AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. Mustapha X... et Mme Sahla Y...
Z..., tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés le 13 septembre 1974 à Tunis ; qu'ils ont déposé une requête en divorce, le mari, le 2 mai 2002, devant le tribunal de première instance de Tunis, et la femme, le 6 mai 2002, devant le juge aux affaires familiales de Nanterre ; que M. X... a soulevé une exception de litispendance devant le juge français ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que Mme Y...
Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli l'exception de litispendance, alors, selon le moyen :
1 / qu'en énonçant que dès lors que les conditions de l'article 100 du nouveau Code de procédure civile étaient réunies, elle avait l'obligation de se dessaisir au profit du juge tunisien, la cour d'appel, qui a ainsi refusé d'exercer ses pouvoirs dans leur plénitude, a violé le texte précité ;
2 / que pour retenir que la juridiction tunisienne avait été saisie en premier, la cour d'appel s'est référée aux dates de notification des requêtes en divorce devant le juge français et le juge tunisien, qu'en se prononçant au regard de cette circonstance inopérante , sans rechercher la date de saisie effective des juridictions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 100 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en ne répondant pas aux conclusions de Mme X... qui exposait que la procédure intentée par son mari en Tunisie n'avait été enrôlée que le 25 juin 2002 quand la requête devant le juge français l'avait été le 6 mai 2002, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que s'agissant d'une action en divorce introduite en Tunisie, non pas par assignation mais par requête, la cour d'appel, qui a relevé que le tribunal de première instance de Tunis avait lui-même retenu qu'il avait été saisi par requête, signifiée le 2 mai 2002 à Mme Y...
Z..., a exactement décidé, sans avoir à rechercher si l'affaire avait été enrôlée à une autre date, que ce tribunal avait été saisi en premier de l'action en divorce ; qu'ensuite, ayant constaté que les deux instances opposant les mêmes parties avaient le même objet et étaient fondées sur la même cause, que les deux juridictions étaient concurremment compétentes, les époux, tous deux de nationalité tunisienne, étant domiciliés en France, et qu'aucune fraude à la loi n'était établie, la cour d'appel a exactement retenu que les conditions de la litispendance internationale étaient réunies et a pu décider qu'elle devait se dessaisir au profit de la juridiction tunisienne ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu les articles 254, 255 et 257 du Code civil, ensemble l'article 100 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour attribuer à Mme Y...
Z... la jouissance du domicile conjugal à titre onéreux et fixer à 2 000 euros la pension alimentaire mensuelle due par M. X... au titre de son devoir de secours pendant la durée de la procédure de divorce, l'arrêt retient que le juge français reste compétent pour prendre les mesures provisoires et urgentes qui s'imposent même si le fond du divorce est tranché par un tribunal étranger ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser la nécessité pour Mme Y...
Z... d'obtenir immédiatement en France des mesures urgentes alors qu'elle ordonnait son dessaisissement au profit d'une juridiction étrangère également compétente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu'il a statué sur les mesures provisoires, l'arrêt rendu le 30 avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille cinq.