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30/11/2005 | FRANCE | N°04-86905

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 novembre 2005, 04-86905


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9Ã

¨me chambre, en date du 15 novembre 2004, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 3 ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 15 novembre 2004, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande, en défense, en rectification et en réplique ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 406 et 408 anciens du Code pénal, 314-1 et 314-10 nouveaux du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean-Jacques X... coupable d'avoir à Paris, en tout cas sur le territoire national, depuis le 28 juillet 1988, courant 1989, 1990 et 1991 et, en tout cas depuis temps non prescrit, détourné des fonds, valeurs ou biens quelconques, en l'espèce, des fonds qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés à charge de les rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé, en l'espèce, des achats de devises dans l'intérêt de la banque dont il était l'employé, en faisant des fonds qui lui étaient confiés par son employeur un usage contraire à l'intérêt de ce dernier à savoir des achats de devises à trop fort coût et des ventes à taux trop bas et, ce, pour une somme ayant généré un profit d'environ 19,5 millions de francs suisses au préjudice de la Banque d'Arbitrage, de Trésorerie et d'Instruments Financiers représentée par la société CDR Créances, et a en conséquence condamné Jean-Jacques X... à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et avec mise à l'épreuve pendant trois ans ;

"aux motifs qu'il est acquis à la procédure que, le 1er juillet 1999, dans un courrier remis à Jean-François Y..., lors de la procédure de licenciement, Jean-Jacques X... reconnaissait "avoir fait partie d'un réseau de plusieurs banques, où nous avons détourné des fonds provenant de la "BATIF" ; pour ma part, je m'engage à restituer ces fonds dont j'ai profité dans la période de un an et demi durant laquelle ces détournements se sont déroulés ; je certifie sur l'honneur que les montants concernés s'élèvent à cinq millions de deutch marks" ; que, dans les jours qui ont suivi, il remboursait à BATIF trois millions de deutch marks ; que ces aveux sont corroborés par les éléments suivants :

"1 ) les déclarations de Bernard Z..., cambiste à la banque "OLB" de New-York, qui, si, certes, a tenté de minimiser les faits en désignant Jean-Jacques X... comme l'instigateur du système, l'a clairement mis en cause comme faisant partie du système de fraude :

"vu la construction de ces opérations, il a été clair qu'il s'agissait pour moi de transferts de montants qu'il s'était approprié de façon frauduleuse au détriment de la "BATIF", les transferts ont été exécutés sous forme d'opérations de change au comptant, lesquelles ont été conclues à des cours pour partie non conformes au marché, à ma connaissance trois autres banques (BFCE, Crédit Agricole de New-York, Boston Bank) ont été impliquées de la même manière que l'OLB ; la SVB était le dernier maillon de la chaîne Jean-Jacques X... m'avait proposé de recevoir beaucoup plus d'ordres, si j'étais prêt à confirmer le cours des ordres à la BATIF avec un cours plus élevé ou plus bas" ;

"2 ) la transcription d'une conversation téléphonique du 13 mai 1991 entre Jean-Jacques X... et Bernard Z..., particulièrement éloquente quant à l'intention délictueuse de Jean-Jacques X... dont il résultait que, dans un premier temps, Jean-Jacques X... reconnaissait que le cours dollar/yen était de 1,3941, mais vendait 100 millions de dollars/yens à Bernard Z.../OLB à un taux de 1,3931, engendrant ainsi une perte pour "BATIF", et il concluait "OK ça fait le magot" ; que, dans un second temps, Bernard Z... indiquait que le cours dollars/marks au moment de l'opération valait 1,711, alors que Jean-Jacques X... lui achetait à un taux de 1,731, engendrant à nouveau une perte pour BATIF, Jean-Jacques X... ajoutait à l'issue de la transaction "j'ai tellement de profit je te dis pas" ; que, bien plus, à la fin de cette transaction, Jean-Jacques X... essayait de revenir sur la première opération et d'obtenir un taux de 1,3921 au lieu de 1,3931 (encore plus défavorable à BATIF) ce que Bernard Z... refusait car l'opération était déjà enregistrée ; que Jean-Jacques X..., à l'audience, a tenté de faire croire à la Cour, contre toute vraisemblance, que, lorsqu'il parlait de "magot", il s'agissait bien entendu de profits au bénéfice de la "BATIF" ;

