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14/12/2005 | FRANCE | N°05-83599

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 décembre 2005, 05-83599


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze décembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Charles,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 11 mai 2005, qui, sur renvoi après ca

ssation, l'a condamné, pour abus de confiance, à 2 ans d'emprisonnement, dont 1 an avec ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze décembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Charles,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 11 mai 2005, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné, pour abus de confiance, à 2 ans d'emprisonnement, dont 1 an avec sursis et mise à l'épreuve, 150 000 euros d'amende et 5 ans d'interdiction de certains droits civiques, civils et de famille ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 410, 410-1, 412, 552, 553, 562 et 593 du Code de procédure pénale, 6-3-b) de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de renvoi et a jugé Charles X... contradictoirement, la cour d'appel s'étant estimée valablement saisie par la citation effectuée au domicile professionnel de Charles X... à Paris ;

"aux motifs que Charles X... a été cité à domicile le 7 janvier 2005, à la personne d'une secrétaire qui a accepté de recevoir le pli contenant la copie de l'acte de citation mais a refusé de signer l'original ; que, par lettre adressée par fax à la Cour le 22 février 2005, Charles X..., qui dit ne pas en avoir eu personnellement connaissance, admet que ses avocats en ont été avisés ; que, par la même lettre datée du 22 février 2005, Charles X... demande le renvoi de l'affaire, en exposant qu'il est actuellement au Togo, qu'il tient à être entendu par la Cour et à ne pas être jugé en son absence ; que Charles X... cherche par ce moyen, à retarder le plus possible la date de son jugement ; que la demande de renvoi est non fondée et est rejetée ;

"alors, d'une part, que toute personne résidant à l'étranger doit être citée à comparaître devant les tribunaux français selon les formes prévues à l'article 562 du Code de procédure pénale, et dispose d'un délai au moins égal à celui fixé par l'article 552, dernier alinéa, soit deux mois et dix jours, entre la citation et le jour fixé pour l'audience ; qu'en l'espèce, il résultait de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Charles X... était domicilié au Togo à la date de la citation du 7 janvier 2005, ayant été détaché auprès du ministère de l'Enseignement togolais à compter de septembre 2003 pour une durée de trois ans ; qu'il a néanmoins été cité à comparaître devant la Cour à son adresse professionnelle à Paris, et non à parquet ; qu'en l'état du non-respect des diverses prescriptions relatives à la citation des prévenus domiciliés à l'étranger et, notamment, du délai de distance de deux mois et dix jours au moins, accordé à tout résident à l'étranger avant l'audience, et non d'un mois et demi seulement comme en l'espèce, la cour d'appel devait renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour permettre au prévenu d'organiser sa défense, et ne pouvait, en tout cas, juger Charles X... contradictoirement au seul motif qu'il a effectivement eu connaissance de la citation à comparaître à l'audience ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé les textes susvisés et les droits à la défense ;

"alors, d'autre part, que, précisément, Charles X... avait saisi la cour d'appel d'une demande de renvoi, par télécopie en date du 22 février 2005, relayée par la demande faite par son avocat in limine litis, indiquant qu'il n'avait pas eu personnellement connaissance de la citation délivrée à Paris, puisqu'il résidait à l'étranger, au Togo, et que tout déplacement lui est extrêmement pénible en raison de son état de santé ; que la cour d'appel ne pouvait donc, sans s'expliquer sur ce point, considérer que Charles X... avait été valablement cité "à domicile" à Paris, le 7 janvier 2005, rien ne permettant, d'ailleurs, de considérer comme régulièrement effectuée une citation délivrée au domicile professionnel en France d'une personne résidant à l'étranger ; qu'en refusant de tenir compte des éléments de fait qui lui étaient soumis, notamment de la résidence à l'étranger de Charles X..., et d'en tirer toutes conséquences, la cour d'appel n'a pu justifier légalement sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, cité à domicile le 7 janvier 2005 pour l'audience du 24 février 2005, Charles X... a, par fax du 22 février 2005, demandé à la cour d'appel de renvoyer l'affaire en exposant qu'il se trouvait au Togo et en produisant un certificat médical ; qu'après avoir constaté que les avocats du prévenu n'avaient pas contesté que leur client avait "eu effectivement connaissance de la citation dans les délais prévus par la loi", les juges ont statué par décision contradictoire à signifier ;

