AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la demande de mise hors de cause :
Met les époux X... hors de cause sur le second moyen ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont contracté auprès de la société d'assurances La Comtoise (l'assureur), par l'intermédiaire de son agent général, M. Y..., une assurance multirisques habitation pour leur résidence principale ; qu'à la suite de l'incendie ayant détruit leur immeuble, et au vu d'une expertise révélant que la superficie réelle des lieux était supérieure à celle indiquée au contrat, l'assureur, en application de l'article L. 113-9 du Code des assurances, a réglé à M. et Mme X... une somme de 77 816,08 euros au lieu de celle de 212 662,72 euros due si le risque avait été exactement déclaré ; que M. et Mme X... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance l'assureur et M. Y... en paiement de la somme de 134 846, 64 euros, représentant la différence entre les deux sommes précitées, en faisant valoir que la règle proportionnelle leur avait été appliquée à tort, la déclaration inexacte ayant été le fait de l'agent général dont la faute devait engager son mandant ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande de M. et Mme X..., alors, selon le moyen :
1 / que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société d'assurance La Comtoise soutenait que l'erreur de mesurage incombait aux assurés, l'agent général n'étant pas tenu de vérifier leurs dires et n'invoquait la faute de l'agent qu'à titre subsidiaire ; que, pourtant, pour condamner la société La Comtoise à indemniser les époux X..., la cour d'appel a retenu qu'il n'aurait pas été contesté que la faute incombait à l'agent général dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'assureur et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la société d'assurance n'est responsable que de la faute commise par l'agent général que si ce dernier a agi dans ses fonctions de mandataire rémunéré, c'est-à-dire quand il met à la disposition du public sa compétence technique en vue de la recherche et de la souscription de contrats d'assurance pour le compte de la société qu'il représente ; qu'en l'espèce, la société La Comtoise soutenait que, pour commettre la faute litigieuse, consistant en un mesurage erroné de la surface d'habitation déclarée du fait de l'omission de toute une partie de la maison et de ses dépendances, M. Y... n'avait pas mis en oeuvre ses compétences techniques d'agent général d'assurance ; qu'en condamnant pourtant la société La Comtoise à indemniser les époux X... des conséquences de la faute de M. Y..., sans rechercher si le mesurage de la surface d'habitation relevait des compétences techniques d'un agent d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-1 du Code des assurances ;
Mais attendu qu'en rédigeant une proposition d'assurance destinée à la compagnie dont il est l'agent général, celui-ci agit dans l'exercice de ses fonctions de mandataire rémunéré de la compagnie, laquelle est responsable de la faute qu'il a commise en cette qualité ;
Et attendu que l'arrêt retient exactement que l'agent général a commis une faute engageant la responsabilité de son mandant en déclarant, au vu des mesures effectuées par ses soins, une surface développée de l'immeuble assuré inférieure à la réalité ;
D'où il suit que le moyen, qui en manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur la première branche du second moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de son recours en garantie contre M. Y..., alors, selon le moyen, que la réparation du préjudice doit être intégrale ; que la charge définitive d'un sinistre ne pèse sur l'assureur que dans la mesure où elle trouve sa cause dans le contrat d'assurance pour un risque accepté par lui ; qu'elle pèse sur l'agent général mandataire de l'assureur lorsque ce dernier ne s'est trouvé contraint d'assumer cette charge qu'en qualité de mandant civilement responsable des fautes de négligences ou d'imprudence de ce dernier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'agent général d'assurance avait commis une erreur en ce qui concerne les superficies mais limité le préjudice subi par la société d'assurances, à la différence entre la prime que les époux X... auraient dû payer au regard de la surface réelle et la prime effectivement payée ; qu'ainsi, la société d'assurances s'était trouvée contrainte, en application des dispositions de l'article L. 511-1 du Code des assurances, d'assurer la charge d'un sinistre qui ne correspondait à aucun contrat qui l'y obligeât ; qu'en limitant comme elle l'a fait le préjudice de la société d'assurances, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1992 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'erreur commise par l'agent général dans la rédaction du contrat en ce qui concerne les superficies n'avait privé son mandant que de l'encaissement d'un surcroît de prime si le risque lui avait été exactement déclaré ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit, dès lors qu'il n'était pas soutenu qu'en cette hypothèse le risque n'aurait pas été accepté, que le recours en garantie était limité à la différence des primes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la seconde branche du second moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu qu'après avoir retenu que le préjudice subi par l'assureur du fait de la faute de son mandataire devait être limité à la différence entre la prime que M. et Mme X... auraient dû payer au regard de la surface réelle de leur immeuble et celle effectivement payée, l'arrêt énonce qu'en l'absence de production des éléments chiffrés permettant de calculer son préjudice, la société La Comtoise ne peut qu'être déboutée de son appel en garantie formé contre M. Y... ;
Qu'en refusant ainsi d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société La Comtoise de sa demande au titre de la fixation du préjudice à elle causé par M. Y..., l'arrêt rendu le 6 avril 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société La Comtoise aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; condamne la société La Comtoise à payer aux époux X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille six.