"3 ) le mode de transfert des gains du prévenu qui ont transité par le compte de Wolfgang A..., dernier maillon de la chaîne, et bénéficiaire des opérations frauduleuses, via son compte clandestin "Fondation Kimono" ouvert à la "Julius Baer Bank" à Zurich ; l'enquête ayant en effet démontré que le nom de Wolfgang A... apparaissait à des multiples reprises, pour avoir effectué des versements en espèces sur le compte "Fondation Kimono", dont Jean-Jacques X... était le propriétaire économique ; que Jean-Jacques X... a toutefois reconnu qu'il était frauduleux pour Bernard Z... de procéder avec Wolfgang A... à des opérations d'aller/retour sur une même devise dégageant un profit sur une différence de cours entre l'achat et la revente au préjudice de son employeur, l'OLB ; que le prévenu a beaucoup varié dans ses déclarations, notamment devant le magistrat instructeur, où il a toujours soutenu que les fonds transitant au crédit du compte de la "Fondation Kimono" résultaient notamment de transactions pour le compte de tiers et qu'il utilisait ces fonds pour spéculer sur les marchés des devises ; que, ne pouvant prouver l'existence de ces prétendus clients, devant le tribunal, puis encore devant la Cour, il a alors indiqué avoir été bénéficiaire d'une ligne de crédit de 30 millions de dollars que lui aurait consentie Bernard Z..., et se serait ainsi livré à des opérations de changes pour son propre compte et qui seraient seules à

l'origine des profits sur le compte "Fondation Kimono", Bernard Z... se chargeant de lui adresser chaque fin de mois le solde positif du compter sur le compte "Fondation Kimono" ouvert à la banque "Julius Baer" ; que les affirmations de Jean-Jacques X... quant à cette ouverture de ligne de crédit n'ont été confirmées ni par Bernard Z... ni par les représentants de la banque "OLB" lors de l'enquête du "FBI" ; qu' il ne rapporte d'ailleurs pas la preuve ni de l'existence ni des dates de ses prétendues opérations à titre personnel (fax, ordres d'opérer etc ) ; que les allégations du prévenu, selon lesquelles il avait obtenu l'autorisation de sa hiérarchie pour accorder des marges à sa contrepartie et pour spéculer en son nom personnel ou pour une clientèle privée, sont contredites par les déclarations des dirigeants de la "BATIF" ; que, selon les usances de la profession, concernant les salles de marchés, il s'avère que la quasi totalité des banques respectait le principe bien établi dans la profession -voire formellement imposé par certaines directions- qui était de ne jamais traiter une opération pour compte propre pour éviter les conflits d'intérêts entre l'opérateur et la banque, le risque étant que l'opération affecte à son compte personnel les opérations "gagnantes" et de dépouiller sur la banque qui l'employait les opérations "perdantes" ; qu'en l'espèce, il est établi que les opérations de change concernées aussi bien dans les opérations "BATIF/OLB", que "OLB/SVB" étaient uniquement des opérations au comptant sur le marché interbancaire, ce qui excluait la possibilité des rétrocessions de marges, celles-ci étant contraires aux règles de bonne conduite du marché des changes, dans la mesure où cela aboutissait à traiter des opérations à des cours hors du marché, ce que Jean-Jacques X... ne pouvait ignorer compte tenu de son