Attendu qu'il se déduit de ces énonciations et de l'examen des pièces de procédure que, contrairement à ce qui est allégué, le prévenu ne résidait pas à l'étranger lorsque lui a été régulièrement délivrée la citation, dont il a eu connaissance ;

D'où il suit que le moyen sera écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 et 3)b et c) de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 410, 410-1, 411, 412, 557, 558, 560 du même Code ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir rejeté l'excuse invoquée par Charles X... pour solliciter le renvoi de l'affaire aux fins de permettre sa comparution personnelle, a jugé Charles X... contradictoirement ;

"aux motifs que "le certificat médical produit à l'appui de sa demande de renvoi énonce que Charles X... est durement éprouvé par le décès de son épouse, que son état actuel de santé ne lui permet pas d'exercer des activités régulières ni des débats prolongés ( ) ; que ce document ( ) ne constate pas un état pathologique l'empêchant personnellement de se déplacer et de comparaître devant la Cour ( ) ; que la demande de renvoi est non fondée et est rejetée ; que, les avocats de Charles X... s'étant retirés, il sera statué par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de Charles X... ;

"et aux motifs que " le prévenu, qui ne comparaît pas et n'est pas représenté, n'a pas fait connaître ses moyens de défense " ;

"alors, d'une part, qu'en matière pénale la clôture ne résulte que du prononcé de la décision ; que si les juges apprécient souverainement les causes de renvoi invoquées, ils sont tenus de statuer, par des motifs suffisants, sur la demande de renvoi dont ils sont saisis, et doivent notamment se prononcer sur l'excuse fournie par le prévenu et parvenue à la connaissance des juges pendant le délibéré, avant le prononcé de la décision ; qu'en la cause, outre la lettre du 22 février 2005 adressée par Charles X... au président de la cour d'appel et le certificat médical joint, sur lesquels seulement la Cour s'est expliquée, Charles X..., qui n'a pas été représenté lors de la discussion au fond et n'a donc pu faire valoir ses moyens de défense, a, à nouveau, fait parvenir au président de la cour d'appel, en cours de délibéré, le 15 mars 2005, un courrier justifiant de sa non-comparution, auquel était joint un certificat médical daté du 10 mars 2005 attestant d'un trouble pathologique d'hypertension artérielle sévère (" HTA sévère ") dont il souffrait, lui interdisant tout déplacement ; puis, le 8 mai 2005, l'avocat de Charles X... a encore fait parvenir à la Cour un certificat médical en date du 2 mai 2005, émanant d'un troisième médecin, attestant d'un " syndrome dépressif sévère " ne permettant pas au prévenu de comparaître dans des conditions normales devant une juridiction pénale et d'être en état de se défendre ; qu'en se bornant, ainsi, à considérer que le premier certificat médical produit, dont seul la Cour analyse les termes, ne constatait pas un " état pathologique " empêchant Charles X... de se déplacer, sans s'expliquer sur les différents certificats ultérieurement produits à l'appui et en complément de la demande de renvoi initiale, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et n'a pu justifier sa décision ;

"alors, d'autre part, que le droit à un procès équitable et le droit de tout accusé à l'assistance d'un défenseur s'opposent à ce qu'une juridiction juge contradictoirement un prévenu non comparant, dont l'excuse n'a pas été reconnue valable et qui n'a pas été représenté lors des débats au fond ; qu'en effet, en l'absence du prévenu non excusé et faute qu'ait été justifié qu'il ait eu connaissance d'une citation régulière le concernant dans les conditions prévues par les articles 557, 558 et 560 du Code de procédure pénale, visés par l'article 410 du même Code, seule la présence, à l'audience où a été abordée le fond, d'un avocat ayant reçu mandat exprès de représenter le prévenu lors des débats au fond pouvait avoir pour effet de conférer à l'arrêt un caractère contradictoire ; qu'ainsi l'arrêt, qui constatait que le prévenu, non représenté, n'a pas fait connaître ses moyens de défense, ne pouvait le juger contradictoirement au fond, sans viser les textes et les principes susvisés" ;

