue ou modifiée par la succession des contrats de location et de remplacement par lesquels la jouissance du véhicule a été attribuée à l'employeur de Michel X... ; que la mise à disposition d'un véhicule à titre de location ou de remplacement constituant des opérations entrant dans les prévisions de tout assureur offrant sa garantie à des professionnels de la location ou de la vente de véhicule automobile, la société Les Mutuelles du Mans Assurances Iard , assureur en responsabilité civile du souscripteur du contrat, doit couvrir la responsabilité de Michel X... dès lors que celui-ci exerçait en toute régularité la garde et la conduite du véhicule impliqué ;
"1 / alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que l'assureur de la société Deleage Morisson est la société Coveat Fleet (voir jugement, p. 9 al. 1 et arrêt, p. 2 al. 7) ; que la cour d'appel a jugé que la responsabilité civile de Michel X... devait être couverte par " le contrat d'assurance de responsabilité automobile souscrit par la société Morisson " ; qu'en condamnant néanmoins Les Mutuelles du Mans Assurances Iard qui n'est plus l'assureur de cette société, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation des textes susvisés ;
"2 / alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel a jugé que la responsabilité civile de Michel X... était couverte par " le contrat d'assurance de responsabilité automobile souscrit par la société Morisson " ; qu'en condamnant néanmoins Les Mutuelles du Mans Assurances Iard , assureur de la société Allo Bernard Ricou Taxi à garantir Michel X... des condamnations mises à sa charge, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation des textes susvisés" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Allo Bernard Ricou Taxi , assurée auprès des Mutuelles du Mans Assurances (MMA), a, par des dispositions non critiquées de cette décision, été définitivement condamnée à réparer les conséquences civiles d'un accident de la circulation dont son préposé Michel X... , reconnu coupable d'homicides involontaires, a été déclaré entièrement responsable ;
que l'assureur a soulevé une exception de non-garantie fondée sur l'article 6 des conditions spéciales du contrat souscrit par la société assurée ;
Attendu que, pour déclarer les MMA tenues à garantie, l'arrêt relève que le véhicule impliqué, conduit par Michel X... , avait été mis à la disposition de la société Allo Bernard Ricou taxi, en vertu d'un contrat de remplacement en cas de panne, par la société Garage Fraisse, assurée par la société Abeille Assurances , aux droits de laquelle était venue la société Aviva ; que les juges ajoutent que le véhicule avait été fourni au garage Fraisse par la société de location Déléage Morisson, assurée, selon Ies mentions de l'intitulé de l'arrêt, par la société Coveat Fleet venue aux droits des MMA ; qu'ils énoncent que la transmission à des utilisateurs différents n'a pas entraîné de modification de la situation du véhicule au regard de l'obligation d'assurance, qui était remplie au moment de l'accident grâce au contrat souscrit par la société Déléage Morisson auprès des MMA, et en concluent que cet assureur doit être tenu à garantir Michel X... des condamnations civiles qu'ils affirment avoir prononcées contre lui ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, par des énonciations empreintes de contradiction et sans répondre aux conclusions de la compagnie MMA soulevant une exception de non-garantie fondée sur une clause du contrat la liant à la société AIIo Bernard Ricou taxi, la cour d'appel, qui tenait de l'article 385-1 du Code de procédure pénale le seul pouvoir d'examiner le bien- fondé de cette exception, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen proposé ;
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 4 novembre 2004, en ses seules dispositions relatives à la garantie des assureurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement attaqué ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;