expérience internationale sur les marchés internationaux ; que, d'ailleurs, Bernard Z... a expressément reconnu : "les transferts ont été exécutés sous forme d'opérations de change au comptant, lesquelles ont été conclues à des cours pour partie non conformes au marché" ; que le fait que les opérations aient été conclues à des taux entrant dans le cours de fluctuation de la journée, n'exonère en aucune façon Jean-Jacques X..., l'enquête, ayant établi que, connaissant le cours du marché au moment de l'opération, il l'écartait volontairement au détriment de la "BATIF" ; qu'il convient de rappeler que le contrat de travail de Jean-Jacques X... stipulait qu'il s'engageait : "à n'accepter pendant la durée de son contrat aucune autre fonction professionnelle rémunérée ou non et à ne s'intéresser à aucune autre affaire sans autorisation expresse de la direction" ; que, contrairement aux allégations du prévenu, l'ensemble des enquêtes menées par les banques concernées ont fait apparaître qu'il s'agissait d'un système de manipulation organisé, qui n'a pu être mis en oeuvre que par les opérations initiales de Jean-Jacques X..., toujours défavorables dans le mécanisme de fraude aux intérêts de BATIF, afin de dégager une marge au profit d'OLB, laquelle mettait en place par la complicité entre Bernard Z..., Wolfgang A..., Richard B... et William C... le système susvisé, faisant intervenir trois banques satellites, le bénéfice final de l'opération allant sur le compte de Wolfgang A... à la "SVB" et étant ensuite ventilé entre Bernard Z... et Jean-Jacques X... ; que, contrairement aux premières allégations de Jean-Jacques X..., qui avait affirmé n'avoir jamais eu aucune relation avec Wolfgang A..., il s'avère que ces derniers ont eu en fin de période (juin/juillet 1991) deux ou trois contacts téléphoniques selon les déclarations de ce dernier, non contredites par le prévenu : époque à laquelle Wolfgang A... a clôturé son compte à la "Swiss Wolks Bank (SVB) ; qu' il convient enfin de souligner que le prévenu connaissait Bernard Z... depuis 1977/1978 et que, dès son embauche à la "BATIF", il a choisi de travailler avec l'OLB comme contrepartiste pour des opérations de change très importantes, alors que "BATIF" ne travaillait pas auparavant avec cette banque ;

qu'il apparaît, dès lors, au vu de ces constatations, que Jean-Jacques X... en initiant dans son intérêt personnel des opérations de change frauduleuses, hors le cours du marché et toujours à un cours défavorable pour la "BATIF", son employeur, dès lors à son détriment, a bien commis le délit d'abus de confiance ; que, compte tenu du montant des sommes détournées et du mode opératoire utilisé, s'agissant d'une opération d'ampleur internationale, la Cour estime que les premiers juges ont fait une juste appréciation de la sanction pénale ; que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions pénales" ;

"et aux motifs adoptés que Jean-Jacques X... conteste que l'infraction d'abus de confiance soit réalisée en l'espèce et soutient, d'une part, que BATIF ne lui aurait jamais remis de fonds ; que cette allégation n'est pas sérieuse ; qu'il n'est pas contesté que Jean-Jacques X... pouvait engager la BATIF à concurrence de 150 millions de dollars ou plus pour des transactions sur le marché des changes ; que ces transactions engageaient la BATIF qui, en cas d'achat de devises, par exemple, devait les payer, que ce soit en monnaie scripturale ou fiduciaire ;

que l'autorisation d'engagement donnée par l'employeur de Jean-Jacques X... à son cambiste est donc une "remise de fonds" simplement compatible avec les nouvelles technologies ;

qu'il affirme, d'autre part, qu'il n'aurait pas fait des fonds ainsi mis à sa disposition un emploi différent de ce qui était déterminé par ses relations contractuelles avec son employeur ; que, plus précisément, il reconnaît avoir laissé OLB New-York engranger des sommes ainsi perdues par BATIF mais il prétend que ces sommes correspondraient à une marge consentie en rétribution du service rendu par la contrepartie ; qu'il reconnaît également avoir spéculé pour son compte personnel sous le nom de BATIF ; qu'il convient d'observer que le code de déontologie faisait interdiction aux cambistes d'opérer des spéculations personnelles ;