Sur le moyen pris en sa première branche ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'ayant statué sur la demande de renvoi, après débat contradictoire, la cour d'appel, qui a examiné la valeur de l'excuse médicale pour l'écarter, n'était pas tenue de prononcer sur les deux certificats produits en cours de délibéré ;

Sur le moyen pris en sa seconde branche ;

Attendu qu'en statuant par arrêt contradictoire à signifier, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 410, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405, 406, 408 du Code pénal ancien et 42 du même Code, 314-1, 314-10 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir relaxé Charles X... des faits d'usage de faux, a condamné le prévenu à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis à hauteur d'un an sous le régime de la mise à l'épreuve pendant trois ans, à une amende de 150 000 euros, et à l'interdiction pendant cinq ans de certains droits civils, civiques et de famille ;

"aux motifs que, "eu égard à la relaxe ci-dessus prononcée, il résulte des dispositions de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 7 janvier 2003, qui n'ont pas été cassées par l'arrêt de la Cour de cassation du 6 octobre 2004 et qui sont devenues définitives, que Charles X..., renvoyé par ordonnance du juge d'instruction sous seize chefs de prévention, a été déclaré coupable de neuf délits d'abus de confiance, après les relaxes totales ou partielles prononcées par le tribunal correctionnel et la cour d'appel ; ( ) que les faits commis par Charles X... sont par leur nature et leur multiplicité d'une particulière gravité ;

que Charles X..., juriste de renom ayant la qualité de président de l'université et de doyen de la faculté d'Aix-en-Provence, jouissait de la confiance absolue de Victor Y... ( ) ; qu'il a abusé de cette confiance ( ) ; qu'un tel comportement justifie le prononcé d'une peine de deux ans d'emprisonnement qui, compte tenu de l'absence d'antécédents judiciaires du prévenu, sera pour moitié assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans avec l'obligation d'indemniser les victimes et d'une amende de 150 000 euros ; qu'il sera en outre prononcé à l'encontre de Charles X... l'interdiction pendant cinq ans des droits civiques, civils et de famille suivants ( ) " ;

"alors que, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a considéré que, " sous l'empire de l'ancien Code pénal applicable lors des faits retenus à l'encontre de Charles X..., l'abus de confiance était passible d'une peine d'emprisonnement de deux mois au moins et de deux ans au plus et d'une amende de 3 600 francs au moins et de 2 500 000 francs au plus, ainsi que de l'interdiction de certains droits" ; qu'en prononçant cumulativement, sur ce fondement, une peine d'emprisonnement, d'amende et d'interdiction de certains droits à titre principal, comme une peine prévue par l'ancien Code pénal pour réprimer l'abus de confiance, lors même que l'interdiction de certains droits n'était, et n'est toujours, qu'une peine complémentaire facultative, et non point une peine légalement obligatoire encourue au titre de l'abus de confiance, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés" ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, l'arrêt ne mentionne pas que l'interdiction des droits civiques, civils et de famille constitue une peine complémentaire obligatoire ;

Qu'ainsi le moyen manque en fait ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, du principe de l'indivisibilité entre la déclaration de culpabilité et les réparations civiles, de l'article 609 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

"en ce que l'arrêt, qui relaxait Charles X... du chef d'usage de faux, n'a pas retranché les condamnations civiles qui en étaient la suite et la conséquence ;

"alors que la cassation des dispositions pénales ayant nécessairement entraîné de plein droit l'annulation corrélative des dispositions civiles qui en découlaient, en l'état du pourvoi formé contre l'arrêt cassé qui visait tant les dispositions pénales que les dispositions civiles, l'arrêt attaqué qui relaxait Charles X... du chef d'usage de faux, ayant fait l'objet de la cassation intervenue, aurait dû en tirer toutes conséquences quant aux condamnations civiles s'y rattachant par un lien de dépendance nécessaire, et réduire le montant des condamnations civiles auxquelles a été condamné Charles X... ; que, en ne déduisant pas les conséquences qui découlaient, sur le plan civil, de la relaxe prononcée au pénal, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés et excédé ses pouvoirs" ;

Attendu que le moyen, qui fait grief à la juridiction de renvoi d'avoir statué dans les limites de la cassation prononcée, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-83599
Date de la décision : 14/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, 11 mai 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 déc. 2005, pourvoi n°05-83599


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.83599
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