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04/01/2006 | FRANCE | N°04-20136

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 janvier 2006, 04-20136


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 20 octobre 2004), que, s'estimant créancier d'un solde d'honoraires de 176 906,67 euros au titre de diligences accomplies au profit de la société coopérative de caution mutuelle Somera (la société Somera) pour 45 dossiers de recouvrement de cautions que celle-ci lui avait confiés entre 1978 et 1986, M. X..., avocat, en a réclamé le paiement à M.

Y..., ès qualités de liquidateur amiable de la société, dissoute le 20 juin 20...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 20 octobre 2004), que, s'estimant créancier d'un solde d'honoraires de 176 906,67 euros au titre de diligences accomplies au profit de la société coopérative de caution mutuelle Somera (la société Somera) pour 45 dossiers de recouvrement de cautions que celle-ci lui avait confiés entre 1978 et 1986, M. X..., avocat, en a réclamé le paiement à M. Y..., ès qualités de liquidateur amiable de la société, dissoute le 20 juin 2001, et, devant son refus, a saisi le 9 février 2004 d'une demande de taxation le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris ;

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'il appartient au défendeur de rapporter la preuve des faits qu'il invoque à titre d'exception ; que pour faire droit à la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai de prescription, la cour d'appel a relevé que "pour les 35 dossiers visés par la société Somera dans ses conclusions, il incombe à M. X... de justifier de diligences postérieures au 9 février 2004" ; qu'en statuant de la sorte le premier président a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;

2 / que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans ; qu'en déclarant que la société Somera étant une société commerciale, celle-ci était fondée à soulever la prescription décennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce sans rechercher si les obligations litigieuses étaient nées entre les parties à l'occasion de leur commerce, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-4 du Code de commerce ;

3 / que les honoraires de l'avocat sont fixés, à défaut de convention, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences accomplies ; qu'en se fondant sur le fait que M. X... n'avait pas établi de facturation au fur et à mesure de l'exécution de ses prestations ni établi de facture récapitulative, le premier président a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne prévoit pas, en violation de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Mais attendu que, selon l'article L. 110-4 du Code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que ce texte, qui ne fait pas de distinction entre le caractère civil ou commercial des obligations qu'il vise, s'applique à la dette d'honoraires d'une société commerciale découlant des prestations d'un avocat exécutées pour son compte ;

Et attendu que l'ordonnance retient que la société Somera oppose en premier lieu la prescription décennale édictée par l'article L. 110-4 du Code de commerce ; que M. X... réplique que la prescription en matière d'honoraires d'avocat est de trente ans ; mais qu'il n'est pas contesté que la société Somera est une société commerciale ;

qu'elle est donc fondée à soulever la prescription de toutes demandes de M. X... correspondant à des prestations fournies depuis plus de dix ans avant le 9 février 2004, date de la saisine du bâtonnier ; qu'en conséquence, pour les 35 dossiers visés par la société Somera dans ses conclusions, il incombe à M. X... de justifier de diligences postérieures au 9 février 1994 pour lesquelles il n'aurait pas reçu rémunération suffisante ; que la société Somera soutient encore que M. X... ne justifie pas que les diligences dont il réclame le paiement n'ont pas déjà été rémunérées par les sommes que la société Somera a versées à titre de provision ou d'honoraire définitif ; que M. X... indique verser aux débats des comptes détaillés établis dans chacun des dossiers, contenant le rappel des diligences, les provisions reçues et le solde d'honoraires restant dû ; qu'il précise produire les procédures relatives à trois dossiers pour illustrer leurs difficultés et déclare être en mesure de verser aux débats l'ensemble des dossiers si la société Somera les réclamait, ce qu'elle ne fait pas ; que pour le premier dossier, il ressort des éléments produits que les prestations ont été accomplies depuis 1982 jusqu'au 28 janvier 1987, la demande étant ainsi prescrite, que pour le second dossier, il ressort des éléments produits que M. X... a perçu un total d'honoraires de 42 000 francs en sept versements échelonnés, le dernier le 23 octobre 1995, et qu'au vu de ces règlements, il ne justifie pas de prestations qui lui resteraient dues pour la période non couverte par la prescription, que pour le troisième dossier, il ressort des éléments produits que les prestations ont été exécutées depuis 1985 jusqu'en septembre 1988, et que la demande est ainsi prescrite ; que pour tous les autres dossiers, M. X... ne verse aux débats que la liste de ses prestations, sans pièces justificatives ; que de surcroît, pour deux d'entre eux, la société Somera invoque deux factures acquittées qui ont soldé définitivement le montant des honoraires ; que M. X..., qui supporte la charge de la preuve, ne justifie donc pas que des soldes d'honoraires lui resteraient dus par la société Somera ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, d'où il résultait que les prestations alléguées par M. X... avaient été fournies au profit de la société Somera pour les besoins de l'activité commerciale de celle-ci, le premier président a exactement décidé, sans inverser la charge de la preuve, que la prescription décennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce était opposable à la demande de taxation d'honoraires au titre des dossiers produits par M. X..., et, exerçant son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu retenir que M. X... ne démontrait pas l'existence de diligences justifiant, pour la période non couverte par la prescription, les soldes d'honoraires réclamés ;

D'où il suit que le moyen, qui en sa troisième branche critique un motif erroné mais surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la société Somera et à M. Y..., ès qualités, la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 04-20136
Date de la décision : 04/01/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription décennale - Article L. 110-4 I du code de commerce - Domaine d'application - Dette d'honoraires d'une société commerciale découlant des prestations d'un avocat exécutées pour son compte.

AVOCAT - Honoraires - Recouvrement - Action en paiement - Prescription - Prescription décennale - Domaine d'application - Prestations exécutées pour le compte d'une société commerciale

L'article L. 110-4 du code de commerce, selon lequel les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, ne fait pas de distinction entre le caractère civil ou commercial des obligations qu'il vise. Il s'applique donc à la dette d'honoraires d'une société commerciale découlant des prestations d'un avocat exécutées pour son compte.


Références :

Code de commerce L110-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (premier président), 20 octobre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 jan. 2006, pourvoi n°04-20136, Bull. civ. 2006 II N° 6 p. 6
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 II N° 6 p. 6

Composition du Tribunal
Président : M. Dintilhac.
Avocat général : M. Domingo.
Rapporteur ?: M. Bizot.
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.20136
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