"alors, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 408 ancien du Code pénal, le délit d'abus de confiance, pour être constitué, suppose au préalable la remise matérielle préalable d'effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, dans le cadre d'un contrat de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage, ou pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que Jean-Jacques X... était salarié de la BATIF et qu'il avait le pouvoir de l'engager dans des opérations de change pour un montant de 150 millions de dollars ; que, par ailleurs, il résulte uniquement de son contrat de travail, signé le 17 août 1988 avec effet au 1er août 1988, qu'il est engagé comme conseil dans le domaine du marché des devises, sans mention de la remise de fonds ou de sa capacité à engager la BATIF pour un montant de 150 millions de dollars ; que, dès lors, en considérant que Jean-Jacques X... devait être regardé comme s'étant vu confier des fonds par la BATIF pour l'achat et la vente de devises, bien qu'aucune remise résultant d'un des engagements contractuels énumérés par l'article précité n'ait été réalisée, les juges d'appel ont appliqué à tort les dispositions de l'article 408 ancien précité et l'ont violé ;

"alors, en deuxième lieu, que s'agissant d'un salarié, le délit d'abus de confiance pour détournement de fonds ne peut être caractérisé que si des fonds ont effectivement été remis à ce salarié en vue d'un travail déterminé et si ces fonds ont été détournés de leur destination ; que les cambistes des marchés de gré à gré de devises sont des donneurs d'ordre, par téléphone, d'achats ou de ventes de devises, les transactions étant finalisées et les paiements effectués par le back office, chargé du contrôle, de l'enregistrement et du paiement de toutes les opérations de change ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Jacques X..., salarié de la BATIF, exerçait des fonctions de chef cambiste et initiait uniquement les opérations d'achat et de vente de devises, aucun fonds ne lui étant remis ; que, dans ces conditions, en retenant à son encontre, le délit d'abus de confiance, bien que la condition préalable de la remise licite de fonds en vertu d'un des contrats énumérés par l'article 408 ancien du Code pénal n'ait pas été remplie, les juges d'appel ont violé ce texte ;

"alors, en troisième lieu et subsidiairement, qu'en vertu des dispositions de l'article 408 ancien du Code pénal, l'élément matériel du délit d'abus de confiance est constitué par le détournement ou la dissipation d'un bien énuméré par ce texte et que le détournement d'un bien est un changement de destination de ce bien remis à une fin précise ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Jacques X..., salarié de la Banque d'Arbitrage et de Trésorerie d'Instruments Financiers (BATIF), était chef-cambiste du marché des devises et qu'il était chargé de négocier les opérations d'achats et de ventes de devises pour le compte de la BATIF, opérations dont il n'est pas contesté qu'il les a effectuées, les devises achetées revenant à la banque au même titre que les fonds provenant des devises vendues ; que, dans ces conditions, en considérant que Jean-Jacques X... avait détourné les fonds qui lui avaient été remis, bien que ceux-ci n'aient pas changé de destination, les juges d'appel ont encore violé le texte susvisé ;

"alors, en quatrième lieu et subsidiairement, que l'usage abusif d'un bien confié en vertu d'un contrat au sens de l'article 408 ancien du Code pénal, les pertes d'exploitation comme les pertes de gains générées par le bien confié au même titre que les pertes d'opportunités éventuelles de gains potentiels ne sont pas constitutives d'un détournement, et que les profits éventuellement tirés par le prévenu de l'usage abusif du bien confié, sont sans incidence sur la qualification de l'élément matériel de l'infraction ;

qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Jacques X..., salarié de la Banque d'Arbitrage et de Trésorerie d'Instruments Financiers (BATIF), était chef-cambiste du marché des devises et qu'il était chargé de négocier les opérations d'achats et de ventes de devises pour le compte de la BATIF, opérations dont il n'est pas contesté qu'il les a réalisées, les devises achetées revenant automatiquement à la banque au même titre que les fonds provenant des devises vendues ; qu'en fondant le détournement de fonds allégué sur la circonstance que Jean-Jacques X... aurait conclu des opérations à des taux entrant dans le cours de fluctuation de la journée mais différent du cours du marché au moment de l'opération, en l'écartant volontairement au détriment de la "BATIF", dans des conditions contraires aux usages et à la déontologie de la profession, les juges d'appel n'ont pas davantage caractérisé le délit d'abus de confiance défini par le texte précité, en l'absence de changement de destination des fonds remis au sens de l'article 408 précité, et ont violé ce texte ;

