AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept décembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle VIER, BARTHELEMY et MATUCHANSKY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Alice,
- X... Hervé,
- Y... Catherine, épouse X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 29 octobre 2004, qui a prononcé sur une requête en rectification d'erreur matérielle ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1351 du Code civil, 646, 710, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a ordonné la rectification de l'erreur matérielle prétendument contenue dans le jugement du tribunal de police du 27 mars 2003 et, en conséquence, a supprimé la mention "déclare Dominique de Z...
A... entièrement responsable des conséquences dommageables des faits survenus le 12 juin 2001" figurant dans le dispositif ;
"aux motifs propres qu'il n'est pas possible d'envisager quant à la rectification de l'erreur matérielle une solution différente de celle du tribunal ; qu'en effet, il n'est pas contesté qu'il a été donné acte aux parties civiles d'exercer toute action civile devant la juridiction civile compétente de sorte que le tribunal de police de Senlis n'avait pas à se prononcer sur le degré de responsabilité de Dominique de Z...
A... ;
"et aux motifs adoptés, qu'il est constant à la lecture tant des notes d'audience du greffier que des mentions apposées par le magistrat sur la côte du dossier que la mention litigieuse "déclarer Dominique de Z...
A... entièrement responsable des conséquences dommageables des faits survenus le 12 juin 2001" n'a pas été prononcée lorsque le jugement a été rendu oralement le jour même de l'audience au cours de laquelle ont eu lieu les débats ; que les parties n'ont pris connaissance de cette mention que plus tard au moment où leur a été adressé le jugement dactylographié ; qu'il y a lieu de rappeler que le tribunal de police s'est borné sur le plan civil à déclarer recevable la constitution de partie civile mais n'a pas été amené à se prononcer sur les intérêts civils, les victimes s'étant réservées d'agir ultérieurement en réparation de leur préjudice ; que la mention litigieuse ne correspond donc pas à une décision sur la responsabilité civile mais procède d'une erreur matérielle lors de la mise en forme du jugement ;
"alors que, d'une part, il n'appartient pas à une juridiction saisie en application de l'article 710 du Code de procédure pénale de modifier, sous couvert d'interprétation ou de rectification d'erreur matérielle, la chose jugée en restreignant ou en accroissant les droits consacrés par sa précédente décision ; que par un jugement du 27 mars 2003, le tribunal de police de Senlis, après avoir relevé qu'il résultait de l'enquête préliminaire et des débats que les faits étaient établis et étaient imputables à Dominique de Z...
A..., l'a condamné, sur l'action publique, à une peine d'amende de 700 euros pour conduite d'un véhicule à une vitesse excessive et, sur l'action civile, a reçu les consorts X... dans leur constitution de partie civile et les a renvoyés à exercer leur action civile devant la juridiction civile compétente ; qu'en ordonnant, en suite d'une requête en rectification d'erreur matérielle introduite par Dominique de Z...
A..., la suppression de la mention "déclare Dominique de Z...
A... entièrement responsable des conséquences dommageables des faits survenus le 12 juin 2001 " figurant dans le dispositif relatif à l'action civile du jugement susvisé, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte visé au moyen ;
"alors que, d'autre part, il n'appartient pas à une juridiction saisie d'une requête en rectification d'une erreur matérielle de modifier, sous couvert de rectification, l'imputation et l'étendue de la responsabilité civile ou pénale du prévenu telle qu'elles résultent de la minute du jugement ; que par un jugement du 27 mars 2003, le tribunal de police de Senlis a jugé qu'il résultait de l'enquête préliminaire et des débats que les faits étaient établis et étaient imputables à Dominique de Z...
A... ; qu'en relevant, pour ordonner la suppression du chef du dispositif "déclare Dominique de Z...
A... entièrement responsable des conséquences dommageables des faits survenus le 12 juin 2001 " du jugement du tribunal de police du 27 mars 2003 qu'il résulte des notes d'audiences et des mentions du dossier que cette mention n'a pas été envisagée lors du prononcé du jugement, la chambre des appels correctionnels a méconnu le sens et la portée du texte visé au moyen" ;
Vu l'article 710 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il n'appartient pas à une juridiction, saisie en application dudit article, de modifier, sous le couvert d'interprétation ou de rectification, la chose jugée en substituant à la décision initiale des dispositions nouvelles qui ne seraient pas la réparation d'erreurs matérielles ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par jugement du 27 mars 2003, devenu définitif, le tribunal de police de Senlis a condamné Dominique Z...
A... à 700 euros d'amende pour la contravention de défaut de maîtrise et l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu le 12 juin 2001 ; que le condamné a saisi le tribunal d'une requête en rectification d'erreur matérielle, exposant que cette dernière mention ne figurait pas dans le dispositif qui avait été lu à l'issue du délibéré ;
Attendu que, pour faire droit à la rectification demandée, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le dispositif d'un jugement fait foi jusqu'à inscription de faux et que son autorité ne peut être remise en cause par les notes d'audience et les mentions portées sur la cote du dossier, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 29 octobre 2004 ;
Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;