AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gilles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 24 mars 2005, qui, pour violations d'une convention ou d'un accord collectif étendu sur le salaire et ses accessoires, l'a condamné à quatre amendes de 100 euros ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 11.07 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 étendue par arrêté ministériel du 31 octobre 1994, L. 153-1 et R. 153-2 du Code du travail, 111-3 et 111-4 du Code pénal, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la culpabilité de Gilles X... du chef de violation d'une convention ou d'un accord collectif étendu sur le salaire et les accessoires ainsi que sa condamnation au paiement de quatre amendes d'un montant de 100 euros chacune ;
"aux motifs que " la Cour relève que la convention collective de 81 comporte un article 11.02 intitulé indemnité d'ancienneté "une indemnité d'ancienneté est versée mensuellement aux ouvriers" ; que la nouvelle convention de 94 annule cet article en toutes ses dispositions et le remplace par une prime d'expérience article 11.07 ainsi rédigé : "la prime d'expérience se substitue à l'indemnité d'ancienneté fixée dans la précédente convention collective et s'applique aux salariés " ; qu'à l'évidence la lecture objective de ce nouvel article ne permet aucune interprétation restrictive ou extensive, que la prime concerne tous les salariés de l'entreprise sans exception, qu'ils soient ouvriers ou non puisque les cadres et les agents de maîtrise, chef d'exploitation, employés n'ont pas été expressément visés et exclus par ce nouveau texte " ;
"alors, d'une part, que le juge pénal ne peut prononcer une peine à raison d'un fait qualifié d'infraction qu'autant qu'il constate dans sa décision l'existence des circonstances exigées par la loi pour le réprimer ; que l'article R. 153-2 du Code du travail réprime le fait de payer des salaires inférieurs à ceux qui sont fixés par la convention collective ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitaient les conclusions du demandeur, si les salaires versés à Jean-Marc Y..., Jean-Charles Z..., Philippe A... et à Nadia A... n'étaient pas supérieurs à ceux prévus par la convention collective nationale étendue des entreprises de propreté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 111-4 du Code pénal, la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 11.07 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 étendue par arrêté ministériel du 31 octobre 1994 stipule dans son alinéa 1er que "la prime d'expérience se substitue à l'indemnité d'ancienneté fixée dans la précédente convention collective" ; que la précédente convention collective ainsi visée date du 17 décembre 1981 et prévoit en son article 11.02 relatif à l'indemnité d'ancienneté qu'" une indemnité d'ancienneté est versée mensuellement aux ouvriers " ; qu'en déduisant des termes dudit article que la prime d'expérience concernait " tous les salariés de l'entreprise sans exception, qu'ils soient ouvriers ou non ", la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;
"alors, subsidiairement, qu'il se déduit des dispositions des articles 7 de la Convention des droits de l'homme et 111-3 du Code pénal qu'un texte assorti de sanctions pénales doit définir une obligation claire et accessible ; que l'article 11.07 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté propose une interprétation incertaine et aléatoire, comme l'établit la lecture divergente opérée par le demandeur et l'inspection du travail ;
qu'ainsi l'article 11.07 de ladite convention collective ne répond pas aux exigences posées par le principe de légalité ; qu'en se fondant sur ce texte pour condamner le demandeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu que Gilles X..., directeur général de la société GSF Saturne, entreprise de nettoyage industriel, est poursuivi pour avoir payé à quatre salariés des salaires inférieurs à ceux fixés par la convention collective nationale du 1er juillet 1994, ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension, en refusant notamment d'allouer à ceux-ci la prime d'expérience prévue par l'article 11.07 de l'accord ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu qui soutenait que la prime d'expérience s'étant substituée à la prime d'ancienneté prévue, en faveur des seuls ouvriers, par la précédente convention collective du 17 décembre 1981, il n'était pas tenu de la verser à des salariés relevant d'une autre catégorie, l'arrêt attaqué retient que ladite prime concerne " tous les salariés de l'entreprise sans exception " ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
Qu'en effet, si l'article 11.07 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté prévoit que la prime d'expérience se substitue à l'ancienne indemnité d'ancienneté fixée par la précédente Convention collective du personnel de nettoyage de locaux, elle ne limite pas pour autant, comme précédemment, son versement aux ouvriers, catégorie professionnelle qui n'existe plus dans la classification des emplois ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;