"alors, en cinquième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 408 ancien du Code pénal, l'élément matériel du délit d'abus de confiance est constitué par le détournement ou la dissipation du bien remis dans des conditions contraires aux prévisions du contrat ayant prévu la remise ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que les opérations reprochées ont commencé en 1987 entre OLB et SVB avant que Jean-Jacques X... ne soit salarié de la BATIF ; que, par ailleurs, à l'appui de ses conclusions d'appel visées le 6 septembre 2004, Jean-Jacques X... a établi différents tableaux qui en constituent les annexes I et II, à partir des opérations de change conclues entre la BATIF et la banque OLB à New-York telles qu'elles figurent dans le dossier d'instruction (D 2127) et des documents D 202 à D 471 représentant les relevés de comptes de Wolfgang A... auprès de la SVB Bâle et qu'il ressort de ces tableaux explicités dans les conclusions du demandeur (pages 23 à 29) que toutes les opérations entre la BATIF et OLB New-York ont été exécutées à des cours compris entre le cours le plus haut et le court le plus bas de la journée de réalisation, à un cours très proche de la moyenne, que les transferts entre OLB New-York et le compte de Wolfgang A... sont sans rapport avec les opérations traitées par la BATIF et OLB New-York et que les transferts de fonds versés par OLB New-York sur le compte de Wolfgang A... en 1987 et 1988 l'ont été avant l'entrée de Jean-Jacques X... à la BATIF, enfin, que plus de la moitié des transferts entre OLB New-York et SVB Bâle l'ont été sans que des opérations entre la BATIF et OLB New-York aient été réalisées le jour de ces transferts ; que, par ailleurs, il résulte du procès-verbal d'audition de M. D..., directeur de la BATIF, en date du 24 septembre 1992 (D 2053), que les gains générés par l'activité de Jean-Jacques X... représentent, pour la BATIF, 23,7 millions de francs français en 1989 et 72,4 millions de francs français en 1990 ;

qu'en déclarant le demandeur coupable des faits qui lui sont reprochés sans répondre à ses conclusions qui justifiaient qu'il n'avait traité aucune opération hors le cours du marché et à un cours défavorable pour la "BATIF" et que les opérations réalisées entre cette dernière et OLB New-York ne s'inscrivaient pas dans le système de fraude organisé par Bernard Z..., Wolfgang Oniol, Richard B... et William C... entre les banques OLB New-York, SVB et trois autres banques, les juges d'appel n'ont pas motivé leur décision ;

