AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle VIER, BARTHELEMY et MATUCHANSKY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Georges,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 6 décembre 2004, qui, pour entrave au fonctionnement régulier du comité d'établissement, l'a condamné à 1 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 431-6, L. 435-1, L. 435-2, L. 483-1, L. 933-3 dans sa rédaction alors applicable, L. 934-4, R. 432-1 et D. 932-1 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, 5 et 1134 du Code civil, 117 et 121 du nouveau Code de procédure civile, 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit Georges X... coupable du délit d'entrave et, en répression, l'a condamné à une amende de 1 000 euros et, sur l'action civile, à 1 000 euros de dommages-intérêts ;
"aux motifs qu'il résulte de la lecture des documents produits et du procès-verbal de la réunion du 27 septembre 2001 que ne figurent pas dans les documents communiqués les informations relatives aux conditions d'organisation des actions de formation et aux conditions financières de leur exécution, informations dont la communication est prévue par l'article D. 932-1 du Code du travail ;
que par ailleurs, selon les écritures du prévenu et l'attestation qu'il a produite, établie le 15 octobre 2002 par Anne-Marie Y..., cadre administratif du CCF de Nice, les documents litigieux auraient été communiqués aux membres du comité d'établissement le 14 septembre 2001, soit seulement 13 jours avant la réunion, alors qu'aux termes de l'article L. 933-3 du Code du travail devenu l'article 934-4 du même Code, ils auraient dû l'être trois semaines au moins avant la réunion du comité, délai prévu par la loi "afin de permettre aux membres dudit comité de participer à l'élaboration de ce plan et de préparer les délibérations dont il fait l'objet"; que si le prévenu invoque, pour expliquer ce retard, "une erreur matérielle locale", il ne justifie aucunement d'une telle "erreur" qui l'aurait empêché de communiquer les documents prévus par les textes dans les délais légaux ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le prévenu, directeur du groupe CCF de Nice, a, volontairement, en violation des dispositions des articles L. 933-3 du Code du travail devenu l'article L. 934-4 du même code, et D. 932-1 du Code du travail, communiqué aux membres du comité d'établissement des documents incomplets moins de trois semaines avant la date de la réunion spécifique de consultation de ce comité sur le plan de formation du personnel de l'entreprise de l'année précédente et sur le projet de plan pour l'année à venir ; que ces faits sont constitutifs du délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise, prévu et réprimé par l'article L. 483-1 du Code du travail, dont il y a lieu de déclarer le prévenu coupable ; qu'eu égard aux circonstances de la cause et aux renseignements recueillis par le prévenu, la Cour estime équitable de le condamner à une amende de 1 000 euros ; qu'il y a lieu de recevoir le comité d'établissement de Nice du CCF, personnellement et directement victime de ce délit d'entrave, en sa constitution de partie civile ; que la Cour dispose des éléments d'appréciation pour fixer à 1 000 euros le montant du préjudice subi par la partie civile à la suite de ces faits et à 1 000 euros le montant des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;
"alors que, d'une part, le comité d'entreprise ne peut valablement agir en justice que si la personne qui le représente a été expressément mandatée à cet effet dans des termes clairs et précis ;
qu'en retenant Georges X... dans les liens de la prévention du délit d'entrave sur la base d'un mandat d'agir en justice délivré par le comité d'entreprise en des termes visant de façon imprécise "pour toutes les raisons qui viennent d'être évoquées (manque de transparence, modifications à l'insu du CE, différences entre réalisations et prévisions pour 2000 etc, etc), Michel Z... demande que le CE lui donne mandat afin d'interpeller l'inspecteur du travail et engager une action en justice contre le président du comité d'établissement pour délit d'entrave", la chambre des appels correctionnels a méconnu les textes visés au moyen ;
"alors que, d'autre part, si le comité d'entreprise doit disposer d'un délai minimum de trois semaines pour étudier les documents d'information qui lui sont adressés afin qu'il donne son avis annuellement sur l'exécution du plan de formation dans l'entreprise, ce délai étant dicté dans le seul intérêt des membres du comité d'entreprise, ces derniers peuvent y renoncer valablement ;
que se référant aux procès verbaux des réunions du comité d'entreprise en date des 18 et 27 septembre 2001, Georges X... soulignait, sans être contredit de ce chef, que si ses membres avaient regretté le caractère tardif de la communication des documents, ils n'avaient demandé aucun report et avaient expressément accepté de débattre sur leur portée ; qu'en retenant, pour déclarer Georges X... coupable du délit d'entrave, que les documents d'information ont été communiqués avec retard sans rechercher si les membres du comité d'établissement n'avaient pas renoncé à s'en prévaloir, la chambre des appels correctionnels a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;
