AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept décembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de Me X... et de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Y... Franck,
- Z... Mabadi,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la REUNION, en date du 8 décembre 2004, qui, pour violences mortelles en réunion, les a condamnés chacun à 20 ans de réclusion criminelle, à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour le second et à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour le premier, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires personnel et ampliatifs produits ;
Sur la recevabilité des pourvois formés par Franck Y... et Mabadi Z... contre l'arrêt civil ;
Attendu que la cour d'assises de la Réunion chargée de statuer en appel n'ayant pas rendu d'arrêt civil, lesdits pourvois ne sont pas recevables ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par Me X... pour Franck Y..., pris de la violation de l'article 316 du Code de procédure pénale, violation des exigences de la défense ;
"en ce qu'il ressort du procès-verbal des débats que les conclusions incidentes ont été déposées tendant à l'annulation du rapport d'expertise de Mme A... établi le 27 mars 2001 et une demande de nouvelle expertise a été faite, que cette demande en annulation a été rejetée après que la Cour eut entendu le conseil des parties civiles et le ministère public ;
"alors qu'il résulte d'aucune mention de cet arrêt incident que les accusés aient été entendus, d'où la méconnaissance des exigences de la défense" ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Bachellier et Potier de la Varde pour Mabadi Z..., pris de la violation des articles 315, 316 et 346 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que le procès-verbal des débats mentionne que Me B... a déposé des conclusions incidentes tendant à l'annulation du rapport d'expertise de Mme A... établi le 27 mars 2001 et demande qu'une nouvelle expertise soit ordonnée ; qu'après avoir entendu le conseil des parties civiles et le ministère public, la Cour a rendu son arrêt ; que par ces motifs, elle déboute Me B... de sa demande en annulation du rapport d'expertise ;
"alors que, d'une part, les arrêts de la Cour, statuant sur un incident contentieux, doivent être motivés à peine de nullité, que prive sa décision de tout motif, la Cour qui déboute Me B... de sa demande en annulation du rapport d'expertise de Mme A..., sans s'en expliquer autrement ;
"alors que, d'autre part, la règle selon laquelle l'accusé ou son avocat doivent toujours avoir la parole les derniers est générale, domine tous les débats et s'applique lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt ; que la Cour qui a débouté Me B... de sa demande en annulation du rapport d'expertise après avoir seulement entendu le conseil des parties civiles et le ministère public a méconnu cette règle fondamentale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Bachellier et Potier de la Varde pour Mabadi Z..., pris de la violation des articles 315, 316 et 346 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que le procès-verbal des débats mentionne que Me B... a demandé qu'il soit noté que Mme A..., expert psychologue, a manifesté son opinion sur la culpabilité de Mabadi Z... lors de la rédaction de son rapport ainsi qu'à l'audience, qu'après avoir entendu le conseil des parties et le ministère public, la Cour a rendu son arrêt ; que, par ces motifs, elle lui en a donné acte ;
"alors que, d'une part, la Cour, qui, en application des dispositions de l'article 315 du Code de la procédure pénale, est tenue de statuer sur les conclusions déposées, notamment, par l'accusé et son conseil, ne peut se borner à donner acte d'un incident sans se prononcer sur la réalité des faits allégués, qu'ainsi, la Cour ne pouvait seulement donner acte au conseil de Mabadi Z... de sa demande sans se prononcer sur la véracité des faits desquels il demandait qu'il soit pris note ;
"alors que, d'autre part, la règle selon laquelle l'accusé ou son avocat doivent toujours avoir la parole les derniers est générale, domine tous les débats et s'applique lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt, que la Cour qui a donné acte de la demande du conseil de Mabadi Z... relative au rapport de Mme A... après avoir entendu le conseil des parties civiles et le ministère public en dernier a méconnu cette règle fondamentale" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 346 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, l'accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers ; que cette règle s'applique lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que l'avocat de Mabadi Z... a déposé deux jeux de conclusions dans les termes repris aux moyens ; qu'il est mentionné que le président a alors donné la parole à l'avocat des parties civiles et au ministère public ;
que, par arrêts incidents, la Cour a rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise développée dans les premières conclusions, avant de donner, au terme du second incident, acte à la défense de la manifestation d'opinion de l'expert psychologue sur la culpabilité de Mabadi Z... ;
Mais attendu qu'il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt ou du procès-verbal qu'à l'occasion de ces incidents, les accusés ou leurs avocats aient eu la parole les derniers ; qu'en cet état, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer que le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ont été respectés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés ;
I - DECLARE IRRECEVABLES les pourvois formés par Franck Y... et Mabadi Z... contre l'arrêt civil ;
II - CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions concernant Franck Y... et Mabadi Z..., l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Réunion en date du 8 décembre 2004, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Réunion, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Corneloup conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;