"alors, enfin, que le délit d'abus de confiance n'est constitué que si la victime a subi un préjudice ;qu'en l'espèce, le demandeur faisait valoir dans ses conclusions d'appel visées le 6 septembre 2004 (pages 22 et 23) que la BATIF, par l'intermédiaire de son dirigeant, M. D..., avait admis au cours de son audition du 4 septembre 1992 (D 2055), que toutes les opérations réalisées par Jean-Jacques X... avaient été comptabilisées mais qu'en dépit de ces informations, cette dernière n'avait jamais pu démontrer un préjudice ; que, par ailleurs, il résulte du procès-verbal d'audition de M. D..., directeur de la BATIF, en date du 24 septembre 1992 (D 2053), que les gains générés par l'activité de Jean-Jacques X... représentent, pour la BATIF, 23,7 millions de francs français en 1989 et 72,4 millions de francs français en 1990 ; qu'en estimant que la BATIF avait subi un préjudice constitutif du délit d'abus de confiance sans répondre au moyen du demandeur, les juges d'appel n'ont donc pas motivé leur décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1782 du Code civil, 406 et 408 anciens du Code pénal, 314-1 et 314-10 nouveaux du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné Jean-Jacques X... à payer à la société CDR Créances venant aux droits de la SBT BATIF, partie civile, la somme de deux millions d'euros (2 000 000 euros) à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs propres que "la société "CDR Créances" sollicite à titre principal la condamnation de Jean-Jacques X... à lui verser la somme de 5 180 665 euros à titre de dommages-intérêts et, subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris ; qu' elle demande en outre l'allocation d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; que le conseil du prévenu fait valoir que la lettre de confession de Jean-Jacques X... ne peut servir de support pour asseoir une condamnation civile, le chiffre indiqué correspondant en fait à celui exigé par Jean-François E... ; que Bernard Z... avait indiqué à son employeur que les bénéfices réalisés par "OLB" dans ses relations avec "BATIF" étaient d'un montant total de 1 300 000 dollars, soit 2 356 510 deutch marks au taux de change du 1er juillet 1991 ; que le préjudice allégué par la partie civile n'est pas établi ; que, compte tenu de la déclaration de culpabilité intervenue à l'encontre de Jean-Jacques X..., la constitution de partie civile de la société "CDR Créances" est recevable ; qu' il convient de souligner que la société "CDR Créances" n'a pas interjeté appel de la décision ; que la Cour estime que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice direct et actuel résultant pour la partie civile des agissements frauduleux du prévenu ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions civiles ;

que, pour tenir compte des frais irrépétibles engagés par la partie civile en cause d'appel, Jean-Jacques X... sera condamné à lui verser la somme de 2 000 euros ;

"et aux motifs adoptés que la SA CDR Créances, aux droits de SBT BATIF, se constitue partie civile et demande au tribunal de fixer son préjudice à 5 180 665 euros (33 982 934 francs français) et, compte tenu du remboursement de 1 907 474 euros déjà intervenu (3 500 000 deutch marks) demande la condamnation de Jean-Jacques X... à lui payer la somme de 3 373 191 euros (22 126 682 francs français) à titre de dommages-intérêts en remboursement de son préjudice ; que le tribunal possède les éléments d'appréciation suffisants pour condamner Jean-Jacques X... à payer au-delà de la somme de 3 500 000 deutch marks qu'il a déjà remboursée, une nouvelle somme de deux millions d'euros ;

"alors que la condamnation au paiement de dommages-intérêts suppose la constatation d'un préjudice matériel ou moral subi par le bénéficiaire ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Jacques X... a, au moment de son licenciement, dû verser une somme de 3,5 millions de deutch marks au profit de la BATIF ; que, par ailleurs, ce dernier faisait valoir dans ses conclusions d'appel visées le 6 septembre 2004 (pages 22 et 23, 35 et 36), d'une part, que la BATIF, par l'intermédiaire de son dirigeant, M. D..., avait admis au cours de son audition du 24 septembre 1992 (D 2055) que toutes les opérations réalisées par Jean-Jacques X... avaient été comptabilisées mais qu'en dépit de ces informations, cette dernière n'avait jamais pu démontrer un préjudice, d'autre part, que Bernard Z... avait déclaré le 29 mai 1991(D 1896) que les bénéfices réalisés par OLB New-York dans ses opérations avec la BATIF représentaient un montant de 2 356 510 deutch marks au taux de change au 1er juillet 1991 ; qu'en condamnant le demandeur au paiement de dommages-intérêts supplémentaires de 2 millions d'euros, les juges d'appel n'ont donc pas motivé leur décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 406 et 408 anciens du Code pénal, 112-1, 314-1 et 314-10 nouveaux du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir déclaré Jean-Jacques X... coupable d'avoir à Paris, en tout cas sur le territoire national, du 28 juillet 1988 et courant 1989, 1990 et 1991 et, en tout cas depuis temps non prescrit, détourné des fonds, valeurs ou biens quelconques, en l'espèce, des fonds qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés à charge de les rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé, en l'espèce, des achats de devises dans l'intérêt de la banque dont il était l'employé, en faisant des fonds qui lui étaient confiés par son employeur un usage contraire à l'intérêt de ce dernier à savoir des achats de devises à trop fort coût et des ventes à taux trop bas et, ce, pour une somme ayant généré un profit d'environ 19,5 millions de francs suisses au préjudice de la Banque d'Arbitrage, de Trésorerie et d'Instruments Financiers représentée par la société CDR Créances, faits prévus par l'article 314-1 du Code pénal et réprimés par les articles 314-1, alinéa 2, et 314-10 du Code pénal, a condamné Jean-Jacques X... à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et avec mise à l'épreuve pendant trois ans ;

