AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 octobre 2004) rendu sur renvoi après cassation (Civ 3, 22 janvier 2003, n° Q 01-13.173), que la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) de l'Ile-de-France a, après préemption, rétrocédé diverses parcelles à la Compagnie fermière Benjamin et Edmond X... sous la condition résolutoire, qui a été exécutée, que soit consenti un bail à long terme de dix-huit ans sur ces terres aux consorts Y... ; que la société Z... père et fils a demandé la nullité de la rétrocession se prévalant d'une priorité d'attribution sur le double fondement de la qualité d'agriculteur exproprié et de celle de jeune agriculteur ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Z... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande alors, selon le moyen :
1 / qu'aucune disposition réglementaire n'exclut la possibilité pour une SAFER de rétrocéder une exploitation à une personne morale dès lors qu'elle a la qualité d'agriculteur ; que cette qualité est reconnue au profit de toute personne physique ou morale exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles au sens de l'article L. 311-1 ; que, dès lors, en retenant, pour écarter la demande de la Société Z..., que cette dernière n'avait pas la qualité d'agriculteur, sans même rechercher si elle exerçait ou non, à titre professionnel et exclusif, une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du Code rural, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles R. 142-1 et L. 311-1 du Code rural ;
2 / que si elles réservent une priorité dans le choix du rétrocessionnaire au profit des agriculteurs expropriés, les dispositions réglementaires applicables en la cause ne font aucune distinction selon que les intéressés sont des personnes physiques ou des personnes morales ou selon la forme juridique qu'ils utilisent pour se regrouper ;
qu'en l'espèce, il n'a jamais été contesté que les époux Z... et leur fils Philippe avaient bien été expropriés ; que la circonstance qu'ils aient constitué entre eux une société en vue de mettre en valeur leur exploitation n'était pas de nature à leur interdire de faire état de leur qualité d'expropriés et partant de leur vocation à être "candidats prioritaires" en vue d'une rétrocession ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation de l'article R. 142-1 du Code rural ;
Mais attendu qu'ayant constaté par un motif non critiqué que la société Z... n'avait pas été expropriée, que l'expropriation ne concernait que les époux Z... et leur fils Philippe, la cour d'appel en a exactement déduit que la société ne pouvait revendiquer la priorité d'attribution prévue au premier alinéa de l'article R. 142-1 du Code rural dans sa rédaction applicable à la cause ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Z... Père et Fils aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Z... Père et Fils à payer à la SAFER de l'Ile de France et à la Compagnie fermière Benjamin et Edmond X..., chacune, la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille cinq.