AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize décembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Patrick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 10 mars 2005, qui, pour infraction à la législation sur les installations classées, l'a condamné à 2 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-4 et 121-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir exploité une installation classée pour la protection de l'environnement, en l'espèce une carrière, sans autorisation préfectorale et en dehors du champ d'application des arrêtés du préfet des Pyrénées-Orientales, en date des 1er décembre 1983 et 14 septembre 1993, portant sur une superficie de 50 000 m2 ;
"aux motifs que "il est prouvé par un procès-verbal du 14 juin 2002 d'un inspecteur des installations classées du département des Pyrénées-Orientales qu'à Calce, au lieu-dit "Barrens", parcelle n° 197, sur le site de la carrière à ciel ouvert exploitée par la SA Guintoli, représentée par Patrick X..., président directeur général, des travaux d'extraction avaient été entrepris en dehors de l'emprise de cinq hectares autorisée par l'arrêté préfectoral du 14 septembre 1993 ; que cette activité extractive, en dehors des limites autorisées, constitue une extension de la carrière et relève du régime de l'autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, rubrique 2510-1-a, de la nomenclature (D 27) ; que ce fait constitue une infraction à l'article 18 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, devenu l'article L. 514-9 du Code de l'environnement ; que le contrat d'entreprise conclu le 30 juin 1997 entre la SA Guintoli et la SA (Valls) stipulait que cette dernière s'engageait à se conformer, pour la conduite de ses travaux, aux prescriptions des arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploitation successivement en vigueur sur le site et dont Guintoli est ou sera titulaire ; que Valls s'engageait, par ailleurs, simultanément à suivre les directives d'exploitation (orientation des fronts, programme d'avancement) qui lui seraient communiquées ; que la SA Guintoli, titulaire de l'autorisation initiale, avait seule demandé une autorisation d'extension ; qu'il ressort également des déclarations de l'ingénieur géologue Alain Y... que la SA Guintoli a donné son aval au sous-traitant Valls pour démarrer les travaux ; qu'il en résulte, d'une part, que la convention conclue entre la SA Guintoli
et la SA Valls, de pur droit privé, ne pouvait exonérer la société Guintoli de ses propres obligations envers l'Administration, et d'autre part, qu'il n'est pas établi ni même allégué que la SA Valls a entrepris d'étendre l'exploitation de sa propre initiative ; que, par ailleurs, l'existence d'une délégation ne se présume pas et doit être prouvée ; qu'en l'espèce, le prévenu invoque pour la première fois en cause d'appel une délégation dont il ne s'était pas prévalu devant le juge d'instruction et dont le prévenu délégataire n'avait pas non plus fait état ; que, de plus, la réalité d'une délégation de responsabilité en matière d'environnement ne peut se déduire du montant du salaire du salarié ou de sa classification dans les emplois de la convention collective ; qu'Alain Y... exerçait en qualité d'ingénieur géologue pour le compte de la SA Guintoli, et non pas en qualité d'ingénieur d'exploitation ; qu'aucun élément objectif prévu ne permet de constater la réalité de la délégation statutaire alléguée ; qu'enfin, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable ; qu'en l'espèce, le prévenu, chef d'entreprise spécialisée dans l'exploitation des carrières, savait qu'il ne disposait alors que d'un projet d'autorisation préfectorale qui ne pouvait tenir lieu d'autorisation ; qu'il s'ensuit que le jugement doit être infirmé et le prévenu retenu dans les liens de la prévention ; que la peine de deux mille euros d'amende est proportionnée à la gravité des faits et appropriée à la personnalité du prévenu, dont le casier judiciaire ne mentionne pas d'autre condamnation ; qu'il ressort en effet d'une lettre du 18 février 2002 du préfet des Pyrénées- Orientales que les terrains hors emprise n'ont plus été exploités depuis le 14 juin 2000, la plate-forme supérieure modelée et que la remise en état définitive sera engagée si la nouvelle demande d'extension n'est pas accordée" ;
"alors que, les travaux litigieux ayant, selon les constatations mêmes de l'arrêt, été exécutés par la société Valls, la cour d'appel ne pouvait infirmer la décision de relaxe du tribunal et engager la responsabilité du prévenu sans caractériser qu'il aurait été l'auteur intellectuel de l'infraction incriminée ou, requalifiant au besoin les faits dont elle était saisie, qu'il aurait participé à la commission de cette infraction en tant que complice par provocation ou fourniture d'instructions" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Guintoli, dont Patrick X... est président du conseil d'administration, est propriétaire d'une carrière qu'elle exploite en vertu d'un arrêté d'autorisation du 14 septembre 1993 ; qu'en novembre 1999, elle a sollicité une autorisation d'extension de cette activité ; que le 14 juin 2000, alors que le préfet ne s'était pas encore prononcé sur cette demande, il a été constaté que les travaux d'extraction avaient commencé en dehors de l'emprise prévue par l'autorisation initiale ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'exploitation d'une installation classée sans autorisation, l'arrêt relève que la société Guintoli, titulaire de l'autorisation initiale, avait seule demandé une autorisation d'extension, que sa sous-traitante, la société Valls, qui réalisait les opérations matérielles d'extraction, s'était engagée à suivre les directives d'exploitation de sa cocontractante, en ce qui concernait notamment l'orientation des fronts et le programme d'avancement des travaux, et qu'il n'était d'ailleurs pas allégué que la société Valls ait entrepris d'étendre l'exploitation de sa propre initiative ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la qualité d'exploitante de la carrière appartenait à la société Guintoli, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à payer à titre de dommages-intérêts à l'association France nature environnement la somme de 1 000 euros ;
"aux motifs que, "la constitution de partie civile de Bernard Z..., qui habite à proximité du site du GFA Chateau de Jau, également voisin du site et de l'association France nature environnement, spécialement agréée par arrêté ministériel du 29 mai 1978, sont régulières en la forme et recevables ; que le trouble de voisinage, essentiellement visuel dont se prévaut Bernard Z... entraîne un préjudice certain qui doit être apprécié dans de plus justes proportions ; que la somme de 500 euros apparaît de nature à réparer l'intégralité de ce préjudice ; que la même somme est aussi de nature à réparer l'intégralité du préjudice du GFA Chateau de Jau, qui ne peut obtenir la réparation que du seul préjudice causé directement par l'infraction présentement poursuivie et non pas de celui qui peut être éventuellement occasionné par l'exploitation autorisée, et ne prouve pas qu'il a subi un préjudice économique plus important ; qu'enfin, le préjudice subi par l'association France nature environnement doit être apprécié à la somme de 1000 euros" ;
"alors que la juridiction répressive faisant droit à la demande d'indemnisation de la partie civile doit préciser à quel titre et pour quel dommage elle alloue une indemnité ; qu'en se bornant, pour condamner le prévenu à payer à l'association France nature environnement la somme de 1 000 euros, à relever que "le préjudice subi par l'association France nature environnement doit être apprécié à la somme de 1000 euros", sans préciser en quoi consisterait ce préjudice et à quel titre elle lui allouait une telle somme, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale" ;
Attendu qu'en évaluant comme elle l'a fait la réparation du préjudice subi par l'association France nature environnement, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;