"alors que, de troisième part, les juges, tenus de statuer dans les limites des conclusions des parties, ne peuvent modifier d'office ni la cause ni l'objet des demandes qui leur sont soumises ;
que la chambre des appels correctionnels a exactement relevé que le comité d'établissement du CCF de Nice a cité Georges X... à comparaître en se prévalant de ce qu'il n'aurait fourni "qu'une documentation incomplète, sans aucune information sur les organismes de formation, hormis une dénomination parfois erronée, de la nature des formations, hormis leurs intitulés, sans la déclaration relative à la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle" (point 2 de la citation) ; qu'en relevant, pour entrer en voie de condamnation, des éléments étrangers à cette citation et aux conclusions d'appel du comité d'établissement du CCF de Nice, tirés de ce que des informations relatives aux conditions d'organisation des actions de formation et aux conditions financières de leur exécution n'ont pas été communiquées, la chambre des appels correctionnels a excédé ses pouvoirs ;
"alors, enfin, que l'envoi au comité d'entreprise de documents d'informations incomplets ne constitue pas un refus de communication ; qu'en relevant, pour déclarer Georges X... coupable du délit d'entrave, que les documents adressés au comité d'entreprise étaient incomplets cependant qu'elle a constaté que les membres du comité d'entreprise ont débattu sur leur portée dès la première réunion du 18 septembre 2001 sans demander de report ni même se plaindre de leur incomplétude, la chambre des appels correctionnels, qui n'a ce faisant nullement caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction, a privé sa décision de toute base légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le comité d'établissement du Crédit Commercial de France à Nice a, sur le fondement de l'article L. 483-1 du Code du travail, fait citer Georges X..., dirigeant de groupe et président du comité, à comparaître devant la juridiction répressive, en lui reprochant d'avoir enfreint les dispositions du Code du travail permettant de consulter cet organisme, au cours de deux réunions spécifiques, sur le plan de formation du personnel de l'entreprise ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré le comité d'établissement partiellement recevable à agir, l'arrêt retient qu'il ressort du procès-verbal de la première réunion de consultation du comité, en date du 27 septembre 2001, qu'à l'issue de cette réunion, un mandat d'ester en justice du chef d'entrave a été régulièrement donné à l'unanimité au secrétaire du comité, et qu'en conséquence, l'action civile a été régulièrement engagée pour les seuls faits antérieurs à cette date ;
que prononçant ensuite au fond, après avoir rappelé que, selon les dispositions de l'article L. 933-3 du Code du travail, applicables à la date des faits et intégralement reprises par l'article L. 934-4 du même Code, le comité d'entreprise ou d'établissement doit donner, tous les ans, son avis sur l'exécution du plan de formation du personnel de l'entreprise de l'année précédente et sur le projet de plan de l'année à venir, et qu'afin de permettre cette consultation, le chef d'entreprise est tenu de communiquer au comité, trois semaines au moins avant les réunions, les documents d'information dont la liste est donnée par l'article D. 932-1 dudit Code, les juges du second degré, pour infirmer sur ce point le jugement entrepris, dire la prévention établie et allouer des réparations à la partie civile, relèvent que Georges X... a volontairement et sans respecter le délai de trois semaines au moins avant la date de réunion de consultation du comité d'établissement, communiqué aux membres de cet organisme des documents ne comportant pas d'informations relatives aux conditions d'organisation des actions de formation et aux conditions financières de leur exécution, en méconnaissance des prescriptions de l'article D. 932-1 susvisé ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, les griefs allégués au moyen ne sont pas encourus ;
Que, d'une part, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que, s'agissant des faits antérieurs au 27 septembre 2001, l'action civile était régulièrement engagée compte tenu de la délibération spéciale prise dans les formes de l'article L. 434-3 du Code du travail et mandatant le secrétaire du comité d'établissement pour agir en justice ;
Que, d'autre part, les juges ont exactement décidé que le délit d'entrave, dans les termes visés par la citation pour les faits en cause, était constitué en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, du fait du refus volontaire de communication aux membres du comité d'établissement des documents visés par l'article D. 932-1 du Code du travail dans les délais requis, peu important à cet égard que la commission préparatoire aux travaux du comité instituée par l'article L. 434-7, alinéa 4, dudit Code ait, pour sa part, préalablement accepté la communication, dans des délais moindres, de certaines des pièces nécessaires à la préparation des délibérations ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;