"alors, d'une part, que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date où est commise l'infraction lorsqu'elles sont moins sévères que les peines prévues par la loi nouvelle ; que, par ailleurs, le délit d'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende par l'article 314-1 nouveau du Code pénal applicable aux infractions commises après le 1er mars 1994 tandis qu'il est puni d'un emprisonnement de deux mois au moins et de deux ans au plus et d'une amende de 3 600 francs français au moins et de 2 500 000 francs français au plus par les articles 406 et 408 anciens du Code pénal pour les infractions commises avant cette date ;

qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que les faits visés à la prévention ont été commis entre 1988 et 1991, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de l'article 314-1 nouveau du Code pénal ; qu'en prononçant ainsi une peine d'emprisonnement de trois ans à l'encontre de Jean-Jacques X..., bien qu'à la date des faits reprochés au demandeur, la peine d'emprisonnement applicable était celle de deux ans au plus conformément aux articles 408 et 406 anciens du Code pénal, moins sévère que celle prévue par l'article 314-1, les juges d'appel ont méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé ;

"alors, d'autre part, qu'une loi nouvelle qui modifie les éléments d'une incrimination prévue par la loi antérieure dans un sens défavorable au prévenu, n'est applicable qu'à des faits accomplis après son entrée en vigueur ; que l'article 314-1 du Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, a étendu le champ d'application du délit d'abus de confiance précédemment défini par l'article 408 ancien du Code pénal et vise désormais le détournement d'un bien quelconque, en dehors des contrats de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage et de travail, salarié ou non, uniquement visés par l'article 408 ancien et suppose l'existence d'un préjudice subi par les propriétaires, détenteurs ou possesseurs ou par autrui ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué (page 2) que les faits visés à la prévention ont été commis entre 1988 et 1991 et que Jean-Jacques X... est poursuivi pour l'infraction prévue par l'article 314-1 du Code pénal et réprimée par les articles 314-1, alinéa 2, et 314-10 du Code pénal ; que, par ailleurs, l'ordonnance de renvoi du 24 octobre 2002 mentionne que Jean-Jacques X... est poursuivi pour des faits prévus et réprimés par les articles 406, 408 anciens du Code pénal, abrogés mais en vigueur au moment des faits et l'article 314-1 et 314-10 du Code pénal ; qu'en se référant aux seules dispositions de l'article 314-1 pour qualifier les faits poursuivis et confirmer le jugement entrepris, les juges d'appel ont donc encore violé les textes précités" ;

Vu l'article 112-1 du Code pénal ;

Attendu que, selon ce texte, peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ;

Attendu qu'après avoir déclaré Jean-Jacques X... coupable d'abus de confiance, commis à compter du 28 juillet 1988 et courant 1989, 1990 et 1991, les juges du fond l'ont condamné à trois ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que cette peine excède le maximum légal prévu lors de la commission des faits, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 15 novembre 2004, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

FIXE à 1 500 euros la somme que Jean-Jacques X... devra payer à la société CDR Créances au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-86905
Date de la décision : 30/11/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 novembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 nov. 2005, pourvoi n°04-86905


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.86905
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