AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gurbet,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la LOIRE, en date du 9 décembre 2004, qui, pour assassinat, l'a condamné à 25 ans de réclusion criminelle en fixant aux deux tiers de cette peine la durée de la période de sûreté ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 242 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le procès-verbal de tirage au sort du jury et des débats mentionne que la Cour est "assistée de Annie Y..., greffier" ;
"alors que les fonctions du greffe de la cour d'assises sont exercées par le greffier en chef ou un greffier du tribunal de grande instance ; qu'en l'espèce il résulte des annuaires publiés (production) que Mme Y... ne figure pas parmi les greffiers en chef ni parmi les greffiers du tribunal de grande instance de Saint Etienne dans le ressort duquel la cour d'assises a siégé ; qu'en conséquence, la cour d'assises est irrégulièrement composée et l'arrêt est nul" ;
Attendu que la capacité du greffier étant présumée, le moyen est inopérant ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 331, 335, 337 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que Celim Z..., qui a été mis en examen au cours de l'instruction avant de bénéficier d'un non-lieu, a été entendu en qualité de témoin ;
"alors, d'une part, que l'audition sous serment d'une personne ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, et qui a intérêt à ce qu'aucune charge nouvelle n'apparaisse contre elle au cours des débats, porte nécessairement atteinte aux droits de la défense et au caractère équitable du procès ;
"alors, d'autre part, qu'il appartient au président de la cour d'assises d'avertir la cour d'assises que le témoin a été mis en examen avec l'accusé dans le cadre des poursuites avant de bénéficier d'un non-lieu" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations du procès-verbal des débats que Celim Z..., témoin régulièrement cité et signifié, a été entendu à l'audience du 6 décembre 2004 après avoir satisfait à toutes les prescriptions de l'article 331 du Code de procédure pénale et après avoir prêté le serment prévu par le troisième alinéa de cet article ;
qu'aucune observation n'a été formulée par les parties ;
Attendu qu'en cet état les griefs reproduits au moyen ne sont pas encourus ;
Qu'en effet tout témoin cité ou dénoncé est acquis aux débats et doit, à peine de nullité prêter, avant de déposer, le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ; qu'il ne peut être entendu sans prestation de serment, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président, que s'il se trouve dans l'un des cas d'empêchement ou d'incapacité prévus par la loi, ou si le ministère public et l'accusé ont renoncé à son audition ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche dès lors qu'aucun texte légal ou conventionnel n'oblige le président à aviser la Cour et les jurés de la décision de non-lieu intervenue dans la même affaire au bénéfice du témoin, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 331 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que les témoins Nacim Z... et Celim Z..., après avoir effectué une première déposition le 6 décembre 2004, ont été réentendus par la cour d'assises le 7 décembre après-midi sans avoir préalablement prêté serment (procès-verbal des débats, p. 12) ;
"alors d'une part, que les témoins doivent, avant de commencer leur déposition, prêter serment ;
"alors d'autre part, que cette formalité s'impose, nonobstant la prestation de serment lors d'une déposition antérieure, dès lors que l'audition litigieuse a lieu vingt-quatre heures après cette audition" ;
Attendu que le procès-verbal énonce que les témoins Celim et Nassim Z..., ayant été entendus à l'audience du 6 décembre 2004 après accomplissement des formalités de l'article 331 du Code de procédure pénale et avoir prêté le serment prévu par le 3ème alinéa de cet article, ont été invités à se représenter le lendemain 7 décembre pour être à nouveau entendus ; qu'à cette audience, ils ont été entendus sans prêter le serment prévu à l'article 331, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'en cet état, il a été régulièrement procédé ;
Qu'en effet, la loi n'exige pas que le témoin, qui a régulièrement prêté serment avant de déposer, renouvelle l'accomplissement de cette formalité chaque fois qu'au cours des débats il doit être entendu ou confronté ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-72, 221-3 du Code pénal, 349 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la Cour et le jury ont répondu par l'affirmative aux questions ainsi posées : " 1) Est-il constant que le 15 janvier 2001, à Villefranche sur Saône, Aïssa A... a été victime d'un meurtre ? ;
" 2 Le meurtre ci-dessus spécifié à la question n° 1 a-t-il été commis avec préméditation ? " 3 L'accusé Gurbet X... est-il coupable d'avoir commis le meurtre spécifié à la question n 3
"alors, d'une part, que la préméditation est une circonstance aggravante personnelle et doit en conséquence faire l'objet d'une question distincte de celle portant sur le fait principal ;
qu'en conséquence, la question n 3 par laquelle il est demandé si l'accusé a commis un meurtre avec préméditation est entachée de complexité et ne peut constituer le fondement légal de la condamnation ;
"alors, d'autre part, que la préméditation s'apprécie au regard de la personne de l'auteur de l'infraction et suppose que cet auteur ait été préalablement désigné ; qu'en l'espèce, il a été demandé par la question n 2 si le meurtre visé à la question n 1 a été commis avec préméditation sans que l'auteur de ce meurtre n'ait été préalablement désigné ; qu'en conséquence, la question n° 3, qui se borne à imputer un meurtre avec préméditation à l'accusé, sans demander si cette préméditation est constituée sur le chef de ce dernier, ne peut constituer le fondement légal de la condamnation du chef de meurtre aggravé par la préméditation" ;
Attendu que la Cour et le jury ont été interrogés, de façon abstraite et impersonnelle, par les questions n° 1 et n° 2 exactement reprises au moyen ;
Qu'après y avoir répondu affirmativement ils ont été interrogés par la question n° 3 sur la culpabilité de Gurbet X... pour avoir commis le meurtre spécifié à la question n° 1 et qualifié à la question n° 2 ; qu'ils y ont répondu par l'affirmative ;
Attendu qu'en cet état, Gurbet X... a été légalement reconnu coupable d'assassinat par la réponse à la question n° 3 qui se réfère au fait d'homicide volontaire défini par la question n° 1 et à la circonstance de préméditation aggravant ce crime qualifiée à la question n° 2 lesquelles ne sont applicables qu'à lui-seul ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 362 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la feuille des questions comporte la mention " par décision spéciale acquise à la majorité requise, porte aux 2/3 de la peine la période de sûreté" ;
"alors que la mention "majorité requise" sans précision au nombre de voix requis ni au texte applicable, ne permet pas de déterminer la majorité par laquelle la décision sur la période de sûreté a été adoptée en sorte que la condamnation prononcée n'a pas de base légale" ;
Attendu qu'il résulte de la feuille de questions que la Cour et le jury réunis, après en avoir délibéré dans les conditions prévues par l'article 362 du Code de procédure pénale et voté à la majorité requise par ce texte, condamnent Gurbet X... à la peine de 25 ans de réclusion criminelle et qu'en outre, par décision spéciale acquise à la majorité requise, portent aux deux tiers de cette peine la durée de la période de sûreté ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la période de sûreté a été prononcée à la majorité absolue requise, dès lors que seul le maximum de la peine privative de liberté doit être prononcé à la majorité qualifiée prévue par l'article 362 du Code de procédure pénale, toutes les autres peines devant être prononcées à la majorité absolue ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Corneloup conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;