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29/11/2005 | FRANCE | N°05-82384

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 novembre 2005, 05-82384


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me SPINOSI, et de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nicole, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 16 mars 2005, qui

, pour abus de faiblesse, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me SPINOSI, et de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nicole, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 16 mars 2005, qui, pour abus de faiblesse, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, à 5 ans d'interdiction des droits civils, civiques et de famille et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des anciens articles 313-4 et 313-7 du Code pénal, applicables en l'espèce, et des articles 6, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre correctionnelle de la cour d'appel après avoir rejeté l'exception de prescription de l'action publique des faits commis, a confirmé le jugement ayant déclaré la prévenue coupable de faits d'abus de faiblesse sur une personne particulièrement vulnérable commis entre juillet 1994 et février 1998 ;

"aux motifs que, "le ministère public demande à la Cour de constater la prescription de l'action publique pour la partie des faits antérieurs au 5 octobre 1995 et requiert pour le surplus la confirmation du jugement déféré ; que le délit d'abus de faiblesse, objet des poursuites, consiste en une succession de versements provenant du compte de Francisque Z..., effectués de 1994 à 1998 ; que cet abus frauduleux procédant d'une opération délictuelle unique, la prescription ne commence à courir qu'à partir du dernier prélèvement effectué sur le patrimoine de la victime ; qu'en l'espèce, la plainte ayant été déposée en 1998, la prescription n'est pas acquise ;

"alors que, en relevant que la victime avait été contrainte "par divers moyens" qu'elle caractérisait précisément et séparément de remettre de l'argent à la prévenue, la cour d'appel a établi que l'abus frauduleux dénoncé procédait non d'une opération délictuelle unique mais de modes opératoires distincts ; qu'en refusant de constater la prescription des faits commis plus de trois ans avant le dépôt, le 29 septembre 1998, de la plainte avec constitution de partie civile et en condamnant la prévenue pour des faits commis entre juillet 1994 et février 1998, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations" ;

Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt attaqué qu'entre 1994 et 1998 Francisque Z..., né le 31 janvier 1915 et dont l'état de santé relevait d'une protection judiciaire, a remis de nombreuses sommes d'argent à Nicole Y..., née en 1954, qui lui rendait fréquemment visite en se prévalant de ses ennuis financiers et en usant de ses charmes pour obtenir les versements sollicités ; qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile portée par Francisque Z..., le 29 septembre 1998, Nicole Y... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef, notamment, d'abus de faiblesse ;

Attendu que, pour refuser de constater la prescription des faits commis plus de trois ans avant l'ouverture de l'information judiciaire, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que les faits procèdent d'un mode opératoire unique et que, les infractions ayant été réalisées à la suite d'une succession de versements effectués de 1994 à 1998, dont l'ensemble a gravement préjudicié à la victime, la prescription court, pour chacune d'elles, à compter du dernier de ces versements, intervenu moins de trois ans avant le premier acte de poursuite ;

D'ou il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 313-4 ancien du Code pénal, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nicole X..., épouse Y..., coupable d'abus de l'état de faiblesse ;

"aux motifs qu' "il résulte des débats et des pièces de la procédure et notamment du rapport d'expertise du docteur A..., non remis en cause par la prévenue au cours de l'instruction, que Francisque Z..., alors âgé de 84 ans, était particulièrement vulnérable ; que cet expert précisait que cette vulnérabilité, déjà présente en 1993, de par son âge et sa solitude, s'était largement amplifiée après son accident vasculaire de juillet 1994 qui avait engendré une hémiplégie droite et une diminution des capacités intellectuelles ; qu'il soulignait que son état relevait alors d'une mesure de protection judiciaire ; que le docteur B..., médecin traitant qui le connaissait depuis neuf ans, a également attesté le 17 mars 1998 que depuis juillet 1994, l'état de santé de son patient ne lui permettait plus de posséder toutes ses facultés intellectuelles ; que les filles de la partie civile ont elles-mêmes pensé à solliciter une mesure de curatelle, mais n'ont pas été au bout de leurs démarches pour ne pas heurter leur père ; que la prévenue soutient que Francisque Z... était un habitué du "Lyon vert" ; mais attendu que Sébastien C... et Patrice D..., respectivement technicien et directeur des machines à sous de ce casino, ont tous deux déclaré en cours d'information ne jamais avoir vu Francisque Z... dans leur maison de jeu, corroborant ainsi la déposition de ce dernier qui a maintenu ne jamais avoir joué de sa vie dans un casino ; qu'entendu à la demande de Nicole X..., épouse Y..., un témoin a affirmé devant le magistrat instructeur qu'il l'avait vue avec un homme âgé, cinq ou six ans auparavant, mais a précisé que c'était Nicole X... qui, par la suite, lui avait fait savoir qu'il s'agissait de Francisque Z... ; que les attestations produites par Nicole X..., épouse Y..., pour la première fois devant la Cour, plusieurs années après les faits, ne sont pas de nature à remettre en cause les déclarations précises ci-dessus rappelées ; que, contrairement à ce que soutient la prévenue, Francisque Z... a affirmé avoir retiré à plusieurs

reprises des espèces à la Caisse d'Epargne pour les lui donner ; que Susan E..., employée de la Caisse d'Epargne, a précisé qu'elle avait été alertée par d'autres employées de cette banque sur le changement de comportement de Francisque Z..., qui se montrait auparavant extrêmement économe et qui avait soudainement effectué des retraits répétés et importants, accompagné d'une femme étrangère à la famille ; que cette employée a confirmé que les montants retirés s'élevaient à 700 000 francs ; que, lors de sa mise en examen, la prévenue a reconnu avoir rédigé elle-même les chèques de sa main parce que, lorsqu'il était hospitalisé, Francisque Z... était très handicapé ; qu'il n'est pas contestable qu'elle l'a ensuite contraint, fut ce devant notaire, à rédiger un testament en sa faveur le 16 novembre 1995 ; qu'il suffit pour en être convaincu, de se reporter à son libellé prévoyant qu'il lui léguait toutes les sommes qu'il "a pu ou pourrait lui remettre à quel titre que ce soit" ;

que c'est à bon droit que le tribunal, dont la Cour adopte les motifs, a retenu que Nicole X..., épouse Y..., à Lyon, de 1995 à 1998, a abusé frauduleusement de la situation de faiblesse de Francisque Z..., personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge et à une déficience physique et psychique était apparente et connue de son auteur, pour obliger cette personne à effectuer des signatures de chèques et des retraits bancaires qui lui ont été gravement préjudiciables, faits prévus et réprimés, à l'époque, par les articles 313-4 et 313-7 du Code pénal" ;

"alors que, la cour d'appel n'a pas caractérisé la contrainte qu'aurait exercée Nicole X..., épouse Y..., sur Francisque Z..., cette dernière s'étant contentée d'accepter les sommes qui lui ont été offertes par ce dernier du fait de son attachement" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 3 000 euros la somme globale que Nicole Y... devra payer à Chantal et Eliane Z... venant aux droits de Francisque Z... au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-82384
Date de la décision : 29/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 7ème chambre, 16 mars 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 nov. 2005, pourvoi n°05-82384


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.82384
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